Heureusement, le gouvernement planche sur l’orthographe des jeunes

Luc Chatel lance une réforme de l’Éducation Nationale pour améliorer l’orthographe des élèves. Quel judicieux timing !

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Heureusement, le gouvernement planche sur l’orthographe des jeunes

Publié le 20 avril 2012
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Stupéfiente découvairte : l’ortografe des petits Franssais est catastrofique. Heureusement, alors que le premier tour de l’élection présidentielle est dans une poignée d’heures, le gouvernement propose une réforme courageuse histoire de remettre de l’ordre dans les méthodes d’apprentissage. Ouf. Il était temps !

Les articles se multiplient, la conclusion est sans appel : les petits Français ont, comme qui dirait, un peu de mal à maîtriser l’orthographe de leur belle langue et devant ce constat malheureux, aussi inopiné qu’imprévu dans une campagne où tout semblait pourtant s’orienter sur des débats techniques et économiques de haute volée, le gouvernement a décidé d’agir.

Le ministère de l’Éducation Nationale va donc envoyer une circulaire aux professeurs pour les accompagner dans leur pédagogie, afin notamment de rappeler, entre deux messages sanitaires sur la nécessité de manger des fruits, des légumes et du pas salé pas gras pas sucré, que la maîtrise de la langue française est indispensable pour s’en sortir dans le monde de demain (et de maintenant aussi, d’ailleurs). Tout part d’une étude dans laquelle il a été demandé à des élèves de faire une dictée d’une dizaine de lignes et dont le résultat fut édifiant : en 1987, ils étaient 26% à faire plus de quinze fautes. En 2007, les écoliers étaient 46% dans ce cas. Pour une fois qu’une progression franche et massive est constatée, ce n’est pas exactement le genre de croissance qu’on aime voir.

Catastrophe et fourchette en plastique, le communiqué explique la marche à suivre :

« L’orthographe doit constituer un enseignement spécifique et doit s’apprendre à partir de notions claires ayant leurs propres règles permettant aux élèves de mieux comprendre et de rédiger des écrits. Enfin, elle doit s’enseigner de manière complémentaire à la grammaire et au vocabulaire. »

Du vocabulaire. De la grammaire. De l’orthographe. Le tout packagé dans un enseignement spécifique… Pas de doute, c’est un retour à des méthodes d’apprentissage qui fleurent bon les heures les plus sombres de notre histoire, avec des hussards noirs, des tableaux noirs, des poêles à bois et des méthodes syllabiques. On entend d’ici les vagissements gutturaux des bisounours fouettés au plus profond de leurs chairs.

Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

On peut se réjouir que le gouvernement prenne enfin la mesure de l’étendue du problème. Lui même le reconnaît, diverses évaluations montrent un effritement (qu’il qualifie bien sûr de lent et progressif et que je n’aurais pas de mal à désigner comme rapide et en pleine accélération) des compétences générales en la matière. Autrement dit, oui, de plus en plus de jeunes Français ne savent plus lire, écrire correctement, ne comprennent pas les phrases qui leur sont proposées, ne comprennent pas le sens des règles qu’on leur demande d’apprendre, et ne savent pas les appliquer.

Mais même si le constat est exact, pourquoi aura-t-il fallu tant de temps pour y parvenir ? Cela fait des années que la situation est actée. Cela fait des décennies, même, que les générations dégrossies au référentiel bondissant et méthode globalo-analytique en tenue camouflage sont, lentement mais sûrement, parvenues dans les postes où on commence à mesurer les dégâts de leur inculture. Qui n’est pas tombé sur une faute abominable dans Le Monde, Le Figaro, Libération, en une ? Qui n’a pas noté, sur les dix ou quinze dernières années, les tournures de phrases de plus en plus effroyables qui parsèment les journaux, les livres, les rapports des uns ou des autres ? Qui n’a pas constaté une franche différence entre les mails produits au début du 21ème siècle et ceux qu’on peut lire récemment, qui ressemblent maintenant à une agglutination hasardeuse de mots étranges dans une syntaxe de Klingon bourré ? Et des CV écrits en mode torchon décrivant autant un parcours professionnel sinusoïdal qu’une formation scolaire vraiment innovante ?

Et surtout, pourquoi diable lancer cette initiative à ce moment de la campagne présidentielle ? Il n’y a même pas besoin d’être du milieu, de fréquenter assidûment le directeur de cabinet du ministre pour sentir d’ici l’odeur âcre de la poudre et du sang chaud de ce qui n’est finalement qu’un dernier baroud d’honneur pour un Luc Chatel couvert des ecchymoses et cicatrices d’une guerre qui n’a pas été la sienne mais qu’il a bien fallu faire, armé d’un seul marteau avec lequel il aura consciencieusement enfoncé tous les clous qu’il pouvait…

On sait déjà, rien qu’avec un tel timing, qu’absolument personne, de l’inspection académique au dernier des professeurs, n’aura rien à foutre de la circulaire : entre les grandes vacances qui approchent résolument, la distribution du bac de Juin et le changement prévisible de têtes aux ministères, toute la manœuvre ressemble à un petit prout lâché au centre de commande de Gazprom en Russie. Mieux : comme la prochaine fournée de têtes pensantes sera prétendument de l’autre bord politique, elle s’emploiera à nier et réfuter tous les efforts entrepris auparavant.

Et donc bien évidemment, si tout ceci ne sert à rien, cela veut dire que le niveau général de l’instruction va continuer à s’effondrer. Ça tombe bien, c’est exactement ce dont ce pays a besoin.
—-
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  • Même H16 fait des fautes d’orthographe !!!

    En effet, « Le Monde » s’écrit « L’Immonde ».

    🙂

  • Stupéfiente découvairte : ces tro dla bale !

  • sé carémant rassuren

  • Le plus effrayant n’est pas tant les fautes qui sont faites, mais bien la conclusion de l’auteur de ce billet qui tend à dire que les profs n’en on rien à faire des fautes en question.
    Et c’est là ou je dit qu’il faut arrêter aussi de lire la presse et les communiqués du ministère. Discutez avec les enseignants, ça fait 20 ans que je les entends me dire que c’est de pire en pire.
    D’une part, on a un programme de plus en plus chargé (quelle que soient les disciplines) et d’autres part, on a des élèves qui refusent d’apprendre. (ben quoi… pourquoi apprendre, « la starac a la télé elle a dit que l’école ça sert à rien… » et j’exagère à peine)

    Sans oublier l’effet d’accélérateur qu’ont eu… les sms et les messageries instantanées ou encore les réseaux sociaux.
    Pour le coup, on peut dire merci à la technologie (allez, au moins pour moitié… pour l’autre c’est aux parents qu’ils faut dire merci)

    • Mouais. Certains profs sont de vrais professionnels d’une grande déontologie : ils auront toute leur place dans les écoles privatisées. Pour le reste, l’éducation nationale ne peut pas s’exonérer de son immense responsabilité, notamment dans la diffusion de l’idéologie socialiste égalitariste. La destruction de l’enseignement par des méthodes farfelues, d’abord par l’affaiblissement de l’enseignement de la langue et de la culture française, en faisait partie. On a claqué des milliards pour créer un problème et maintenant il faudrait dépenser encore plus pour le corriger, sans changer le système responsable de cette gabegie ? Non !

      • « la diffusion de l’idéologie socialiste égalitariste »
        Et, en passant, de s’adonner dès le « Primaire » à une constante diffusion des antiennes de l’écologisme politique.

    • « les profs n’en on rien à faire des fautes en question. »
      Non.
      Ils n’ont tout simplement aucun moyen de redresser la barre dans le cadre de l’Education Nationale telle qu’elle est actuellement. C’est tout.

      « ça fait 20 ans que je les entends me dire que c’est de pire en pire. »
      Ça corrobore l’article. Ils sont lucides.

      « on a un programme de plus en plus chargé »
      Ça fait 40 ans qu’on entend ça. Le niveau de charge atteint maintenant devrait être stratosphérique. En réalité, il n’est pas chargé, il est foutraque. C’est complètement différent.

      • Malheureusement si, il est « chargé »
        Non pas qu’il y ait plus de disciplines à enseigner ou que le volume global des choses à enseigner soit devenu « stratosphérique » comme tu le dis toi-même, mais simplement que pour faire assimiler aujourd’hui les mêmes choses qu’il y a 20 ans, il faudrait 2 années scolaires au lieu d’une.
        Et malheureusement, les capacités des enseignants, bien que parfois contestables, ne peuvent en être la seule explication.
        Le problème vient pour une grande partie des élèves (non non, ils ne sont pas plus bêtes qu’avant) mais surtout, il vient des grands experts psychologues qui répètent à longueur d’année que les gamins sont fatigués, que c’est l’Ecole qui leur en demande trop. (arrêtez moi si je me trompe, mais personne n’est mort après avoir suivi une scolarité dans le publique il y a 20 ans)
        Et autre facteur déterminent, les parents qui, de plus en plus, ne s’inquiètent plus du niveau d’éducation de l’enfant, mais bien de savoir si le prof a été « gentil » avec le gamin… quitte à aller « lui mettre sur la tronche » si tel n’est pas le cas…

        Mais nous sommes tous d’accord que l’Education nationale apporte plus de problèmes que de solutions à l’heure actuelle.

        La solution serait peut etre d’arrêter de réformer les programmes à chaque fois qu’une étude sur l’éducation pointe le bout de son nez… autrement dit, tous les ans.

      • C’est vrai que si on arrête de bourrer le crâne de nos mômes avec la morale écologique, le développement durable et autres conneries vertes, ça fera un peu plus de temps pour l’orthographe.

  • Je crois que je déprime sérieusement, là… Parce qu’en Suisse, dans le canton de Vaud du moins, le niveau de l’eaurtôgraff est tellement lamentable qu’on se demande comment les secrétaires nouvellement formées vont réussir à aligner deux phrases correctes. Et comme nous avons des socialistes à la tête du Département de l’Instruction publique, les idées diaboliques pour couler les futures générations d’élèves sont non seulement nombreuses, mais en plus mises en pratique!!! Il est facile de prévoir que les dix prochaines années vont être une pataugeoire olympique. Quant aux enseignants, ils sont pour la plupart révoltés par les inventions prodigieusement débiles des têtes dépensantes qui les dirigent. Alors, lire qu’en France la situation est aussi préoccupante que chez nous ne me réconforte pas. Nous devrions nous sentir solidaires, mais j’ai beaucoup de peine à être solidaire avec la médiocrité quand nos élus en font profiter le peuple avec tant de générosité. Tout bien réfléchi, je pense qu’il n’y a pas que la France qui est foutue.

  • Revenons à la « méthode des dictées préparées de Maurice Grevisse » !
    Pas étonnant que les Français aient une si mauvaise orthographe !
    Les plus jeunes sans doute à cause du temps passé à se distraire avec des jeux vidéo et à s’envoyer des e-mails et des SMS phonétiques ; les plus âgés, toutes professions confondues, sans doute à cause de la « méthode globale », qui était inutilement destinée à lire plus tôt et plus vite…
    Mais, à mon humble avis, la cause fondamentale de l’orthographe déplorable des Français, c’est paradoxalement la dictée elle-même, parce que celle-ci ne fait jamais que confirmer et comptabiliser les fautes ! Elle n’apprend rien.
    A moins bien sûr d’avoir été préparée , par une lecture attentive et répétée, chaque mot étant en quelque sorte « disséqué », « photographié » et expliqué étymologiquement et grammaticalement, le cas échéant.
    La lecture lente devient d’ailleurs une habitude bénéfique ad vitam !
    En Belgique, dans les années 50, j’ai eu la chance de bénéficier de la « Méthode des dictées préparées de Maurice GREVISSE », éminent grammairien belge, pourtant très apprécié en France.
    Ceux qui n’avaient pas une mémoire visuelle efficace utilisaient leur mémoire motrice. Une faute : 10/20. Deux fautes : 0/20… Hélas, ce qui est intelligent et efficace ne dure jamais longtemps… ! « Panta rhei… ».
    Je déplore aussi la quasi totalité des réformes simplificatrices de l’orthographe car elles favorisent la paresse et dévalorisent la culture en général et la littérature en particulier.
    La télévision et l’ordinateur ont en outre fait perdre l’attrait de la lecture…
    Enfin, n’en déplaise à l’excellent Bernard Pivot, je doute que la dictée, fût-ce par des textes bien choisis, soit le meilleur vecteur de la découverte et de la promotion des valeurs laïques, humanistes et républicaines : il ne faut pas « mélanger les genres »…
    Le ministre Luc Chatel n’aurait-il jamais entendu parler de Maurice Grevisse… ?
    Merci pour vos réponses et commentaires.
    Michel THYS
    à Ittre, en Brabant wallon.

    • J’ai tiqué en lisant « Je déplore aussi la quasi totalité des réformes simplificatrices de l’orthographe car elles favorisent la paresse », peut on dans ce cas dire que l’on déplore que le vélo et le cheval aient étés remplacés par la voiture, ou que le travail manuel soit remplacé par des machines ou les sabots de bois par les chaussures?

      Si il y a un changement durable c’est qu’il y a un gain, (les réformes idiotes imposées disparaissent dès que les gouvernements changent) ne vous en déplaise l’orthographe se simplifie peu à peu, les mots aux orthographes exotiques sont remplacés par leurs synonymes plus conventionnels ou carrément des anglicismes. Ce n’est pas de la paresse, c’est de l’efficacité.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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