Sarkozy croit que le Financial Times est pro-marché !

Que Sarko perçoive le FT comme dangereusement droitier nous dit simplement que la France est confrontée à un choix entre deux socialistes.

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À la télévision, en rage contre ses ennemis imaginaires.

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Sarkozy croit que le Financial Times est pro-marché !

Publié le 15 avril 2012
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Jeudi soir, dans Des paroles et des actes, Nicolas Sarkozy s’en est pris au Financial Times. Mais le point de vue du candidat de l’UMP – que le Financial Times serait un journal de doctrine capitaliste – est si loin de la vérité qu’il est dur de savoir par où commencer la critique.

Par Daniel Hannan, Oxford, Royaume Uni.

À la télévision, en rage contre ses ennemis imaginaires.

Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j’attaque [NdT : en Français dans le texte].

Plus il coule dans les sondages, plus Nicolas Sarkozy devient pugnace. Sa cible préférée est la Grande-Bretagne, plus précisément le capitalisme de marché libre tel qu’il l’imagine pratiqué en Grande-Bretagne.

Jeudi, dans un emportement particulièrement bizarre, il s’en est pris au Financial Times.

« Le FT, comme on le nomme dans les cercles informés, a toujours défendu le modèle anglo-saxon, en considérant que la France est incorrigible, et que nous ferions mieux de nous aligner sur le modèle anglo-saxon », a-t-il dit au cours d’un débat télévisé. « Le FT pense depuis des années que la solution pour le monde c’est qu’il n’y ait pas de loi. Je pense exactement le contraire. »

Je n’ai rien contre les stéréotypes nationaux, Sarko, mais au moins faut-il les représenter correctement, nom d’une pipe et sacrebleu ! L’idée même que le Financial Times serait un journal de doctrine capitaliste est si loin de la vérité qu’il est dur de savoir par où commencer la critique. Depuis au moins le début des années 80, le Financial Times est un journal corporatiste de centre gauche, occasionnellement pro-entreprises, mais jamais pro-marché.

Financial TimesIl s’est opposé aux réformes économiques de Margaret Thatcher, allant si loin dans cette hostilité qu’il a été, en fait, le seul journal à regretter ouvertement sa victoire des Malouines. Oubliez Tony Blair, le FT a soutenu Neil Kinnock [NdT : la gauche du parti travailliste] en 1992. C’était le supporteur individuel le plus acharné de l’adhésion au mécanisme de taux de changes européen. Il a applaudi bruyamment les dépenses folles qui ont suivi le krach du crédit.

C’est le journal pro-européen le plus enthousiaste du Royaume-Uni. Ses déclarations ridicules sur le succès de la monnaie unique pourraient remplir un livre. De fait, elles ont rempli un livre : Coupables, de Peter Oborne [NdT : Guilty Men].

Voici une de mes préférées :

Avec la Grèce qui désormais conduit ses échanges en euro, peu de gens seront en deuil pour la disparition du drachme. Être membre de la zone euro offre la perspective de la stabilité économique à long terme.

Ce journal était encore en train de chanter des hymnes à la gloire de l’euro aussi récemment que dans la deuxième moitié de 2008, assez oublieux de la tournure que prenaient les choses. Son hostilité à l’encontre des eurosceptiques et des adeptes du marché libre s’est intensifiée au fur et à mesure que les preuves se sont accumulées qu’ils avaient raison : voyez, par exemple, ces commentaires de Normal Davies.

Tous les journaux sont partiaux, bien sûr. Tout le monde a un point de vue. Mais le Financial Time est unique dans sa combinaison d’un ton d’autorité quasi olympien avec une partialité assez criante. Un de mes premiers billets de blogs a été cet exemple énorme de « deux poids, deux mesures » sur l’UE.

Pour faire court, la position du Financial Times est le contraire exacte de ce que Sarkozy croit. Loin de vouloir que le continent devienne davantage comme la Grande-Bretagne, il veut rendre la Grande-Bretagne davantage comme le continent, où, bien sûr, vivent et travaillent la plupart de ses lecteurs.

Que Sarko perçoive le journal saumon comme dangereusement droitier, nous dit à quel point ses propres vues sont éloignées du courant dominant en Europe. La vérité, c’est que la France est confrontée à un choix entre deux socialistes. Tous deux préfèrent une économie dirigée, une dose de protectionnisme, des droits enracinés (les « acquis sociaux »), une intégration européenne plus profonde, un État dirigiste. Pas étonnant qu’ils s’affrontent avec tant de férocité sur l’immigration : c’est virtuellement le seul domaine où ils sont en désaccord. Blanc bonnet et bonnet blanc [NdT : en Français dans le texte] comme on dit en France. Du pareil au même.

—-
Sur le web.
Traduction : Jacques Roberts pour Contrepoints.

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  • Le décallage culturel est encore plus large que ce que suggère Hannan, car pour un Sarkozy se faisant écho des poncifs anti-libéraux, que le FT ait été euro-enthousiaste serait justement une preuve de son « ultra-libéralisme ».

    Par ailleurs, du côté d’Hannan, on peut se demander comment s’enthousiasmer des aventures de Thatcher dans les Malouines est un signe d’anti-libéralisme. On aurait pu penser que regretter l’intervention donnait du crédit au FT d’un point de vue libéral, mais bon. Comme quoi ce n’est pas clair pour tout le monde, même pour Hannan.

    • Un peu de confusion là : la défense du territoire n’est pas anti-libérale.

      Ceci dit, la défense du territoire par Maggie n’est pas donnée comme signe de libéralisme dans l’article, mais pour illustrer l’anti-thatchérisme complet du FT.

  • Les bruyants couinements de sarkosy sont sans aucun intérêt,M. Hannan ne devrait pas s’abaisser à les relever, cela pourrait leur donner un valeur qu’il n’ont pas.
    Quand le clown sarkosy parle d’un monde sans loi il est le premier responsable. quand nos gouvernant nous inondent de lois nouvelles toutes les 5 mn c’est comme si il n’existaient plus de lois, tout est brouiller et changeant, il n’y a plus aucune stabilité, les gens ne savent plus ce qui est autorisé ou interdit. Les lois pour être efficace doivent être peut nombreuse et clairement compréhensible par toute la population sinon c’est les plus malins, les plus riches et les amis du pouvoir qui tire systématiquement leur épingle du jeu.

  • Et puis Sarko a fait une bourde grossière en considérant la maxime « Laissez-faire, laissez passer » comme anglo-saxonne, car cette expression est on ne peut plus française et en français dans le texte.

  • « La vérité, c’est que la France est confrontée à un choix entre deux socialistes. Tous deux préfèrent une économie dirigée, une dose de protectionnisme, des droits enracinés (les « acquis sociaux »), une intégration européenne plus profonde, un État dirigiste. »

    Bien vrai!

  • Malheureusement, peu de français lisent le FT et encore moins liront les commentaires de Hannan. En revanche, beaucoup ont l’idée que le modèle anglo-saxon est affreux et affresuement libéral! Sarkozy, comme les autres politiques français avant lui et aujourd’hui, contribue un peu plus à renforcer cette idée.

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