L’inde va-t-elle battre la Chine ?

Seuls les régimes politiquement libres permettent à terme la « destruction créatrice ». C’est pourquoi certaines nations déclinent et d’autres prospèrent. Et c’est la raison pour laquelle l’Inde finira par devancer sa concurrente, la Chine

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L’inde va-t-elle battre la Chine ?

Publié le 14 avril 2012
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Seuls les régimes politiquement libres permettent à terme la « destruction créatrice ». C’est pourquoi certaines nations déclinent et d’autres prospèrent. Et c’est la raison pour laquelle l’Inde finira par devancer sa concurrente, la Chine.

Par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.

Les institutions politiques extractives (autocratie et empire) conduisent à des économies extractives bénéficiant aux élites, et ne peuvent créer la prospérité générale, sauf pour des périodes limitées. Les institutions politiques inclusives (démocratie, état de droit, droits égaux) créent des régimes économiques inclusifs avec des opportunités pour tous, conduisant in fine à la prospérité. Si les institutions inclusives permettent le processus de « destruction créatrice », essentiel à une prospérité durable, elles menacent en revanche les régimes d’extraction, et sont généralement sabotées par ces derniers. Seuls les régimes politiquement libres permettent à terme la « destruction créatrice ». C’est pourquoi certaines nations déclinent et d’autres prospèrent.

C’est ce que dit le best-seller de l’année, Why Nations Fail (Pourquoi les nations échouent) de Daron Acemoglu et James Robinson. Les auteurs ne procèdent pas à une comparaison Inde-Chine. Mais leur logique suggère que l’Inde, en raison de ses institutions politiques inclusives, finira par devancer sa concurrente et que la Chine finira par échouer en raison de ses institutions politiques extractives. Des précisions sont nécessaires. Les démocraties peuvent être en partie extractives – et il y a de nombreux scandales en Inde – et les autocraties peuvent être partiellement inclusives. Pour cette raison, les démocraties peuvent échouer à assurer la prospérité depuis des décennies, comme des autocraties peuvent produire de bons résultats économiques depuis des décennies. Mais finalement pour Acemoglu et Robinson, les principes fondamentaux s’appliqueront. Ce fond de vérité est brillamment argumenté.

Le livre donne une impressionnante série d’exemples historiques à travers les continents et les siècles, de la Glorieuse Révolution de 1688 en Grande-Bretagne à l’évolution du Botswana et de la colonisation espagnole de l’Argentine. Un chapitre est intitulé « Ce que Staline, le roi Shyaam (du Congo), la révolution néolithique et les États-cités mayas avaient en commun, et comment cela explique pourquoi la croissance économique actuelle en Chine ne peut pas durer ». Cela résume l’ampleur de cet ouvrage.

Acemoglu et Robinson diffèrent d’historiens de l’économie comme Douglas North en insistant sur la politique avant tout. Les historiens s’accordent à dire que les bonnes institutions sont la clé de la prospérité. Mais ce livre explique que de bonnes institutions ne seront pas mises en place durablement avant que le politique ne soit de bonne qualité. On ne peut pas attendre du processus de modernisation qu’il assure que les régimes autoritaires se transforment automatiquement en des démocraties grâce à l’augmentation des revenus. L’aide extérieure conditionnelle et la politique étrangère ne peuvent non plus apporter de tels changements. La dynamique interne prime. Le catalyseur le plus important pour la liberté politique peut être des média libres.

Peu de lecteurs sont familiers avec la Glorieuse Révolution de 1688 en Angleterre, sur laquelle le livre insiste à maintes reprises. La lutte entre la dynastie des Stuarts et le Parlement, représentant les propriétaires et la plupart des grands hommes d’affaires, a pris fin en 1688 avec l’expulsion de Jacques II et son remplacement par Guillaume d’Orange, qui accepta une réduction des pouvoirs royaux et la Déclaration des droits.

Cela mit en branle un cercle vertueux, avec les réformes politiques qui ont peu à peu inclus davantage de segments de la population, pour culminer avec le suffrage universel. Les auteurs disent que cette inclusion politique est déterminante pour étendre les opportunités économiques, et explique pourquoi la révolution industrielle a commencé en Grande-Bretagne. D’autres facteurs comprennent le commerce maritime britannique, se faisant en grande partie par des marchands – alors que les flottes française et espagnole étaient des monopoles royaux.

Il n’y a pas de déterminisme historique, disent les auteurs. La chance et les accidents de l’histoire jouent des rôles importants. De petites différences et les petits changements peuvent avoir d’énormes conséquences imprévisibles. Pourtant, ils constatent que le succès durable nécessite un élargissement constant des opportunités économiques, ainsi que de systèmes économiques qui permettent aux nouveaux arrivants de balayer les anciens : c’est la destruction créatrice. Les autocrates ont écrasé l’innovation, craignant que cela donnerait du pouvoir à une nouvelle classe qui les défierait.

Beaucoup de lecteurs questionneront l’équation du livre entre économies extractives et l’autocratie d’un côté et économies inclusives et démocratie de l’autre. Les quatre premiers tigres asiatiques, Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour, étaient d’une certaine manière des autocraties, comme ensuite la Chine, la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie. L’Inde est si longtemps restée un échec que beaucoup supposaient que l’autocratie favorisait la prospérité, et que la démocratie était un obstacle. Ce n’est que dans la dernière décennie que le succès de l’Inde a modifié ce tableau.

Mais le livre implique que cela était inévitable, et que le déclin de la Chine n’en est pas moins inévitable. Les autocraties peuvent produire des résultats remarquables pendant un certain temps, voire des décennies, mais pas de manière durable. Les démocraties comme l’Inde ont tendance à développer des cycles vertueux qui finissent par améliorer la gouvernance et par réduire les « tendances extractives », tandis que les autocraties ont tendance à développer des cercles vicieux qui augmentent de telles tendances.

Le livre porte un grand message implicite pour l’Inde : repenser le sens d’ « inclusif ». Toutes les parties indiennes ne jurent que par une croissance inclusive, mais définissent l’inclusion en termes de subventions et de privilèges d’emplois et d’éducation. C’est la politique de la « pêche aux votes » se faisant passer pour de l’inclusion. Pour Acemoglu et Robinson, la croissance inclusive signifie la diffusion des opportunités pour tous dans la participation à l’activité économique.

La Banque Mondiale classe l’Inde 134ème sur 183 pays en termes de facilité de faire des affaires ; 166ème pour la facilité de démarrage d’une entreprise ; 179ème pour obtenir un permis de construction ; et 182ème pour le respect des contrats. Ce sont des obstacles qui doivent être attaqués par quiconque prône l’inclusion. Pourtant, notre discours politique indien sur l’inclusion évoque à peine ces questions.

Le processus politique aime la création, mais déteste la destruction. Ainsi, les canards boiteux comme Kingfisher Airlines et Air India sont soutenus, évinçant les nouveaux arrivants. La liquidation d’une entreprise prend des décennies. Le droit du travail protège une espèce d’aristocratie ouvrière syndiquée au détriment des non-syndiqués. Cela crée une ossification empêchant la création. Cela est à l’opposé du processus de destruction créatrice, cœur de l’inclusion.

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