Banquiers, grands patrons, sportifs, artistes : est-ce qu’ils le valent bien ?

L’indignation électoraliste des candidats à la présidentielle contre les riches empêche de répondre à la question de fond : peut-il exister de grandes fortunes ou de très hauts revenus acceptables ?

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Banquiers, grands patrons, sportifs, artistes : est-ce qu’ils le valent bien ?

Publié le 1 avril 2012
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L’indignation électoraliste des candidats à la présidentielle contre les riches empêche de répondre à la question de fond : peut-il exister de grandes fortunes ou de très hauts revenus acceptables ?

Par Alain Cohen-Dumouche.

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L’indignation vertueuse et citoyenne de la classe politique sur les hauts revenus obéit à des codes de communication précis. Dans la propagande dirigiste, ces attaques servent à conforter l’image d’un État vertueux, luttant vaillamment contre les puissances de l’argent, forcément immorales et mondialisées.

Cette posture adoptée par l’ensemble de la classe politique empêche de répondre à la question de fond : peut-il exister de grandes fortunes ou de très hauts revenus acceptables, c’est-à-dire justes, ou en termes plus philosophiques conformes au droit naturel ?

La réponse est oui, bien sûr, tous les revenus qui résultent exclusivement de la loi de l’offre et de la demande sont justes puisque leur niveau mesure les services rendus aux autres.

Mais dans l’économie étatisée, et en France plus qu’ailleurs, les hauts revenus qui récompensent les « mieux offrants » dans un marché libre et concurrentiel sont extrêmement rares. D’une part parce que les secteurs de l’économie libres sont de plus en plus restreints, d’autre part parce que dans ces secteurs libres la concurrence se charge de limiter les revenus du mieux offrant d’un jour.

La première profession à subir les attaques vertueuses de la classe politique sont les banquiers. Présentée depuis deux mille ans par tous les régimes comme un mal nécessaire, la profession la plus réglementée au monde fait toujours les frais de sa supposée appartenance à une « fausse économie » tout en finançant docilement la « croissance » exigée par les gouvernements et les échéances électorales.

Les deuxièmes grands « coupables » désignés par les « justiciers sociaux » sont les patrons du CAC40, dont les salaires sont jugés indécents ou obscènes, le qualificatif de pornographique n’ayant pas encore réussi à trouver son public. Comme les banquiers, les barons du CAC40 sont accusés de s’en mettre plein les poches, ce qui est vrai, en profitant de la mondialisation libérale, ce qui est faux puisque, partout dans le monde, les grandes entreprises croissent sous la protection et avec l’aide bienveillante des pouvoirs publics jusqu’à atteindre la taille qui leur permettra d’être sauvées en toutes circonstances par l’État. Protégées par l’opacité légale des conseils d’administration, les grandes entreprises et les banques distribuent donc à leurs patrons issus de la haute administration des salaires proportionnels à leur respect du social-capitalisme de connivence, sans grande corrélation avec leurs résultats il faut bien le reconnaître.

La situation est-elle différente dans les autres domaines où l’on peut percevoir de très hauts revenus, à savoir le sport de haut niveau et le show business ?

En ce qui concerne le sport, la réglementation et la mainmise de l’administration atteignent un niveau presque caricatural. Chaque sport « officiel » est régi d’une main de fer par une unique fédération qui se voit attribuer le monopole légal de l’organisation des compétitions. Il n’y a donc, par exemple, qu’un seul championnat de France (ou mondial) de football et ceux qui auraient l’idée d’en organiser un deuxième, concurrent du premier, risquent tout simplement la prison. Les revenus démentiels des dieux du stade résultent donc en bonne partie de l’organisation pyramidale imposée par les États nations pour exacerber les sentiments nationalistes les plus primaires. La loi du plus fort – la vraie – ne semble ici pas du tout déranger les étatistes.

Restent les artistes, chanteurs, acteurs, écrivains, dont les rémunérations sont objectivement plus « justes » puisqu’elles résultent du plaisir ou de la satisfaction qu’ils procurent à leur public. Ainsi les cachets des artistes ne sont-ils pas proportionnels à leur travail ni même à leur talent, mais à ce qu’un public est prêt à payer pour en jouir. En rendant possible la très vaste diffusion des œuvres et le recouvrement de droits, les techniques modernes de radio, télévision, cinéma, disques ont fait la fortune de certains artistes. Mais ce qui est remarquable, c’est que lorsque ces techniques viennent à changer et que, grâce à l’Internet et au téléchargement, l’effet de levier artificiel dont bénéficiaient les artistes tend à disparaître, l’État s’en offusque et vole au secours des très hauts revenus. Cédant au corporatisme, il dépense des fortunes pour un appareil répressif destiné à maintenir de force des cachets très élevés pour un petit nombre… qu’il se propose par ailleurs de taxer au nom de la morale.

L’immoralité des hauts revenus est donc bien réelle. Elle ne résulte pas des niveaux qu’ils atteignent mais des conditions de leur obtention. Car dans la réalité, c’est bien à l’abri de la concurrence, contre le gré des consommateurs et en profitant des réglementations aussi bien économiques que financières, sportives ou artistiques, que se développent les fortunes les plus arbitraires.

Il existe heureusement quelques exceptions ; ainsi, même manipulée par la propagande étatiste qui essaye de faire passer la loi du mieux offrant pour la loi du plus fort, l’opinion a instinctivement plus de respect pour les créateurs de Microsoft, Apple ou Google que pour les gestionnaires serviles de Total, BNP ou General Motors.

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  • Très bon en effet ! Ces hauts salaires sont comme les monopoles ou les rentes : ils ne peuvent pas se maintenir dans un marché réellement libre et concurrentiel. L’anarchie néo-mercantiliste des Etats (qui se prennent pour des entreprises), mâtinée de collectivisme brutal (dictatures) ou de socialisme prétendument protecteur (Etats providentiels), crée l’injustice parce qu’elle impose des mécanismes économiques artificiels, illibéraux.

  • rien à redire ! 🙂

  • Voilà un article qui fait admirablement la part des choses. Bravo.

  • « Restent les artistes, chanteurs, acteurs, écrivains, dont les rémunérations sont objectivement plus « justes » puisqu’elles résultent du plaisir ou de la satisfaction qu’ils procurent à leur public »

    C’est vite dit concernant certains artistes comme par exemple les acteurs. Beaucoup des films dans lesquels ils jouent notamment dans le cinéma français sont hautement subventionnés par l’Etat ou les collectivités locales. Toutes les stars que l’on voit se pavaner sur les plateaux touchent une bonne partie de leur fortune de subventions.
    Quant au reste, le droit d’auteur -véritable privilège légal- est ce qui leur permet de se constituer leur véritable fortune.

    • Oui et non car le cinéma marche par avance sur recette et non par pure subvention. L’avance ne se transforme en subvention que lorsque le film n’a pas de succès. Donc à priori ceux qui touchent vraiment de gros cachets ne sont pas trop subventionnés par l’État.

      Pour les producteurs en revanche, le système aboutit bien à une mutualisation des risques et à une privatisation des bénéfices.

  • très bon article courageux.par contre je suis en désaccord sur microsoft:pendant des années microsoft a imposé windows obligatoire dans tous les pc vendus au grand public avec obligation de racheter windows si on changeait de pc.pas vraiment des pratiques honnetes

    • Le cas Microsoft montre que la position dominante d’une entreprise privée est éphémère, même soutenue par des pratiques critiquables, si l’environnement reste concurrentiel, et qu’on en sort par le haut, par l’investissement, la créativité et l’innovation.

      Inversement, les monopoles soutenus ou organisés par la force publique non seulement ne répondent que faiblement aux besoins, au hasard des choix des fonctionnaires, mais imposent également une sortie par le bas, par la crise et la destruction de valeur.

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