Santorum face au défi économique américain

Si Rick Santorum se distingue par ses valeurs religieuses, ses propositions économiques restent méconnues. Dans son programme, des idées très conventionnelles pour un candidat républicain côtoient des propositions plus inattendues. État des lieux.

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Santorum face au défi économique américain

Publié le 23 mars 2012
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Si Rick Santorum se distingue par ses valeurs religieuses, ses propositions économiques restent méconnues. Dans son programme, des idées très conventionnelles pour un candidat républicain côtoient des propositions plus inattendues. État des lieux.

Par Philippe Deswel.
Article publié en collaboration avec le Bulletin d’Amérique

« Foi, Famille et Liberté ». Avec un tel slogan, l’ancien sénateur de Pennsylvanie et candidat à l’élection présidentielle a misé sur la droite religieuse. Indéniablement, Rick Santorum n’est pas le plus disert quand il s’agit d’économie ; il lui préfère le domaine des valeurs. Et il y a là de quoi surprendre : sa position favorable dans la primaire républicaine en devient presque paradoxale, puisqu’un taux de chômage à 8,3% et le bilan de la présidence Obama auraient pu faire croire que l’économie deviendrait l’objet de toutes les attentions. Si la situation semble contre-intuitive, le programme économique de Rick Santorum n’en mérite pas moins d’être analysé plus en détails.

Réduire les dépenses de l’État

D’abord, Rick Santorum propose à la fois de réduire les dépenses publiques et de réformer le système d’aide sociale. Selon lui, l’Amérique ne doit pas vivre « au-dessus de ses moyens », ce qui implique de réduire de 5 000 milliards de dollars les dépenses en 5 ans. En d’autres termes, il s’agirait de revenir aux niveaux de 2008, où la dette environnait les 10 000 milliards de dollars. Un nouvel amendement à la Constitution serait proposé, afin d’équilibrer les budgets fédéraux : la dépense publique ne devrait pas dépasser 18% du PIB. Il s’agit toutefois d’une proposition relativement peu crédible, et qui aurait de fortes chances de ne pas aboutir en raison des oppositions du Congrès. Une telle mesure pourrait se traduire par un contrôle accru par le pouvoir judiciaire des finances publiques.

Dans l’esprit de Rick Santorum, l’État fédéral doit se recentrer sur ses missions constitutionnelles. Les coûteux et vastes plans de relance décidés par l’administration Obama ne seraient pas réitérés. Des secteurs comme l’énergie ou même l’agriculture devraient voir les subsides dont ils bénéficient réduits au plus strict minimum. Les initiatives de réglementation, notamment lorsque celle-ci devient plus contraignante en matière d’emploi, ne seraient pas financées via de l’argent public. La mise en place de Dodd-Frank ne serait, de la sorte, plus financée par les contribuables.

Par ailleurs, le patrimoine de l’État fédéral serait revu de manière à faciliter la vente de certains terrains et possessions immobilières. Dans le même élan, la Réserve fédérale serait auditée, sans qu’il ne soit précisé à quelles fins, et retournerait à ce qui serait, selon les termes de la campagne de Santorum, son « dessein premier » : le contrôle du niveau d’inflation dans l’économie américaine. Pourtant, un tel objectif caractérise davantage le mandat d’un organisme tel que la Banque Centrale Européenne. La Réserve fédérale joue traditionnellement un rôle pour stimuler l’économie, une réalité que Rick Santorum semble ignorer ou en tout cas à laquelle il désire tourner le dos.

Rick Santorum reprend le credo actuel du Parti républicain, selon lequel, dans une logique reaganienne, le champ d’intervention de l’État doit être resserré afin de se recentrer sur les domaines essentiels. La dépense publique doit, dans le programme du candidat, être optimisée : fin des agences dont les actions se chevauchent, élimination des programmes dépassés ou qui n’ont pas prouvé leur efficacité…

Après, si le candidat espère réduire de 5 000 milliards les dépenses fédérales en 5 ans, il ne précise pas où auront lieu les coupes budgétaires en priorité, ni quels types de services seraient affectés précisément. Le montant est fixé, mais pas les moyens pour y parvenir.

La mise en place d’une véritable politique d’austérité est aussi envisagée. Le salaire des fonctionnaires fédéraux, hors du secteur de la Défense, devrait être gelé pour 4 ans. L’actuel nombre de fonctionnaires serait réduit de 10%, sans nouveaux recrutements qui viennent compenser ce nombre. Les nouvelles recrues, par ailleurs, ne jouiraient plus des mêmes avantages que ceux définis actuellement. Le budget de la Défense serait gelé pendant 5 ans, mais sans coupes budgétaires automatiques. Quant à l’aide financière apportée par les États-Unis à un organisme international tel que l’ONU, elle serait réduite de moitié.

Politique de santé, un autre fer de lance

Sur le plan des dépenses sociales, Rick Santorum souhaite réformer Medicare (le système d’assurance santé destiné aux plus de 65 ans), dans la lignée du plan de Paul Ryan, en réduisant les coûts de l’accès aux soins. Il entend modifier le système de Sécurité sociale dans un sens qui, selon les termes de son programme, mette en avant sa solvabilité, sa soutenabilité et la capacité pour chaque Américain à « sécuriser » l’obtention de sa retraite.

Un mauvais économiste ?

Durant un débat en Caroline du Sud, Santorum s’est opposé à la proposition de Newt Gingrich visant à encourager les Américains à épargner pour leur santé, avec d’un côté une part personnelle, propre, et de l’autre celle de l’employeur, qui irait dans les caisses de la Sécurité sociale. La proposition a été défendue par le professeur Martin Feldstein de Harvard, ancien conseiller économique de Reagan, notamment parce qu’elle permettrait de réduire les inégalités de richesse « de moitié ».

Ainsi, les Américains bénéficieraient d’une augmentation de leur patrimoine d’épargnant, au lieu que ces ressources soient prélevées sur leur salaire au profit d’un organisme public de santé. Mais Rick Santorum privilégie l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, plutôt que les effets bénéfiques que l’on pourrait attendre d’une telle réforme à terme. En refusant cette proposition et la critiquant fortement lors du débat, il a été estampillé par certains comme un « mauvais économiste » (par exemple dans les colonnes de l’American Spectator), incapable de se projeter suffisamment loin dans l’avenir pour accepter quelques déconvenues à court terme. Quoi qu’il en soit, l’Obamacare serait abrogé, comme le propose son adversaire Mitt Romney. Une telle action serait enclenchée au profit cette fois-ci de solutions venues du secteur privé, « de haut en bas » selon Rick Santorum, et non plus de l’État fédéral. Cette politique impliquerait aussi de ne pas augmenter les niveaux de dépense en matière de santé.

Par ailleurs, le Planning familial américain, qui joue un rôle conséquent dans la politique de contrôle des naissances, n’obtiendrait plus de financements publics. La moitié des sommes ainsi économisées seraient dépensées afin d’encourager, à l’inverse, le recours à l’adoption par les couples américains.

Simplifier les impôts en plaçant la famille au centre

Tout un pan du programme de Santorum est dédié à une simplification du code des impôts ainsi qu’au fonctionnement de l’administration fiscale. L’impôt sur le revenu, qui comporte pour le moment six tranches, n’en comporterait plus que deux, de 10% et 28%, comme sous l’ère Reagan. Le candidat considère avoir, depuis le Congrès, joué un rôle significatif dans l’adoption des baisses d’impôts proposées par l’administration de George W. Bush en 2001 puis 2003. Son action de sénateur aurait aussi reçu des échos favorables au niveau de groupes de pression de contribuables, comme l’Americans for Tax Reform du très influent Grover Norquist .

L’approche de Santorum consiste aussi à donner des incitations et avantages à certaines catégories d’Américains, avec en premier lieu les familles. Ainsi, le montant des déductions fiscales actuellement en vigueur pour chaque enfant serait triplé. Les dispositions qui pénalisent fiscalement les couples mariés dans le code des impôts pourraient être supprimées. Un débat qui fait écho à celui portant, en Angleterre, sur le refus récent par le Chancelier de l’Échiquier, George Osborne, de mettre en place des avantages fiscaux en faveur des couples mariés, pour des raisons d’austérité et à l’encontre de certaines promesses électorales.

Privilégier le secteur secondaire au domaine du tertiaire

Un autre axe défendu par le candidat consiste à encourager l’emploi manufacturier, en faisant la promotion des produits ‘‘Made in America.’’ Si l’impôt sur les sociétés pourrait se voir réduit de moitié, passant de 35% actuellement à 17,5%, celui affectant les sociétés qui tiennent des usines passerait directement à 0% ! Il s’agit d’une proposition inédite, qui n’avait pas encore été effectuée et que les groupements représentant les intérêts du secteur secondaire ne semblaient pas revendiquer.

De même, quand les entreprises industrielles investissent dans des usines ou des équipements, l’État ne prélèverait pas d’impôts. Certaines voix ont remis en cause la solidité de telles propositions, les jugeant fantaisistes. La campagne de Romney, à l’inverse, a été davantage centrée sur le rôle joué par un pays comme la Chine dans la désindustrialisation des États-Unis. Il s’en était pris, en début de campagne, aux autorités chinoises en les accusant de manipulation de devise.

Une voix originale sur les questions économiques

Loin du créneau libertarien, incarné par Ron Paul, Rick Santorum semble par ailleurs avoir de la sympathie pour les politiques de redistribution mises en œuvre par l’État. Au fil de la campagne, il souligne fréquemment ses origines modestes, pour se mettre du côté des travailleurs, des « cols bleus » qui réclament davantage de protection de l’État. Une manière de se différencier de Romney, qui a pourtant des liens forts avec le Michigan, grand État industriel et célèbre foyer de production automobile.

Sa vision semble par ailleurs inspirée par certains aspects du catholicisme social. Au mépris, parfois, d’une approche dépassionnée de l’économie. Les attaques virulentes qu’il a adressées à Romney pour ses activités au sein de Bain Capital témoignent d’une relative incompréhension ou d’un manque de curiosité quant au modèle économique du private equity – c’est-à-dire d’investissement dans des entreprises non cotées en bourse. Non sans artifice rhétorique, cette activité est assimilée à de la « haute finance », domaine supposé lointain des électeurs. Il est pourtant créateur d’emploi et offre de belles opportunités de redressement, éprouvées en matière de performance et de retour sur investissement, pour des entreprises connaissant des difficultés. Le succès personnel de Romney reflète la réussite des groupes dans lesquels il a investi et en faveur desquels il a pris des risques.

L’économiste Diana Furchtgott-Roth, dans un éditorial pour le Daily Mail, a toutefois estimé que le discours de Santorum, notamment économique, n’avait pas été mal reçu par les militants conservateurs lors de la conférence annuelle, à Washinton, du CPAC.

Après, le programme économique de Rick Santorum comporte toujours quelques contours qui demeurent flous. C’est, selon Romney, symptomatique pour un homme qui a passé toute une partie de sa vie à Washington au Congrès. De ce point de vue, si Rick Santorum était élu, il a affirmé que son équipe de transition passerait en revue les propositions émises par l’Heritage Foundation, (à lire, l’index 2012 de liberté économique) le CATO Institute et l’American Enterprise Institute. Ce serait aussi le cas pour les idées issues des travaux de la commission Simpson-Bowles pour la responsabilité fiscale. De quoi donner davantage d’épaisseur à l’approche économique d’un candidat qui se veut avant tout celui des valeurs traditionnelles, voire même du « bon sens », et dont l’ambition industrielle ne mettrait pas en cause la recherche « de l’air et de l’eau propres ». En d’autres termes, le progrès, mais pas à n’importe quel prix.

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Santorum peut-il battre Romney dans le Michigan? par Éric Martin

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