Gestion des finances publiques, peut-on faire confiance aux socialistes ?

Au vu de leur historique, peut-on croire aux promesses faites par les socialistes sur ce sujet? Retour sur l’exemple de la « cagnotte fiscale » pour voir comment ils ont agi dans le passé.

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Lionel Jospin en 2008 (Crédits : JJ Georges, licence Creative Commons)

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Gestion des finances publiques, peut-on faire confiance aux socialistes ?

Publié le 13 mars 2012
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La saine gestion des finances publiques et le retour à l’équilibre budgétaire au plus tôt s’est imposé comme le sujet clef de la campagne pour les français. Au vu de leur historique, peut-on croire aux promesses faites par les socialistes sur ce sujet ? Retour sur l’exemple de la « cagnotte fiscale » pour voir comment ils ont agi dans le passé.

L’auteur de cet article a choisi de rester anonyme.

À partir de 1998, l’économie française a engrangé un taux de croissance très supérieur aux prévisions initiales de Bercy (3% au lieu de 2% sur un an). Par voie de conséquence, les rentrées fiscales, notamment via l’impôt sur les sociétés, dépassèrent elles aussi les espérances du gouvernement Jospin. Mais, dans son discours du 14 juillet 1999, le Président Chirac s’en prit à ce dernier : « Nous avons depuis deux ans une croissance qui fait que nous avons énormément d’argent dans les caisses. Il faut tout le talent du Ministère des finances pour masquer le phénomène. Il faut rendre aux Français une part de ce que l’on leur a pris »1.

L’ « affaire de la cagnotte » dura pendant près d’un an. Cet épisode dévoila un gouvernement et une majorité socialistes incapables de résister aux pressions de la gauche du PS, des alliés communistes et des syndicats, et ainsi de gérer la question de la dette et des dépenses.

Manque de transparence et chiffrage de l’excédent.

La première difficulté fut celle de chiffrer avec exactitude le montant de cet excédent de recettes fiscales. Il fut estimé par Bercy à 13 milliards de francs puis à 24,3 milliards2, par Le Monde à 66 milliards et enfin entre 30 et 40 milliards3 par les Sénateurs. Vivement critiquée pour son manque de transparence, Bercy voulut prendre son temps , alors que les chiffres étaient connus depuis fin janvier 2000. En réalité, à l’approche des élections municipales, les Socialistes hésitaient.

Le 9 février 2000, Sautter dévoila dans l’hémicycle de l’Assemblée le montant de l’excédent : 30,7 milliards de francs4. Pour le gouvernement, l’année 1999 se soldait par un succès : « des recettes pléthoriques d’une part, une maîtrise tatillonne des dépenses d’autre part, un déficit en chute libre pour solde5» : « Fin janvier, la marge de manœuvre non utilisée ressortait à 20 milliards de francs, automatiquement affectée à la diminution du déficit budgétaire. Lequel s’établit donc officiellement, fin 1999, non pas à 226 milliards de francs comme annoncé lors du collectif budgétaire de décembre, mais à 206 milliards de francs »6.

Partisan de la réduction du déficit comme premier pas vers la réduction de la dette mais faisant face à une fronde des employés publics de Bercy contestant la réforme du Ministère de l’économie, Christian Sautter sera remplacé par Laurent Fabius.

Le PS se laisse aller au concours d’idées

Le calendrier politique va accélérer la proposition du PS : à la veille des municipales, les socialistes sentent le mécontentement des Français face à la pression fiscale qu’ils ont eux-mêmes créée : la réforme du quotient familial de Dominique Strauss-Kahn en 1999 a fait exploser le taux de prélèvement obligatoire (45,3% du PIB pour 1999)7. De nombreuses propositions sont ainsi formulées, entre suppression de la taxe d’habitation, dotation des « grands services publics », baisse de tranches les plus basses de l’Impôt sur le revenu, diminution de la TVA ou encore de la redevance télévision8.

De son côté, François Hollande, premier secrétaire du PS, se prononça pour une baisse uniforme de 500 francs de la taxe d’habitation9. Critiqué dans son propre camp, il envisagea alors de surcroît un « renforcement des services publics là où ils sont nécessaires 10». Quelques jours plus tard, il évoqua « la baisse d’impôts comprise et perceptible par le contribuable, pas celle des statistiques 11 » puis trois nouveaux objectifs louables mais qui resteront sans effet du fait des pressions de sa gauche : « continuer à lutter contre le chômage », « continuer l’effort de désendettement » et « redistribuer à travers la baisse d’impôts ».

La cagnotte dilapidée

Finalement, le 16 mars 2000, Jospin tourna le dos à une gestion rigoureuse du déficit et annonça qu’il comptait distribuer l’excédent des recettes pour l’an 2000, qui s’élèverait à 50 milliards de francs : « aujourd’hui, il nous paraît nécessaire de privilégier quelques dépenses et surtout des allégements fiscaux12« .

Furent donc prévus :

  • Une réduction de la taxe d’habitation de 11 milliards (suppression de la part régionale d’habitation, soit près de 25% de cette taxe) ;
  • Un abaissement de l’impôt sur le revenu pour les plus basses tranches à hauteur de 11 milliards ;
  • Une baisse de la TVA d’un point (donc de 20,6 à 19,6%) équivalant à 18 milliards de francs ;
  • Une augmentation du budget des « grands services publics » : entre autres, 2 milliards pour l’hôpital, 700 millions pour la politique urbaine, 1 milliard pour l’éducation et la création de postes. Cédant à la pression syndicats, il contredit alors le « gel des emplois publics ».

Les économistes proches du PS applaudirent à la nouvelle : pour Charles Wyplosz « [les réductions d’impôts] sont ciblées sur les ménages modestes, donc, ‘‘de gauche’’. Le gouvernement a eu raison de ne pas trop s’inquiéter des déficits : la situation des finances publiques s’améliore de toutes façons13« .

Cependant, ces mesures se révélèrent être un véritable gaspillage d’argent public :

  • L’allégement de TVA n’eut aucun effet au vu des indices des prix d’avril et de mai 200014. En effet, selon le Député Charles de Courson, l’étude de « l’incidence économique de toutes les mesures de TVA prises depuis les années soixante » conduit à conclure qu’« une petite évolution du taux, compris entre 0,5 et 1%, n’a guère de répercussion économique ». La baisse est en effet principalement captée par les circuits de distribution, voire de production, et ne profite pas au consommateur pourtant ciblé. Ainsi, une baisse d’un point de TVA n’a aucun impact sur tous les produits de faible valeur (comme la baguette de pain)15.
  • La baisse des deux premières tranches de l’impôt sur le revenu s’avère insuffisante pour lutter contre la concurrence fiscale et l’expatriation des Français16, dangereuse pour l’impératif d’innovation technologique. Un abaissement de toutes les tranches de l’impôt sur le revenu aurait été à la fois plus juste et efficace.
  • La suppression de la part régionale de la taxe d’habitation a accéléré l’étatisation de la fiscalité locale, en s’opposant à la libre administration des collectivités territoriales17

Mais, plus encore, Bercy annonça en juillet que le surplus engrangé ne serait pas de 50 milliards mais de 80 milliards de francs. La croissance produisit en effet des recettes exceptionnelles : par exemple, la baisse de 20,6 à 19,6% de la TVA, qui coûta 9 milliards de francs à l’État, fut compensée par des recettes d’une vingtaine de milliards du fait d’une augmentation de la consommation liée à la croissance inespérée18.

Devant cet afflux et craignant la contestation, les voix en faveur de la réduction de l’endettement furent promptement évacuées, notamment celle de Laurent Fabius, le nouveau Ministre de l’économie : « il ne faut pas semer d’illusions (…) on ne peut pas parler de cagnotte lorsque le bonus de recettes de 50 milliards est de 1% par rapport à la dette de notre pays qui est de 5000 milliards »19. Sans hésiter longtemps, Lionel Jospin écarta l’orthodoxie budgétaire.

Le Chef du Gouvernement préféra offrir aux électeurs de gauche un horizon plus large que celui de la seule réduction des déficits publics: en novembre, Matignon fixa le curseur du déficit budgétaire 2000 à 209,5 milliards de francs – soit une réduction dérisoire de 6 milliards20. Si Jospin avait soigneusement conservé l’excédent, pour l’affecter à la réduction du déficit, celui-ci aurait été réduit à 185 milliards de francs pour 200021. Au contraire, il finança des dépenses conjoncturelles : la suppression de la vignette (10 milliards de francs), les tentatives pour enrayer la hausse du prix du carburant (3 milliards), le soutien à la mise en place des 35 heures ont rogné la cagnotte, auxquelles s’ajouta par exemple le plan de lutte contre la vache folle22.

Dépourvues de vision globale, les mesures ponctuelles prises par le gouvernement socialiste sous la pression de ses alliés les plus radicaux sont l’illustration parfaite d’une gestion calamiteuse des deniers publics. Alors que la période était celle d’une croissance supérieure aux prévisions, la situation n’a pas été mise à profit pour réduire la dette. Plus encore, du fait de son impact pérenne sur la structure des comptes, de telles insuffisances dans la gestion des deniers publics expliquent une partie non négligeable de la hausse de l’endettement qui a suivi.

—-
Notes :

  1. Cité in Libération, 11 août 2011, « Chirac et Jospin se bagarrent pour une cagnotte ».
  2. Le Ministre de l’économie Dominique Strauss-Kahn estima en septembre 1999 que celui-ci atteignait 13 milliards de francs. Son successeur Christian Sautter l’évalua à  24,3 milliards un mois plus tard. (Libération « Bercy dévoile aujourd’hui l’excédent des recettes fiscales », 9 février 2000).
  3. En février 2000, Le Monde relayait une fuite du Ministère de l’économie : la « cagnotte » atteindrait 66 milliards de francs – en tenant compte des nouvelles rentrées nettes au 31 décembre 1999. Matignon réagira cependant en qualifiant ces chiffres d’« extravagants » et, au début du mois de février, la commission des finances du Sénat estima « l’excédent des recettes entre 30 et 40 milliards de francs par rapport au budget initial de 1999 ». Sénat, 11ème législature, Question d’actualité au Gouvernement n°0276G de M. Philippe Marini (Oise, RPR).
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.
  7. Libération, 10.02.2000, op. cit.
  8. Libération, « Cagnotte : tournée des popotes socialistes », 15 mars 2000.
  9. L’Express, « Cagnotte : la taxe d’habitation baissera à l’automne », 10.02.2000
  10. L’Humanité, « François Hollande et la cagnotte », 6.04.2000
  11. L’Humanité, « Cagnotte : les trois ‘’nécessités’’ de François Hollande », 10.04.2000
  12. Lionel Jospin interviewé sur TF1. Vie-publique.fr : http://lesdiscours.vie-publique.fr/pdf/003000769.pdf
  13. Libération, « Trois économistes reconnaissent le bien-fondé de la décision de Lionel Jospin », 18.03.2000.
  14. Intervention de Monsieur Philippe Auberger (RPR) lors de la lecture définitive du collectif 2000 à l’Assemblée nationale, 3ème séance du mercredi 28 juin 2008.
  15. Intervention de Monsieur Charles de Courson (UDF) lors de la lecture définitive du collectif 2000 à l’Assemblée nationale, 3ème séance du mercredi 28 juin 2008.
  16. Interventions de Messieurs Gilbert Gantier (DL) et Philippe Auberger (RPR) lors de la lecture définitive du collectif 2000 à l’Assemblée nationale, 3ème séance du mercredi 28 juin 2008.
  17. Intervention de Monsieur Charles de Courson (UDF), op. cit.
  18. Libération, « Fabius exhibe sa nouvelle cagnotte », 12.07.2000.
  19. Le Nouvel Observateur « Fabius contre la cagnotte », 4.04.2000.
  20. Libération, « Fabius crie au vol de sa cagnotte », 15.11.2000.
  21.  TF1 News, « Mais où est passée la cagnotte ? », 15.11.2000
  22. Ibid.
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