Grèce : les arbres vaincus par la crise financière

La désagrégation de l’État grec conduit au pillage des forêts : les arbres tombent.

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Grèce : les arbres vaincus par la crise financière

Publié le 25 janvier 2012
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La désagrégation de l’État grec conduit au pillage des forêts : les arbres tombent.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse

Qui aurait cru que même Mère Nature se mettrait à souffrir à cause du surendettement de l’État grec ? C’est pourtant exactement ce qui se passe, de façon très logique d’ailleurs, comme nous le relate cette dépêche de l’AFP:

Grèce: la crise et les taxes sur le mazout font tomber les arbres

ATHENES – La coupe sauvage de bois de chauffage est en pleine expansion en Grèce, face à une montée en flèche des prix du mazout et une réduction des crédits publics pour la gestion forestière, a indiqué mardi l’Union panhellénique des ingénieurs forestiers.

Il n’y a pas encore de menace sur les écosystèmes forestiers, mais l’État doit agir vite, il faut se souvenir de ce qui s’est passé en Albanie à la chute du régime communiste, quand même les arbres longeant les routes étaient coupés, a affirmé à l’AFP le président de cette Union, Nikos Bokaris.

Après constatation d’abattages illégaux, les services forestiers ont émis 1.500 plaintes en 2011, soit deux fois plus que l’année précédente, dans un pays où 70% des forêts sont publiques, le reste appartenant pour l’essentiel à des institutions religieuses.

La branche grecque de l’ONG environnementale WWF s’est aussi émue du problème. Selon son responsable pour les forêts, Konstantinos Liarikos, il y a selon les régions des cas divers, soit d’actions individuelles, soit d’activités organisées par des réseaux de vente.

Le phénomène n’est pas nouveau dans un pays où le chauffage au bois reste fréquent, et les immeubles récents, même à Athènes, sont souvent équipés de cheminées alors que les coupes encadrés par l’État ne suffisent pas à répondre à la demande, surtout couverte par des importations en provenance des Balkans.

Mais selon M. Bokaris, la crise économique a fait la différence, entre la hausse du prix du mazout, quasi-multiplié par deux en 2011, et la baisse des crédits alloués à la gestion publique des forêts, passés de près de 20 millions d’euros ces dernières années à désormais moins de 10 millions, dans le cadre des mesures d’austérité dictées à la Grèce surendettée par l’UE et le FMI.

Tout est dit. L’État grec est aux abois (sans jeu de mots). Il augmente donc les taxes sur tout ce qu’il voit, démesurément, dont celles sur le mazout – une ressource typique dont l’utilisation passe par des canaux faciles à surveiller : cuves de stockage, entreprises spécialisées, camions-citernes agréés…

Le mazout devient hors de prix pour les Grecs, ce qui n’est pas un problème pour les vaillants membres du gouvernement. Mais voilà l’imprévu. Pour leurs besoins de chauffage, les Grecs se tournent vers le bois de chauffage, une ressource naturelle, accessible, bon marché, et hors du contrôle de l’État et de ses taxes. Catastrophe !

La désagrégation de l’État grec s’accompagne de nombreux phénomènes sociologiques, dont nous n’avons même pas idée. Toutefois, cette péripétie sur le thème du chauffage m’inspire quelques remarques:

  • Dans une crise économique, les impératifs de survie l’emportent sur les considérations écolo-bobo-générations-futures-développement-durable sur lesquelles on pouvait gloser par beau temps.
  • La Grèce expérimente à l’échelle 1:1 la fameuse décroissance prônée par nos écologistes. La vérification empirique montre que ça ne semble pas faire beaucoup de bien à la nature.
  • Les mêmes écolos qui prêchent le changement de mode de vie à chaque repas protestent contre ce virage 100% renouvelable. Remplacer le pétrole par le bois ne leur fait pas du tout plaisir si le bois en question n’a pas eu leur bénédiction. On dirait même qu’ils préfèreraient qu’on en reste au bon vieux mazout !
  • La dépêche n’en parle pas, mais je doute que les taxes instaurées sur le mazout rapportent beaucoup plus à l’État grec qu’avant, fussent-elles doublées. Un nombre toujours plus grand de gens se tourne simplement vers des moyens de chauffage alternatifs. Il faut aussi compter les frais supplémentaires qu’engendrent la surveillance des forêts pillées et la traque des contrevenants. La Courbe de Laffer est probablement respectée une fois de plus.

Seule une société prospère a les moyens de protéger son environnement. Laboratoire de la faillite, la Grèce nous en fait la démonstration.

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