Open data : La ruée vers l’or des données publiques

Le secteur public est rarement promoteur d’innovation ; avec l’ouverture des données publiques, il a une occasion unique de changer cela.

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Open data : La ruée vers l’or des données publiques

Publié le 7 janvier 2012
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Le secteur public est rarement promoteur d’innovation ; avec l’open data, il a une occasion unique de changer cela.

Par Aymeric Pontier

François Brutsch m’a envoyé un lien il y a quelques jours vers un article de Tim Berners-Lee, l’un des principaux inventeurs du Web. Depuis quelques années, il s’est lancé dans une nouvelle aventure : inviter les individus, les entreprises et les administrations publiques à mettre toutes leurs données sur le Web. Il conçoit ce projet fou, « Linked Data », comme une continuité du Web : après avoir mis en ligne nos documents, mettons en ligne nos données !

Je vous recommande fortement cette présentation du projet en 2009.

 

 

Dans l’article cité plus haut, je notais surtout que le gouvernement britannique venait de nommer Tim Berners-Lee à la tête du tout récent Open Data Institute. Pas bêtes les conservateurs anglais. Comme chacun sait, le Royaume-Uni est en avance sur l’Open Data, et l’équipe au pouvoir entend bien conserver son avantage. Tandis que la France tente de ne pas se laisser distancer.

Le site Data.gouv.fr a été ouvert le mois dernier. Il permet à tous d’accéder aux données publiques de l’administration sous un format ouvert et réutilisable, afin d’inciter à la création de services applicatifs gratuits ou payants par des entreprises ou des développeurs désintéressés. On verra certainement dans les prochains mois les premiers résultats de cette initiative. Selon l’entreprise privée Data Publica, Data.gouv.fr héberge environ 1780 jeux de données publiques qui n’étaient pas disponibles ailleurs jusqu’ici. C’est donc un premier pas très encourageant !

Le plus dur fut évidemment de collecter toutes ces données publiques « enfermées » dans les différents services de l’administration, qui les conservaient jalousement à l’abri des regards indiscrets. Certes, il y avait bien la loi du 17 Juillet 1978 qui permet théoriquement aux citoyens de demander l’accès à ces données. Mais le dispositif en lui-même constituait un frein à la communication et à la diffusion dédites données. Il ne permettait pas d’automatiser le traitement de l’information, créateur de valeur. Avec Data.gouv.fr, tout change. Pour le mieux.

L’autre mode de diffusion des données à ma connaissance passe par les rapports d’information parlementaires, que personne ne lit à part certains hurluberlus dans mon genre, qui recèlent parfois des pépites, dont certaines ont donné lieu à des billets sur ce blog. Il ne faut jamais oublier que l’accès aux données publiques est un droit, mais qu’un droit ça se fait vivre. Ceux qui nous « accordent » généreusement des « droits » n’attendent qu’une chose : qu’on ne les utilise pas. L’IFRAP a d’ailleurs dressé une liste de toutes les données qui n’ont jamais été publiées…

Le secteur public est rarement promoteur d’innovation ; avec l’ouverture des données publiques, il a une occasion unique de changer cela. Quand toutes les données publiques sont disponibles gratuitement et réutilisables, des entreprises peuvent alors les reprendre pour créer des services à forte valeur ajoutée. Par exemple, aux USA les données publiques concernant la météorologie sont disponibles gratuitement aux entreprises qui ont pu les réutiliser pour créer des services inédits : le secteur privé de la météo représente là-bas environ 1,5 milliard de dollars…

Une autre facette de l’Open Data qui n’est pas ou peu mise en avant concerne la productivité et l’efficacité des administrations publiques. La mondialisation des échanges n’a pas seulement entraîné une compétition accrue entre les entreprises, mais aussi entre les Administrations. L’État français est en concurrence directe avec les autres États de l’Union européenne, idem pour les collectivités locales et la protection sociale.

Avec l’ouverture progressive des données, les entreprises françaises et étrangères vont bénéficier d’informations inouïes (et disponibles pour pas cher) leur permettant de dresser des comparatifs entre les zones d’implantation possibles : fiscalité locale, accessibilité du foncier, fluidité des transports, qualité des service de soins, niveau des écoles et des universités, etc. Mon analyse est que l’ouverture des données va fortement renforcer la compétition entre administrations.

Mais l’exploration des données ne concerne pas seulement le secteur public. Les entreprises privés peuvent elles aussi se servir de ces trésors enfouis dans leurs propres bases de données, leurs archives numériques, pour créer davantage de valeur ajoutée et pour déterminer avec une acuité accrue les désirs de leurs clients. Le cabinet McKinsey Global Institute estime ainsi que le temps de développement produit pourrait être réduit de 20 à 50% !

Les applications sont innombrables, et difficilement imaginables. Mais cette future société de l’information à laquelle aspire Tim Berners-Lee est stimulante pour l’esprit…

—-
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  • « Le secteur public est rarement promoteur d’innovation », mais à votre avis qui finance la recherche en France comme aux Etats-Unis ? Qui finance l’innovation dans le secteur aéronautique et spatial avec des subventions déguisées pour Airbus ou en bénéficiant largement des retombées de contrats fédéraux de défense pour Boeing ? Ouvrez les yeux, c’est justement les grandes entreprises du secteur privé qui ne se donnent généralement plus les moyens de faire correctement de la R&D sans aides publiques, souvent pour maximiser les indicateurs qu’ils fournissent régulièrement aux acteurs financiers… tout en sabordant leur capacité d’innovation à moyen et long terme.

    • Vous inversez clairement les choses.
      Ce sont les subventions qui créent des comportements délirants de la part des entreprises privées. Pas le contraire. La subvention biaise le marché.

      Et même s’il est vrai que les pouvoirs publiques subventionnent parfois des entreprises privées mal gérées, cela montre seulement l’incapacité de l’état à gérer notre argent correctement. Des entreprises mal gérées feront faillite et ce sera le problème des actionnaires, pas celui de l’état.

      Coupez les subventions et on verra si l’innovation n’est pas au rendez-vous dans le privé !

      • Le problème des actionnaires *et des employés* …

      • C’est très dogmatique ce que vous dites là. Si des subventions sont accordées à certaines entreprises de haute technologie, cela n’a généralement rien à voir avec l’état de leur gestion. Safran et Airbus sont des entreprises qui ne fonctionnent pas si mal que ça, mais qui sont dans un secteur où l’on se doit d’être particulièrement innovant, et où les investissements de R&D sont tellement élevés, avec des perspectives de rentabilités marquées mais à si long terme que les actionnaires ne sont pas prêt à jouer le jeu, de sorte que ce sont les états qui se substituent à eux… C’est un état de fait, qui est généralisable dans de nombreux de secteurs technologiques où des investissements lourds doivent être effectués pour rester à la pointe. Mais j’ajouterais aussi que du côté du secteur public se fait bien une recherche appliquée des la plus fructueuse : Tim Berners-Lee a mis au point les bases d’internet au Cern, c’est le National Weather Service qui possède l’infrastructure satellitaire et des moyens de calcul pour délivrer les fichiers meteo au plus grand nombre (dont il est fait mention dans cet article), la partie fondamentale de la recherche biologique se fait essentiellement par des financements publics, etc. En réalité, la démarche est pratiquement toujours la même, lorsqu’une application issue d’un programme sur financement public est valorisée, elle l’est rarement au bénéfice de l’état qui en est à la base : on monte une start-up qui devient dépositaire de brevet et qui touchera les bénéfices des retombées éventuelles… Je ne nie pas la capacité d’innovation du secteur privée, bien au contraire, mais ne pas faire du secteur public l’acteur majeur et le plus gros financeur de l’innovation et la recherche, c’est avoir une vision bien peu objective de la réalité.

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