Héritage, quel héritage?

Face aux dettes de leurs parents, de plus en plus de Français renoncent à hériter: le pacte intergénérationnel est en train de voler en éclats

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Héritage, quel héritage?

Publié le 12 décembre 2011
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Face aux dettes de leurs parents, de plus en plus de Français renoncent à hériter. C’est le pacte intergénérationnel dans son ensemble qui est en train de voler en éclats.

Par Aurélien Véron

Le week-end dernier, Le Monde nous a annoncé que de plus en plus de jeunes refusent d’hériter. Les ingrats! Disons-le tout de suite, cette tendance ne concerne pas franchement la famille Bettencourt, pour laquelle c’est plutôt l’inverse : c’est la mère qui souhaite déshériter la fille. L’affaire touche plutôt les familles aux faibles revenus. Leurs dettes sont alors parfois plus lourdes que leurs actifs (quand il y en a). C’est finalement assez proche de ce qui attend le pays et ses habitants.

Tout le monde le sait, mais ça ne mange pas de pain de le rappeler : chaque Français, qu’il biberonne (en couches ou au bistro) ou qu’il travaille, porte une dette de 26.000 euros sur la tête, à laquelle il faut ajouter une autre dette dite « hors bilan » de 8.000 euros si on retient l’estimation du rapport Pébereau sur les retraites de la fonction publique. Ça commence à chiffrer, sans même parler des déséquilibres des retraites par répartition (ni de la Sécu qui fonctionne sur le même principe de répartition).

Bref, il va falloir faire chauffer la carte bleue pour rembourser tout ça si on ne cède pas a la tentation de l’expatriation. L’explosion des héritages refusés est un peu le fruit d’une paupérisation des couches populaires qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. L’absence de qualification ne rentre pas dans les critères de notre modèle social, et aboutit facilement à une longue exclusion. C’est le résultat d’un chômage endémique, d’un tissu économique sclérosé, d’un ascenseur social en panne. Bref d’un modèle social qui patine. Mais cela ne suffit pas à tout expliquer, car historiquement, les couches populaires sont toujours parvenues à faire fructifier leur patrimoine.

Ces difficultés d’héritage révèlent un autre problème aussi grave. En filigrane, c’est tout le rapport entre les jeunes et les vieux, pardon, les personnes âgées qui est en question. Cet article du Monde illustre à quel point c’est le pacte intergénérationnel dans son ensemble qui est en train de voler en éclats. Les Français vivent de plus en plus vieux, ce qui est formidable, mais les enfants s’occupent de moins en moins de leurs parents et grands-parents parce qu’ils n’en ont plus le temps. Le matérialisme n’y est pas pour rien, mais une raison essentielle de ce clivage intra-familial, c’est la répartition.

Le principe de ce mécanisme est d’un cynisme délicieusement pervers. Car après tout, il revient à faire payer aux jeunes à prix d’or, au travers des cotisations sociales qu’on leur extorque, le droit de se désintéresser de la vie de leurs aînés. Cotiser l’équivalent du tiers de son salaire net pour faire vivre les retraités permet de les négliger, de rompre le lien avec la famille. On a payé son dû, à l’État de faire le reste. Alors qu’épargner pour soi, c’est gérer son avenir, sa vieillesse et la transmission. C’est entretenir les liens avec les descendants… et les ascendants.

Les nouvelles générations découvrent que leurs aînés leur ont légué un passif à plusieurs visages. Après le chômage qui les frappe particulièrement, elles découvrent que notre modèle a privilégié le maintien des rentes, des privilèges et des corporatismes au détriment de la responsabilité, de la fraternité et des formes privées, familiales notamment, de solidarité. L’État nounou si bien décrit par Mathieu Laine a rongé le ciment de la cohésion social. Pays de vieux diront certains. Manque plus qu’une cinquième branche de la Sécu, celle de l’assurance dépendance, pour faire exploser la cohésion sociale déjà bien amochée. On pourra vieillir seuls sans gêner, et mourir sans imposer ce fardeau à la famille. La quoi ?

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  • On oublie un autre aspect de la repartition: la generation des epargnants escroques.
    Cette histoire me vient de ma grand mere (paix a son ame). Je ne savais alors meme pas que j’etais liberal.

    Ma grand mere vivait dans une famille ou on avait de tout temps ete paysans depuis l’inventionde l’agriculture. Mere de 8 enfants dont 2 morts a l’epoque. elle savait ce que c’etait que la vie, et la mort… Je me suis appercu, des annees plus tard en repensant a cette histoire que le gene du liberalisme et du mini archisme me vient probablement plus de ces paysans pauvres du cote de ma mere que du cote de mon pere (lui meme tres liberal): Sa famille est composee en grande partie d’intellos gauchistes sans envergure donneurs de lecon.
    L’histoire est la suivante: Avant la repartition il y avait selon ma grand mere deux genre de familles: Les cigales et les fourmis. Les cigales investissaient tout dans la ferme pour leguer une belle exploitation a leur goses le plus tot possible et vivre sur leur dos pour les vieux jours. Les fourmis qui refusaient d’investir dans leur ferme avant d’avoir mis de cote de quoi etre certain de ne pas etre un poids pour leurs gosses apres.
    On pourrait se dire que les vieux cons qui refusaient d’achter des tracteurs modernes refusaient le train de la modernite. Mais il n’empeche que dans ce familles on se serrait la ceinture, les gosses ne recuperaient pas une ferme pleine de dette sans compter les dettes hors bilan des vieux qu’il faut nourrir et qu’on finit par pousser dans l’escalier.
    Et bien ma Grand mere m’a raconte qu’a la mise en place de la retraite, les familles fourmis se sont senties ecroquees, particulierement les enfants. Leur famille avait fait l’efort de faire tourner des ferme sans dettes ou on epargnait pour ne pas se retrouver dans des situations imposibles. Donc apres avoir evite les largesses que s’accordaient les cigales on leur a dit qu’il devraient quand meme payer pour les familles cigales et que les familles cigales payeraient moins (puisqu’eux meme en payaient une parie). J’avais repondu qu’ils avaient le pecule aasse pour la retraite pour faire une difference, ce a quoi ma grand mere avait repondu:
    « Oui, ils pouvaient tous acheter les memes babiolles que les autres, mais les annees a avoir froid pour economiser le chauffage, a ne pas baiser pour ne pas avoir trop de gosses (on parle d’avant la pililue) et a bosser 60 heures par semaines pour qu’il reste un excedent a la fin du mois, vieillir 2 fois plus vite parce qu’on voulait pas etre des parents indignes qui mettent leurs enfants en banqueroute, ca personne ne l’a jamais rendu. »

    On dit souvent que la premiere generation de retraites a escroque la premiere generation qui ne touchera rien. C’est vrai mais ce ne sont pas les seuls. Ceux qui ont sacrifie leur vie pour que leurs gosses soient libres de dettes et a qui on a vole cette liberte sont a mon avis les plus floues. La mise en place de la repartition c’est la victoire de l’immaturite du tout et du tout de suite sur l’esprit d’entreprise et de gestion. Nul doute que cette gestion PUERILE du fric des autres a abouti a des comportements irresponsables et egoistes de la part de ceux qui vivent dedans.

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