Monade et harmonie universelle chez Leibniz

Pour Leibniz, la nature, les éléments physiques ne peuvent trouver d’explication et de logique que dans une métaphysique

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Monade et harmonie universelle chez Leibniz

Publié le 5 décembre 2011
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Pour Leibniz, la nature, les éléments physiques ne peuvent trouver d’explication et de logique que dans une métaphysique, dans un projet voulu par Dieu. En arriverait-il à « instrumentaliser » les hommes ?

Un article de l’aleps

Comme Descartes, comme Pascal, comme la plupart des philosophes de ce 17ème siècle, Leibniz (1646-1716) a une culture encyclopédique (lui-même est très attaché à l’idée d’Encyclopédie, somme et synthèse de toutes les connaissances humaines). Il s’est illustré notamment en mathématiques (calcul différentiel et intégral, dont la paternité lui reviendrait plutôt qu’à Newton) et en physique (étude de la force et de l’énergie, découverte de mv²), mais il est aussi juriste, politologue et lexicologue. Mais, de son propre point de vue, toutes ses découvertes et ses pensées s’ordonnent dans une perspective dynamique, qu’il cherche à analyser et comprendre. Pour lui, la nature, les éléments physiques ne peuvent trouver d’explication et de logique que dans une métaphysique, dans un projet voulu par Dieu et par la justice divine (théodicée). Science et théologie : vieille alchimie, qui dominera aussi le « siècle des Lumières ».

L’atome et la monade

Comme en mathématiques, la pensée de Leibniz s’intéresse à l’infiniment petit. L’atome avait fait son apparition dans la philosophie grecque avec Démocrite (atome, ce qui ne peut pas se couper). Mais Démocrite faisait de l’atome le plus petit élément constitutif de la matière. Il a fallu attendre le XXème siècle pour découvrir qu’il y avait des protons et des neutrons, puis des ions et des anions…Leibniz laisse de côté l’atome, qui ne concerne que la structure des éléments naturels, pour s’intéresser à la « monade », qui est à la base des éléments spirituels. Monade, monos : élément seul, isolé, insécable, unique. La monade est constitutive de l’âme, comme l’atome est constitutif de la matière. Mais, à la différence de l’atome, que Leibniz comme Démocrite supposait inanimé bien que réactif, la monade a une force interne qui va provoquer dans l’âme des changements incessants. Le sens et l’intensité de ces changements sont en fait programmés dans la monade. Le changement est une nécessité absolue, et on doit se plier au programme de la monade : nécessité fait loi.

L’harmonie universelle

L’objection qui vient à l’esprit est celle-ci : comment des monades dotées de leur propre spécificité, inscrites dans l’âme de chaque individu, parviennent-elles à s’organiser entre elles ? Comment des esprits si différents, ayant leur proche chemin dynamique, peuvent-ils se concilier et finalement déboucher sur une harmonie et, qui plus est, une harmonie universelle ? C’est que les monades participent d’un plan divin. Elles sont conçues dès l’origine pour s’intégrer harmonieusement dans un plan d’ensemble conçu par Dieu. Leibniz aurait-il inspiré Adam Smith et sa théorie de la « main invisible » qui veut que des intérêts micro-économiques dissemblables finissent par se coordonner à travers le marché, débouchant sur une harmonie macro-économique (elle aussi dynamique) ? En fait, l’exercice de Leibniz est plus difficile et plus périlleux. Plus difficile parce qu’il ne s’agit pas de rapprocher des calculs économiques fondés sur l’échange, qui est déjà en soi harmonie. Plus facile parce que l’explication est plus simple : c’est le plan de Dieu, c’est la justice divine ou théodicée.

Quelle place pour la liberté des hommes ?

L’harmonie universelle de Leibniz ne laisserait-elle aucune place apparente à la liberté des individus, dont les âmes sont elles-mêmes un agrégat de monades déjà programmées : les comportements ne sont-ils pas innés ? Leibniz critique Locke, qui fait une place trop grande à la pratique sociale, à la quête permanente des hommes en vue de l’amélioration de leur sort commun, à travers un procédé d’essais et d’erreurs source de connaissance et de progrès. Pour Leibniz il n’y a pas d’erreurs autres que celles que Dieu a voulues. Mais comment l’infini divin se conjugue-t-il avec l’imperfection ? C’est, nous dit Leibniz, que le mal aussi a été voulu par Dieu, qui « n’a pas créé des dieux ». Quand l’harmonie se brise, c’est aussi une partie du plan de Dieu qui s’accomplit : Judas était prévu par les Ecritures.

Leibniz en arriverait-il à « instrumentaliser » les hommes ? On peut se poser la question. La lecture (difficile) de Leibniz donne le choix entre le fatalisme (ou providentialisme) et la déchéance du péché originel (mais où est alors la rédemption ?). On aura du mal à situer Leibniz entre un irénisme mystique (l’harmonie universelle) et un individualisme prédestiné (l’âme noire qui porte le mal).

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  • Hé oui, le « libre examen » empêche de distinguer le « libre arbitre » dans le plan de Dieu.

  • Bonjour

    Les égarements mathématiques des scientifiques actuels les ont amenés à construire un “Grand Collisionneur de Hadrons”, “LHC”, qui, pensaient-ils, “allait enfin leurs apporter la compréhension de l’univers”.
    Ce “collisionneur” qui a coûté plus de huit milliards d’euros, n’est en fait qu’une énorme et monstrueuse machine à pulvériser les atomes et ces scientifiques, comme des gosses qui ne pourront jamais comprendre comment est fait le jouet qu’ils pulvérisent à grands coups de marteau, ne pourront jamais comprendre ce qu’est l’univers.
    Le présent ouvrage, qui lui, explique enfin ce qu’est réellement, concrètement l’univers et comment il fonctionne, vaut donc déjà plus de huit milliards d’euros :

    http://www.liberes-des-mathematiques-savoir-enfin-ce-qu-est-l-univers.net

    Ce LHC, d’une part, n’est pas plus dangereux qu’un individu qui aurait décidé de pulvériser tous les grains de sable du sahara, un par un, et d’autre part les « trous noirs » n’étant également que produit d’égarement mathématique et n’existant nulle part ailleurs que dans les cerveaux de ceux qui les ont inventés, ce LHC n’est donc tout au plus capable que d’augmenter ces mêmes « trous noirs » dans ces mêmes cerveaux, et c’est tout.

    Bien cordialement Jean Vladimir Térémetz

    • JVT: http://www.liberes-des-mathematiques-savoir-enfin-ce-qu-est-l-univers.net

      C’est quoi ce…. ça ???

      « « trous noirs » n’étant également que produit d’égarement mathématique et n’existant nulle part ailleurs que dans les cerveaux de ceux qui les ont inventés,.. »

      ??? Vous avez fait des découvertes scientifiques qui vont démonter le modèle standard ? huhuhu
      Publiez (dans de vraies revues), vous allez vous goinfrer plusieurs prix Nobel de physique..
      Huhuhuhu…

      « comme des gosses qui ne pourront jamais comprendre comment est fait le jouet qu’ils pulvérisent à grands coups de marteau »

      Huhuhuhu.. ça doit être de la bonne..

  • Ca me rappelle que j’avais introduit ma meilleure colle de philo qui était sur la main invisible justement par Leibniz.

  • j’a toujours été fasciné par ces monades. des philosophes ressent ont montré que liberté et détérminisme ne s’excluaient pas: peut être que cette perspective ouvre la place pour une autre alternative que celle que vous évoquez à la fin? Par analogie on pourrait imaginer qu’il ya ait liberté dans la théodicée…

  • j’ai toujours été fasciné par ces monades. des philosophes récent ont montré que liberté et détérminisme ne s’excluaient pas: peut-être que cette perspective ouvre la place pour une autre alternative que celle que vous évoquez à la fin de l’article? Par analogie on pourrait imaginer qu’il y ait liberté dans la théodicée…

  • « des ions et des anions… »

    Les anions étant des ions, je ne vous pas pourquoi vous faites la différences (à moins de ne pas savoir que les anions sont des ions).
    Et les cations, ils sentent le pâté ?

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