Salaires, immobilier : la tenaille de la mé-réglementation

Deux réglementations, sur les marchés du travail et du foncier, censées protéger les Français, les prennent en fait en tenaille

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Salaires, immobilier : la tenaille de la mé-réglementation

Publié le 29 novembre 2011
- A +

Deux réglementations, l’une sur le marché du travail, l’autre sur le marché du foncier, censées « protéger » les français, prennent en réalité ces derniers en tenaille.

Par Emmanuel Martin

Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

 

Face au tsunami des finances publiques et de la récession qui va nous frapper sous peu, il est sans doute utile de revenir à des analyses, certes très politiquement incorrectes au pays où « la politique est l’art du possible », concernant deux types de mé-réglementation (parmi tant d’autres) sur le marché du travail et sur le marché du foncier.

Elles sont vendues comme des réglementations éminemment « sociales ». Pourtant, leurs effets pervers rongent la France en silence, et elles empêcheront le pays de s’ajuster d’ici peu, au milieu de la tempête.

 

Taille du marché, productivité, salaires

Les observateurs économiques se posent souvent la question de savoir pourquoi les salaires, à poste équivalent, varient d’une région ou d’une ville à l’autre en un même pays.

Une bonne partie de la réponse se trouve sans doute déjà chez celui qu’on nomme souvent le « grand-père de la science économique » : Adam Smith. Sa théorie du développement économique repose en effet sur l’idée que la spécialisation, qui nous permet d’être plus productifs et d’en tirer des revenus plus élevés, dépend de la taille du marché : le degré de division du travail et donc de spécialisation n’est pas le même dans un petit village (un « petit » marché) que dans une grande ville (un « grand » marché) ; on ne trouvera pas de magasin de musique dans un petit village, mais on trouvera des vendeurs de guitares pour gaucher (hautement spécialisés donc) à Paris. Un marché plus grand permet davantage de spécialisation ; un degré de spécialisation plus élevé entraine plus de productivité ; et une productivité plus élevée génère des rémunérations plus élevées. On voit donc le lien « grand marché »-rémunérations plus élevées.

Un pays est constitué d’une myriade de territoires économiques qui sont en fait des marchés de tailles différentes (même à l’intérieur d’une même ville). Bien sûr, ces marchés ne sont pas fermés : une entreprise exportatrice corrézienne a son marché au niveau mondial et non local. Les infrastructures locales et globales permettent donc d’étendre le marché et rendent d’ailleurs difficile le fait de mettre les territoires économiques dans des « boîtes économiques » fermées !

Cependant, pour une grosse part des entreprises en un lieu donné, le marché est essentiellement local. Le degré de spécialisation de ces entreprises, dans la branche économique à laquelle elles appartiennent au niveau local, et plus généralement dans le tissu économique local, dépend donc de la taille du marché local. Cela signifie que la productivité et donc les rémunérations dépendent aussi de cette taille du marché local. En toute logique, les rémunérations pour ce qui semble être un même poste à Paris et dans une petite ville de province, doivent nettement diverger, puisque la valeur générée par la même personne à ces deux endroits va diverger du fait de tailles différentes du marché.

 

Productivité, rentabilité et salaire minimum national

Le territoire national n’est donc pas homogène du point de vue du développement (même si les infrastructures communes permettent de mitiger cette réalité) et les salaires « à poste équivalent » non plus.

Pourtant, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, la France a fait le choix d’avoir une rémunération minimale homogène sur le territoire (qui lui est hétérogène du point de vue du développement économique) : c’est le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Et contrairement à ce qui est souvent pensé, ce Smic très élevé en France : 60 % du salaire médian français (le salaire qui divise la population active en deux) en 2009.

Quel est donc théoriquement l’impact d’un salaire minimum élevé et national ?

Il signifie que dans des zones où les marchés sont « petits », les entrepreneurs devraient alors embaucher à un niveau de salaire minimum qui est bien souvent trop élevé pour eux : à ce niveau de salaire, il n’est tout simplement pas rentable d’embaucher puisque l’emploi en question dans le contexte d’un petit marché (et donc de faible demande) ne peut générer une valeur suffisante pour couvrir son coût. Cet emploi ne créerait pas de la valeur, il en détruirait ! Quand on ajoute le coût de la complexité du droit du travail et le coût du licenciement pour des petites entreprises, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi de l’emploi n’est pas créé dans les zones moins développées. Pour se faire une idée de l’effet, il suffit d’imaginer ce qui se passerait si l’on imposait le niveau de salaire minimum français en Bulgarie ou en Tunisie…

 

Rareté organisée du foncier, crise de l’immobilier

On comprend mieux l’exode des travailleurs vers les « marchés plus grands » où la création d’emploi est nettement plus rentable dans le contexte d’un salaire minimum national et élevé.

Cependant, une autre réglementation (non pas sur les prix, mais sur les quantités cette fois-ci, avec un impact sur les prix) vient attendre les candidats à l’emploi dans les zones plus prospères : celle du foncier. Dans le but affiché de réduire la pression foncière pour des raisons environnementales, les communes se dotent de Plans locaux d’urbanisme (PLU) et, entre elles, de Schémas de cohérence territoriale (SCOT), véritables appareils de planification pour rationner drastiquement l’offre, bien au-delà de la justification environnementale. On peut évidemment disserter à l’envi sur les vraies raisons de ce choix, et sans doute en trouvera-t-on quelques-unes de peu avouables.

Quoi qu’il en soit, un marché sur lequel l’offre est rationnée de manière politique voit ses ajustements s’effectuer par les prix : ils montent, et il est plus onéreux de se loger. Et c’est exactement ce qui se passe en France dans les zones où la demande (accélérée par l’exode dû à la première réglementation sur le marché du travail) est forte.

De manière assez ironique, deux réglementations censées protéger les Français, prennent en réalité ces derniers en tenaille.

—-
Sur le web

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Excellent article. Démonstration éclatante de l’imposture de la classe politique au pouvoir depuis 30 ans à prétendre « protéger » les français. Malheureusement, ces derniers, au lieu de se tourner vers les libéraux, se tournent vers ceux qui veulent encore plus de dirigisme, entraînant encore plus de précarité et un recul des libertés.

  • Oui, bon billet qui vise juste. L’Etat providentiel socialiste détient la formule secrète pour créer les pénuries que subissent les français : pénurie d’emplois ici, pénurie de logement ailleurs et bientôt pénurie de richesses pour tous. Enfin, presque tous : ceux qui vivent par, pour et en l’Etat n’ont pas de soucis à se faire, surtout dans les tranches supérieures de l’oligarchie, politiciens, hauts fonctionnaires, entrepreneurs amis des pouvoirs, syndicalistes, journalistes, réseaux d’influence…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
6
Sauvegarder cet article
Inflation et plus-value dans l’immobilier

En règle générale, les calculs du prix de l’immobilier publiés dans les journaux et revues, ou cités sur les sites internet ou les chaînes de radio-télévision sont effectués sans tenir compte de l’inflation. Les interprétations des résultats qu’ils présentent n’ont guère de sens.

La hausse des prix de l’immobilier est de toute évidence incontestable, mais il est nécessaire de rétablir une mesure rationnelle et réaliste de cette augmentation.

Cette mesure est déduite de deux indices défin... Poursuivre la lecture

7
Sauvegarder cet article

Les milieux financiers découvrent tardivement les faiblesses du modèle chinois, pourtant perceptibles depuis une décennie. C’était prévisible pour tout observateur de la démographie, des mécanismes de développement et du communisme.

On peut penser notamment aux dettes souscrites en contrepartie de faux actifs, par exemple pour la construction de logements, alors qu’il y a de moins en moins de jeunes pour les occuper ou d’infrastructures redondantes, faisant momentanément la joie des bâtisseurs. Je me doutais bien que ces dettes sortira... Poursuivre la lecture

Nommé ministre du logement jeudi 8 février, Guillaume Kasbarian avait accordé un entretien à Contrepoints en novembre dernier en tant que député Renaissance de la première circonscription d'Eure-et-Loir et président de la Commission des affaires économiques.

 

Contrepoints : Bonjour Monsieur le Député, merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent peut-être pas, pourriez-vous nous parler de votre parcours et nous raconter ce qui vous a amené à vous engager en politique et à ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles