Allemagne: le Parti Pirate contre le contrôle de l’information

Les Pirates à l’assaut de « große Bruder »: le contrôle de l’information est remis en question par la génération internet

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Cyber Pirates (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Allemagne: le Parti Pirate contre le contrôle de l’information

Publié le 10 novembre 2011
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Les Pirates à l’assaut de « große Bruder » : le contrôle de l’information qui s’est établi comme une norme est remis en question, particulièrement par la génération ayant connu internet.

Par Zébulon, depuis l’Allemagne

La liberté et l’individualité sont des valeurs profondément germaniques. Alors pourquoi cette image d’uniformité, d’obéissance de l’Allemand ? Au-delà des images de propagandes fascistes du siècle dernier, avec des foules marchant au pas, qui ne sont pas plus spécifiquement allemandes qu’italiennes ou espagnoles, l’Allemand est discipliné par efficacité, il fait la queue sans resquiller car il n’aime pas attendre, perdre son temps et faire perdre celui des autres. L’idée est toujours d’optimiser ses intérêts sans enfreindre celui des autres plus que nécessaire. On s’associe donc par pragmatisme. On négocie au besoin. Les Français doivent leur nom à une tribu germanique, les Francs, littéralement les « hommes libres ». Cependant, l’individualité française fait bien pâle figure en regard de celle de la société allemande, avec un paysage politique beaucoup plus varié, des débats politiques qui feraient blêmir la plupart des politiciens hexagonaux tant ils sont directs et sans compromis.

L’Allemagne est depuis l’après guerre le théâtre d’une lutte constante entre le contrôle de l’État et la liberté individuelle. Le contrôle de l’État sur la liberté d’expression est directement lié à la dénazification et à la lutte contre la propagande communiste. L’État allemand a dû faire un effort sans précédent pour déconditionner une population soumise pendant plus de dix à une propagande nazi brillamment orchestrée. Pour cela, elle a dû veiller à ce que toute propagande fasciste et raciste soit exclue du territoire, alors que les nazis exilés ou cachés sous d’autres identités, faisaient tout pour essayer de la faire revivre. Au niveau de la surveillance des individus, l’État allemand se devait également de limiter les infiltrations communistes de l’Allemagne de l’Est et de lutter contre le terrorisme exercé par les groupes d’extrême gauche comme la bande à Baader.

Ainsi, une tradition du contrôle du flux d’information s’est établie de façon durable, une tradition qui s’est étendue à d’autres domaines de la vie sociale. On citera par exemple la censure cinématographique. Beaucoup de cinéphiles sont surpris de voir la durée des films réduite sur les versions allemandes : la censure s’est chargée de supprimer des scènes. Un film d’horreur comme « Massacre à la tronçonneuse » est strictement interdit en Allemagne, également pour les adultes. Ce qui a conduit à un trafique illégal de dvd avec l’Autriche… (on ne rigole pas !).

Le contrôle de l’État a jusque-là était assez bien accepté par la population, une sorte de prix à payer pour retrouver sa morale, perdue lors de la période la plus noire de son histoire.

Mais les temps changent. Les nouvelles générations ne se sentent plus responsables, et à juste titre, des exactions de leurs aînés. On ne punit pas le petit-fils pour les fautes du grand-père. Le contrôle de l’information qui s’est établi comme une norme est remis en question, particulièrement par la génération ayant connu internet.

Déjà en 2009, une réforme voulue par le ministre de la famille Ursula van der Leyen pour lutter contre la pédophilie sur internet avait été sévèrement critiquée pour son amateurisme : inefficace, contre productive et douteuse du point de vue des libertés individuelles.

Et alors que les Allemands s’interrogeaient encore au début de l’an dernier sur la folie française du contrôle de l’internet, ils n’en crurent pas leur yeux en ouvrant les journaux le mois dernier.

Le Chaos Computer Club (CCC), une association de hackers, a découvert – mais c’était jusque-là un secret de polichinelle – que la police allemande avait mis au point un programme espion de type cheval de Troie.

Le grand exploit du CCC a été de pouvoir obtenir et analyser le programme en question. Or, en dehors de s’installer sur l’ordinateur d’un suspect pour permettre d’enregistrer le trafic d’information – en quelque sorte l’équivalent des écoutes téléphoniques – le CCC a révélé que le programme permettait également de charger des données sur l’ordinateur infecté, ce qui a été explicitement interdit par le conseil constitutionnel allemand. Le piège classique qui permet d’arrêter et d’accuser quelqu’un de trafic de drogue en déposant à son insu une substance illicite dans ses poches peut se réaliser tout à fait simplement avec ce programme, en chargeant par exemple sur l’ordinateur d’un opposant politique quelques fichiers comprenant des images pédophiles.

Le plus inquiétant, d’après le CCC, est la facilité avec laquelle une tierce personne peut détourner un tel programme à son avantage. Bref, un programme qui ferait le bonheur de hacker bien moins bien intentionnés que ceux du CCC…

Enfin, cerise sur le gâteau, Google a publié les demandes d’interventions gouvernementales sur les données stockées par Google, qu’il s’agisse de pages à effacer pour leur contenu ou des données personnelles.

Si les États-Unis restent champions dans l’obtention de données privées, rapportée au nombre d’habitants, l’Allemagne fait très fort concernant la censure via l’interdiction d’accès aux pages web.

Les défenseurs des libertés individuelles de tendance communiste quittent le très rouge partie « die Linke », tout comme les déçus du partie libéral FDP s’évaporent, le FDP étant vu comme faisant trop de compromis avec les conservateurs au pouvoir, notamment sur le chapitre de la liberté individuelle.

Tout ce petit monde migre vers un partie anarchiste mais bien structuré, le « Partie des Pirates », directement issu de l’univers internet et qui commence à faire parler de lui dans les sondages, doublant au poteau le partie d’extrême gauche « die Linke ».

Les Pirates ne sont (malheureusement) pas de philosophie capitaliste, conservent une vision de l’économie et de la propriété encore déformée par des clichés socialistes typiques (sans doute l’influence des transfuges de « die Linke ») mais ont l’art de mettre les pieds dans le plat et représentent pour l’instant l’opposition du citoyen face à toutes les formes de contrôle injustifiées imposées par l’État.

L’avenir de cette flibuste est encore incertain, mais on voudrait bien voir leur navire croiser le long des côtes françaises. Et s’il s’avérait qu’ils puissent intégrer les valeurs du marché libre, ces pirates deviendraient vraiment de sympathiques corsaires.

 

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