Le droit de propriété, enjeu majeur du développement durable en Côte d’Ivoire

La Rule of Law, solution pour le développement de l’Afrique ?

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Le droit de propriété, enjeu majeur du développement durable en Côte d’Ivoire

Publié le 7 novembre 2011
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La seule voie vers le développement en Afrique, ne serait-ce pas la reconnaissance du droit de propriété et de la Rule of Law?

Un article collectif (*), publié en collaboration avec Audace Institut Afrique.

Le développement durable est l’aspiration de tous les peuples et de tous les pays et singulièrement de la Côte d’Ivoire qui, après des décennies de crise, a vu ses différentes structures sociale, culturelle et économique se fragiliser. Si le développement durable se définit comme le développement qui répond aux exigences du présent sans toutefois compromettre la capacité des générations futures, l’une des exigences de la Côte d’Ivoire aujourd’hui est que l’on repense le droit de propriété privée qui est source de nombreux litiges et donc un frein évident à son développement. Qu’entendons-nous par droit de propriété ? Pourquoi jusque là l’on ne bénéficie pas de ses effets sur le développement ? Quelles pourraient être les solutions à envisager ?

Comprendre le droit de propriété

« Une société qui ne connaitrait pas la propriété se condamnerait à ne jamais savoir ce qu’être libre veut dire », disait Lord ACTON. Avec cette pensée, on comprend mieux le droit de propriété qui se définit selon l’article 544 du code civil ivoirien comme  le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. Souvent inconnu, sa mise en œuvre n’ayant été correctement orchestrée par les décideurs politiques qui se sont succédés à la tête de l’Etat ivoirien, il n’est pas étonnant qu’il soit aujourd’hui au centre de nombreux conflits non seulement en Côte d’Ivoire mais aussi dans nombre de pays africains, pays demeurant pauvres.

Droit de propriété et développement de la Côte d’Ivoire 

L’application stricte et le respect du droit de propriété se heurtent à des difficultés multiples.

L’ambigüité des textes

Les lois en vigueur ne prennent pas en compte les élans de la population et l’environnement social. C’est l’exemple de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural qui a connu un échec total. A cela s’ajoute, l’inadaptation de certains textes à la réalité des pratiques. On peut également souligner la forte prévalence de la coutume sur le droit positif dans le contentieux relatif au domaine foncier rural. En effet, plus de 98% des terres du domaine foncier rural en Côte d’Ivoire sont soumis au droit coutumier et seulement 2% au droit positif . La tentative de régulariser cette situation s’est soldée par un échec cuisant des pouvoirs publics. De surcroît, les textes sont méconnus de la population car peu vulgarisés, il est donc difficile pour elle de connaitre ses droits et ses devoirs sur sa propriété. Cette situation juridique ambigüe des biens immobiliers accentue la pauvreté des populations particulièrement dans les zones rurales. Ce flou juridique ne permet pas aux banques et aux maisons d’assurances de reconnaitre les simples propriétaires coutumiers. Ce manque de reconnaissance et de confiance interdit l’accès facile au crédit et autres produits. Outre l’ambigüité des textes, l’application du droit de propriété se confronte au caractère éprouvant de la procédure administrative.

Une procédure administrative éprouvante

Nous relevons, en Côte d’Ivoire, la lourdeur et la lenteur des procédures administratives. En effet, l’obtention d’un titre de propriété s’avère être très long. Cette réalité favorise la corruption et le népotisme dans l’espoir d’accélérer la procédure. On peut regretter également la faible décentralisation des bureaux administratifs concernés, ce qui oblige les demandeurs à parcourir de longues distances. L’intervention de plusieurs ministères dans l’établissement d’un acte de propriété conduit inévitablement à des conflits de compétences qui compliquent encore les procédures. A cela, il faut ajouter le problème de la justice.

Le dysfonctionnement de la justice

Un pays ne peut se développer, une population ne peut vivre harmonieusement sans une justice compétente, accessible et impartiale. C’est à ce titre que la justice peut pleinement garantir le respect du droit de propriété privée, socle d’un développement durable. Mais quel est le constat ?

Malgré la déconcentration de l’appareil judiciaire, on note des défaillances (3.1/10 à l’audit de la liberté économique). On constate d’abord une inexécution des décisions de justice ; ce qui crée une insécurité importante et empêche les propriétaires de jouir pleinement de leurs biens. En un mot, la justice n’arrive pas à rendre justice. De plus, l’appareil est miné par la corruption et il faut souligner sa lenteur en partie due au manque de personnel et de juges en particulier. Enfin, la population a peu recours à la justice. Cela s’explique par la longue distance la séparant des tribunaux mais également par la peur d’ester en justice du fait du manque d’informations sur les procédures et des frais de justice élevés. Tant il est vrai que les problèmes de la justice sont criants, tant la coutume est également source d’apories.

Une coutume pesante

Le droit coutumier est un élément incontournable dans le domaine du foncier rural. La Côte d’Ivoire, dans le cadre de sa réforme agraire, a opté pour le système de l’immatriculation des terres au livre foncier qui conférerait la qualité de propriétaire ou bénéficiaire d’une terre. Telle était l’aspiration de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural. Cependant, la réalité coutumière a pris le pas sur le droit positif. En effet, les chefs de villages ou de cantons ou de terres règlent les problèmes de terres selon la pratique coutumière qui a tendance à privilégier la population autochtone au détriment des allogènes et allochtones ; ce qui met à mal la cohésion sociale au sein de la population rurale. Il faut également souligner que dans certaines régions du pays, la discrimination entre les hommes et les femmes dans l’acquisition des terres est érigée en dogme. En effet, les femmes n’ont pas le droit de posséder une terre mais elles peuvent cependant, sous certaines conditions, jouir des fruits. En somme, il ne s’agit pas de rejeter en bloc les coutumes mais de les harmoniser afin d’accroître le bien-être de tous et gommer les discriminations. Quid des problèmes de la propriété intellectuelle ?

Le cas spécifique de la propriété intellectuelle

Le droit de propriété intellectuelle est l’ensemble composé d’une part des droits de propriété industrielle et, d’autre part du droit d’auteur. L’inefficacité de la justice à protéger la propriété privée n’est en aucun cas bénéfique aux auteurs qui ont en principe, le droit de jouir pleinement du fruit de leur effort. En effet, ces derniers se voient dépouiller de leurs créations par des individus malveillants qui piratent les œuvres, s’arrogeant ainsi le privilège de détenir de façon illégale des brevets qui ne leur revient pas de droit. Comme noté plus haut, les textes existent mais leur application fait défaut. Il n’y a aucune rigueur, aucun suivi de l’appareil de coercition qui lui-même est corrompu. Ces différents maux auxquels est confrontée la propriété intellectuelle mettent en avant une absence d’Etat de droit, acteur déterminant au développement durable. Il est alors impérieux de proposer des solutions pour que le droit de propriété permette d’impulser véritablement et durablement le développement de la Côte d’Ivoire.

Les solutions

L’Etat, dans sa quête d’un développement harmonieux et durable doit œuvrer à doter la Côte d’Ivoire d’une législation sur la propriété adaptée aux besoins et aux aspirations de la population. Toutefois, ces lois doivent faire l’objet d’une vulgarisation avec l’appui des organisations de la société civile, car comme l’on dit : celui qui détient l’information a la connaissance et donc le pouvoir. Ainsi, l’appareil judiciaire doit être restructuré et réorganisé pour rendre les tribunaux plus accessibles. Un tribunal par sous-préfecture limiterait les frais de déplacements des usagers et permettrait de désengorger les services dans les grandes villes. Tout ceci ne peut être possible qu’avec un nombre accru de juges compétents et opérationnels. Par ailleurs, la police administrative doit œuvrer à l’exécution stricte des décisions de justice. Aussi l’administration doit-elle faire sa mue pour suivre le train du développement. L’informatisation des documents administratifs contribuerait à réduire la durée d’acquisition d’un acte de propriété. Il faut également s’attaquer à la fraude. Les autorités compétentes doivent s’atteler à définir clairement le rôle de chaque ministère pour éviter les conflits de compétences. Le droit positif et le droit coutumier doivent permettre, en synergie, de trouver une réponse durable aux questions de droit de propriété.

Dans le contexte actuel, la prise en compte de la question du droit de propriété apparaît cruciale dans le sens où sa résolution marquera certainement la fin de nombreux conflits dits ethniques. En effet, on parle bien souvent à tord de conflits ethniques dans le cadre de problèmes purement  fonciers. Le droit de propriété, fondement de la liberté et de la responsabilité a montré dans le monde que lorsqu’il était clairement établi pouvait conduire au progrès durable. C’est une voie à ne pas négliger dans le cadre de la sortie de crise de la Côte d’Ivoire et ça devrait être un sujet central du processus de réconciliation.

*Michaël-Eric Ablédji –  Martin Kouamé   – Yannick Kouamé  –  Hugues Parfait Odi sont  étudiants libéraux ivoiriens au sein d’Audace Institut Afrique, le premier est étudiant en droit, le deuxième en sciences de gestion et les deux autres en sciences économiques.

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