Un parti eurosceptique allemand à l’horizon ?

Selon un récent sondage, de nombreux Allemands se déclarent aptes à voter pour un parti euro-sceptique

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Un parti eurosceptique allemand à l’horizon ?

Publié le 30 octobre 2011
- A +

En Allemagne, les électeurs commencent à chercher les signes d’alternatives politiques. Et, selon un récent sondage, ils sont de plus en plus nombreux à se déclarer aptes à voter pour un parti euro-sceptique.

Un article d’Open Europe

Matthias Schrade, porte-parole du Parti Pirate allemand

Dans le débat allemand sur l’UE, il existe un décalage curieux entre l’opinion publique et la politique des partis. Sondage après sondage, on voit qu’une claire majorité d’Allemands s’opposent au renflouement et aux euro-obligations. Pourtant les deux principaux partis d’opposition qui ont en principe soutenu les euro-obligations, les Verts et le SPD, sont actuellement très en avance dans les sondages (ils combinent 42% des suffrages et 31% pour le CDU/CSU de Merkel).

L’engagement sans équivoque de l’Allemagne à l’Europe et le fait que les élections allemandes furent dominées par des personnalités et des enjeux locaux (on compte aussi un certain nombre d’élections fédérales, en plus des nationales) figurent parmi les facteurs explicatifs évidents de ces sondages. Néanmoins, un sondage d’opinion dans le magazine politique Focus fait au début du mois a suggéré que 37% des Allemands pourraient voter pour un parti «euro-critique». Ce qui pose la question de savoir s’il y a un vide dans la politique allemande qui ne demande qu’a être rempli.

Nous ne sommes pourtant pas prêts d’être entièrement convaincus. Le FDP, parti libéral allemand, a eu un bref flirt en demi-teinte avec une attitude plus critique vis-à-vis de l’UE. Et cela lors des élections régionales récentes de Berlin, où ils ont enregistré un désastreux 1,8%. Notre impression était que la direction du FDP n’était pas vraiment chaude pour ce flirt-là.

D’autre part, la scène politique allemande est fluide, ce qui rend la montée du Parti Pirate Allemand (Piratenpartei) particulièrement intéressante. Le Parti Pirate puise sa source dans le débat allemand sur la déréglementation de l’Internet, les libertés civiles et privées. Comme sa contrepartie suédoise, le parti vise une démographie plus jeune et plus ou moins férue de technologie, utilisant les mêmes médias sociaux et autres outils informatiques qu’ils se proposent de «libérer». Un récent sondage d’opinion mettrait le Parti Pirate à 10% d’intention de vote.

La semaine dernière le journal financier allemand Handelsblatt a publié une interview du porte-parole chargé de l’économie dans le parti : Matthias Schrade (voir photo ci-dessus, dans un costume bien taillé, par opposition au costume de pirate traditionnel), une indication que le parti commence à être pris plus au sérieux. Écoutons ce que Schrade a à dire sur la crise de la zone euro:

Je crois que nous ne pouvons pas éviter de construire un noyau européen de pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la France, le Benelux avec l’euro comme monnaie commune. Nous avons besoin d’une zone économiquement homogène et dont personne ne s’éloigne, perdu à la dérive. Nous aboutirions aussi à une union monétaire plus stable que celle que nous avons aujourd’hui. Elle serait bien sûr ouverte aux autres pays étant entendu qu’ils s’engageraient dans les réformes et stabiliseraient leur système économique.

Lorsqu’on a demandé à Schrade s’il pensait que cela signifiait que la Grèce devait quitter la zone euro, sa réponse fut: « Pas seulement la Grèce. »

Autrement dit, on parle d’un éclatement de l’euro. Le Parti Pirate régional de la Rhénanie de Nord-Westphalie a appelé à un référendum sur le renflouement et a défendu une solution à la crise de la zone Euro de type islandaise, contrastant avec la stratégie de sauvetage en cours. Le Parti Pirate suédois s’était prononcé clairement à partir d’une plateforme eurosceptique aux élections européennes en 2009. Ils avaient réussi à obtenir 7,1%des voix en s’opposant à la directive de l’Union européenne sur la conservation des données et diverses autres mesures de partage des données internationales, ainsi qu’au traité de Lisbonne. Pensez-vous qu’une telle stratégie fonctionne en Allemagne, si le Parti Pirate pouvait capitaliser sur l’humeur anti-renflouement de l’opinion?

Peut-être.

Le Parti Pirate est moins un parti politique qu’un mouvement. Et en tant que tel, il peut lui être difficile de parvenir à un accord interne sur des problèmes de poids comme ceux concernant l’avenir de l’UE et l’euro. Et ce notamment parce que ses partisans sont dispersés au travers du spectre politique. Cependant, ce qui est vraiment clair, c’est que la montée du Parti Pirate montre que les Allemands sont prêts pour quelque chose d’entièrement nouveau. Ce qui marque accessoirement l’échec flagrant du FDP à se réinventer.

En tout cas, avec un parlement de plus en plus assuré, et avec les électeurs qui commencent à chercher les signes d’alternatives politiques, la politique intérieure allemande devient de jour en jour plus intéressante.

—-
Sur le web

Traduction : JATW pour Contrepoints.

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • Je crois quand-même que les libéraux ne doivent pas avoir trop d’espoir dans les Partis Pirates en général. A côté du volet libertés individuelles, le reste, c’est majoritairement du gros étatisme qui tache et de la création de faux droits.

  • L’euro est une créature allemande quoi qu’on en dise, par conséquent, on peut dire que les allemands en sont aussi responsables. La BCE a toujours agi en fonction des intérêts des allemands quand elle allait mal, notamment entre 2002 et 2005, baissant les taux d’intérêt, facilitant le surendettement dans les pays méditerranéens d’un autre côté. Le surendettement des espagnols est (en plus des problèmes internes à l’Espagne) une conséquence de la collusion BCE-Allemagne, je ne pleurerai donc pas trop sur leur sort.

    Etant les premiers à avoir violés le traité de Maastricht par ailleurs sous le silence total de leurs partenaires et de la commission européenne à l’époque, les leçons de vertu leur vont très peu, d’autant plus qu’ils sont loin d’être les moins endettés. Et leur croissance n’est pas géniale non plus (1% prévu pour 2012, prévision optimiste), ce pays est loin d’être un modèle, soyons sérieux.

    S’ils ne veulent plus payer, qu’ils stoppent les négociations et reprennent ce qui leur appartient de force aux grecs et aux portuguais. S’ils veulent être seuls dans leur zone euro, pas de souci nous les laisserons, nous ne voulons plus de cette monnaie de pacotille et cette zone monétaire qui facilite l’endettement, optons pour l’étalon-or et la liberté monétaire.

  • Perso, je n’aurais eu aucun problème avec un euro basé sur un étalon-or comme le dollar l’a été pendant des années.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Ce vendredi 2 février, les États membres ont unanimement approuvé le AI Act ou Loi sur l’IA, après une procédure longue et mouvementée. En tant que tout premier cadre législatif international et contraignant sur l’IA, le texte fait beaucoup parler de lui.

La commercialisation de l’IA générative a apporté son lot d’inquiétudes, notamment en matière d’atteintes aux droits fondamentaux.

Ainsi, une course à la règlementation de l’IA, dont l’issue pourrait réajuster certains rapports de force, fait rage. Parfois critiquée pour son ap... Poursuivre la lecture

Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles