Astérix et le Domaine des Dieux, analyse économique

Une lecture économique d’Astérix

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Astérix et le Domaine des Dieux, analyse économique

Publié le 29 octobre 2011
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Alors que tout le monde parle de Tintin, c’est aussi aujourd’hui l’anniversaire d’Astérix, dont Contrepoints vous propose une analyse économique.

Un article de Vox Thunae

Nous fêtons cette semaine (29 octobre) l’anniversaire d’Astérix, et donc d’Obélix, même s’il jouissait dans l’album de 1959 d’un rôle tout à fait secondaire.

Le point fort des Aventures d’Astérix le Gaulois est connu : la multitude des niveaux de lecture, permettant à chaque âge d’y trouver son bonheur. Mais l’âge ne fait pas tout, et l’agrégé de latin comprend certainement des références qui m’échappent.

La pertinence d’œuvres abordant maints sujets est toujours sujette à caution, et l’estimation la plus précise qu’on a de l’ensemble dérive souvent du traitement accordé au thème qu’on maîtrise le plus.

Aussi, je vous propose une revue des questions politiques, économiques et sociales abordées dans les albums originaux (dont le scénario est de Goscinny) : d’Astérix le Gaulois à Astérix chez les Belges. En espérant vous faire lire ou relire les albums cités.

 

L’économie dans Astérix (ou plus équitablement, dans Les Aventures d’Obélix)

Remarque préliminaire, cette revue nous portera davantage sur Obélix qu’Astérix. Le petit guerrier n’est en effet que raison et courage sans grands sentiments, tandis qu’Obélix déborde de passions : les sangliers toujours, les filles parfois, ou encore en d’autres occasions… l’argent.

L’entrepreneur Obélix – exploitant d’une fabrique de menhirs – fait part à plusieurs reprises de ses ambitions. Coquelus, fabricant de roues de Clermont-Ferrand lui inspire le songe d’un sommeil profond de capitaine d’industrie « en réunion ». Le néarque Saugrenus réveille plus tard cette âme d’homme d’affaires sérieux aspirant à la reconnaissance dans Obélix et Compagnie. J’y reviendrai dans un billet dédié.

Astérix dans la préfecture de Condate

Sur les 24 albums, les fonctionnaires sont sans doute les plus visés, Goscinny préparant ainsi nos petites têtes blondes à la bureaucratie étatique. Critique réelle ou flatterie d’un préjugé populaire, impossible de conclure tant Goscinny aime jouer de ces derniers.

Qu’Obélix doive envoyer ses menhirs en recommandé afin qu’ils ne se perdent pas dans le tri de la poste semble par exemple un petit clin d’œil innocent (Astérix et les Normands) ; en revanche, le scénariste insiste bien plus longuement sur les errements administratifs d’Astérix dans la préfecture de Condate et l’exaspération qui s’ensuit (Astérix Légionnaire). Un passage qui inspire le dessin animé les Douze travaux d’Astérix dans lequel la recherche d’un bordereau administratif se révèle la plus redoutable des missions herculéennes proposées.

À l’opposé de la critique facile (d’autres diront évidente) sur les fonctionnaires, ou la fainéantise des Corses – dont le Druide fait la sieste en attendant que tombe le gui (Astérix en Corse) – Goscinny fait des clins d’œil beaucoup plus subtils et cultivés. Pour un exemple économique, Le Cadeau de César, album dans lequel un vétéran de la légion se voit offrir par César un titre de propriété du village irréductible, rappelle un thème central des Bucoliques de Virgile, évoquant la distribution aux vétérans de la guerre civile de terres ayant déjà des propriétaires.

Je passe rapidement sur les coffres-forts de banques suisses (Astérix chez lez Helvètes) et les affres de la fiscalité et de l’exclusion (Astérix et le Chaudron) pour m’intéresser plus spécifiquement au Domaine des dieux…

 

Le Domaine des dieux (1971)

Le projet de César, Parly II aux portes du village gaulois

Une des inquiétudes qu’on peut avoir vis-à-vis de la compréhension de certains albums dérive de leur ancrage dans une actualité qui cesse d’être contemporaine.

Le Domaine des dieux, par exemple, suit de deux ans l’ouverture de Parly II près de Versailles. Cet ensemble adosse un des plus grands centres commerciaux de France à la plus grande (et sûrement une des plus aisées) copropriété résidentielle d’Europe.

On peut mettre en parallèle Le Domaine des dieux avec La Société de Consommation de Jean Baudrillard, parue en 1970.

Se référant parfois à Parly II, Baudrillard explique comment la « consommation » ne cherche pas à répondre aux besoins physiologiques, ni même à l’appétit excessif de plaisir, mais est un langage issu d’une combinaison de biens et de services choisis moins pour leur utilité pratique que leur signification sociale et leur aspect différenciant. Parly II est à l’époque le paradigme de cette société : ses résidents possèdent à la fois toutes les marques de la réussite sociale – piscine et court de tennis pour chaque groupe de résidences ; bibliothèques et centres culturels sur place – mais ont aussi tout loisir de se différencier entre eux via les grandes marques de mode et leurs élégantes boutiques d’un centre commercial de grande taille intégré au complexe.

Le Domaine des dieux symbolise parfaitement l’opposition entre cette société nouvelle et l’ancienne (celle du village). Au contraire de la nouvelle, où les « consommateurs » vivent dans un environnement artificiel composé d’objets « signifiants », les villageois sont cernés d’un environnement naturel, la forêt. Le projet romain vise d’ailleurs explicitement l’abattage des arbres. Autre opposition forte, l’économie du village est entièrement tournée vers l’utile et non le signifiant, sans d’ailleurs que cela induise la frugalité. Les mensurations d’Obélix sont un signe d’abondance, mais Obélix mange par passion, et non pour signaler son talent à la chasse.

Seule Bonemine manifeste de temps à autres des regrets vis-à-vis de son prestige social et, avec la femme d’Agecanonix, des pulsions de consommation, évoquant souvent Lutèce à ce titre. Le moment de tension de l’album est l’adaptation progressive des autres Gaulois au modèle consumériste, symbolisé par l’évolution des boutiques du village.

Avoir placé Parly II aux portes du village gaulois, symbole de la résistance aux évolutions du monde d’une vieille France amicale mais fière, illustre à merveille à la fois le clivage et l’attirance réciproque qu’entretiennent cette France rurale et traditionnelle et la société de consommation urbaine.


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