Indignés : pour la fin du capitalisme de copinage et un retour à la démocratie responsable

Le mouvement des indignés célèbre ses six mois aujourd’hui

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Indignés : pour la fin du capitalisme de copinage et un retour à la démocratie responsable

Publié le 15 octobre 2011
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À bien des égards le message des indignés est juste, pour peu qu’on ne fasse pas de confusions.

Par Emmanuel Martin
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

Les indignés de Madrid

Le mouvement des indignés, parti de Madrid au printemps dernier, célèbre ses six mois aujourd’hui samedi 15 octobre. Le mouvement fustige le capitalisme et prône un retour à la démocratie. À bien des égards ce message est juste, pour peu qu’on ne fasse pas de confusions.

Les effets de l’Euro

Avant toute chose, il faut sans doute rappeler que si l’Europe est dans la situation actuelle c’est aussi du fait des conditions de l’entrée dans l’Euro. Quand un Milton Friedman avertissait que la zone euro volerait en éclats à la première récession, les intellectuels et les eurocrates le ridiculisaient. Pourtant, une politique monétaire commune, c’est un taux d’intérêt commun (le taux d’intérêt directeur de la banque centrale étant un vestige de la planification centralisée). Ce taux « moyen » sur une zone aux performances économiques hétérogènes était une erreur manifeste : dans les pays où la croissance était faible (Allemagne, France) ce taux moyen était trop haut, étouffant d’autant la croissance ; dans les pays où la croissance était forte, pour des raisons démographiques (Irlande, Espagne), il était trop bas, générant des bulles de mal-investissement. Par ailleurs, la zone Euro a permis à des pays comme la Grèce de bénéficier de la signature Euro (= Allemagne) et donc d’emprunter à des taux avantageux. Pour mieux s’endetter. Et qui respectait Maastricht ?

Erreur de technocrate donc. Et les indignés devraient justement s’indigner de ce que les technocrates qui nous ont mis dans ce pétrin accaparent toujours davantage de pouvoir, au mépris de la démocratie. Les slovaques sont-ils contre le Fonds Européen de Stabilité Financière (sic) ? On trouvera un deal pour le leur imposer. La démocratie européenne c’est « faisons voter les gens jusqu’à ce qu’il disent oui à nos propositions de technocrates ». Comme pour le traité constitutionnel en Irlande – conception curieuse de la démocratie. Le FESF est en réalité une « solution » à la Ponzi à une échelle ahurissante, consistant à tenter de sortir d’une crise de la « dette pourrie » avec toujours plus de « dette pourrie ». Cela permet de sauver les emplois des banquiers irresponsables en passant la facture de leurs pertes aux contribuables et aux générations futures.

Capitalisme de copinage

De ce point de vue, les indignés, notamment devant Wall Street, ont raison de critiquer le capitalisme… de copinage. Mais pas le capitalisme au sens large : Steve Jobs et Bernard Madoff (ou Henry Paulson) ce n’est justement pas la même chose ! La confusion règne donc. Critiquer les sauvetages des banquiers est une chose, cracher sur n’importe quelle grosse entreprise en est une autre. La différence est justement la proximité des soi-disant capitalistes avec le politique, et la possibilité de faire socialiser les pertes de son entreprise. La fameuse revolving door entre banque et État doit donc être fermée : aux USA un Secrétaire au Trésor ne devrait plus avoir travaillé pour Goldman Sachs, en France un PDG de grande banque ne devrait plus avoir travaillé au Ministère des Finances ou du Budget.

Démocraties dysfonctionnelles

Les indignés s’insurgent également contre les plans d’austérité, suite à la crise des dettes souveraines. Ces plans d’austérité résultent directement de crises des finances publiques : d’abord liées à la baisse des rentrées fiscales du fait de la récession et donc de l’augmentation du chômage et des dépenses sociales après l’éclatement de bulles de mal-investissement dues à l’euro (comme en Espagne) ; liées ensuite à l’endettement généré par les dépenses inconsidérées décidées par les hommes politiques suite à l’accès à des taux avantageux (notamment en Grèce) ; mais plus généralement, traduisant une crise du modèle d’État Providence et administratif qui vit largement au-dessus de « nos » moyens : ne pouvant financer l’explosion des dépenses par l’impôt ou la planche à billet, il a été « décidé » que c’est la dette prendrait le relais (La France en est le parfait exemple).

Il est crucial de comprendre que les mécanismes de contrôle démocratique de la dépense publique ne fonctionnent plus depuis longtemps. Parlement fantoche avec des représentants cumulards et des organes de contrôle et d’évaluation émasculés (comme en France), politiciens qui redistribuent des privilèges au mépris de l’État de droit (comme en Grèce), décentralisation complexe sans autonomisation budgétaire et fiscale, favorisant la course aux votes par la dépense (comme en France encore), modèle social corporatiste de type Ancien régime (comme en Grèce ou en France) ou chaque corporation tire la couverture à soi en termes d’avantages – avec l’argent des autres, non paiement de l’impôt sur le revenu (fondement du lien « taxation-représentation ») par une partie significative de la population (de manière légale par une progressivité « pro-pauvres » ou par la fraude) ayant le sentiment que ce sont « les autres qui paient »… Le contrat démocratique est brisé.

Les indignés devraient ainsi affiner leur message : la fin du capitalisme de copinage et un retour à la démocratie responsable.

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  • Le mouvement des indignés fera-t-il tache d’huile ? Ce mouvement plutôt sympathique et spontané rassemble tous ceux et celles qui en ont marre de cette société injuste, génératrice de richesses exorbitantes d’un côté et d’une pauvreté impitoyable de l’autre. Ce mouvement se méfie des partis politiques et ne veut pas qu’ils s’affichent dans les rassemblements par des signes ostentatoires. Il est évident que la méfiance à l’égard du monde politique est grande, et que les indignés les mettent tous dans le même sac.
    Si les indignés ont peur d’être récupérés et ne veulent pas politiser le mouvement, ils prennent quand même le risque de servir de « faire valoir » aux partis de gouvernement lors des élections : ils seront récupérés d’une manière ou d’une autre. Ne pas vouloir politiser le mouvement est le plus sûr moyen de se faire manipuler, le plus sûr moyen de crier et de ne pas faire entendre sa voix !

  • D’ailleurs les indignés ont un site 15octobre.net , déposé par
    http://goo.gl/noJFt

    Registrant:
    Paulina Arcos
    866 United Nations Plaza
    Suite 516
    New York, New York 10017
    United States

  • C’est étonnant.
    Les bébés de S.Hessel trouvent caution chez certains économistes.
    J’apprends que le capitalisme ne peut faire ménage avec la démocratie, puisque les indignés en ont décidé ainsi.
    La notion de justice implique-t-elle que ceux qui gagnent de l’argent en prennant des risques ou grâce à leurs talents, compétences ou esprit d’entreprise doivent forcément être sanctionnés et punis pour que ceux qui ont le temps de s’indigner en ne faisant en fait rien puissent être récompensés de leur oisiveté vulgaire et insolente ?
    Certes, ce sont les technocrates keynésiens (et donc les politiques sociaux-démocrates qui les ont mis au pouvoir) qui sont les premiers responsables de la situation de misère existentielle de ces indignés, mais si ces indignés doivent s’en prendre à quelqu’un, qu’ils manifestent, insultent et cassent les commerces de leurs propres parents, qu’ils brûlent les voitures et saccagent les maisons de ceux qui les ont (non) éduqués et (non) formés, ces parents qui ont vécu sur leur dos en endettant leurs propres gosses, qui maintenant s’indignent façon Hessel. Qu’ils manifestent contre ceux qui n’ont pas su leur transmettre suffisamment de bagage ou qualités de vie pour qu’ils atteignent le même niveau que la génération d’avant.
    L’austérité des plans actuels ou à venir est la conséquence directe de l’opulence de leurs parents qui ont vécu au dessus de leurs moyens et qui ont choisi de mettre au pouvoir ceux qui ont permis ceci et ainsi miné leurs gosses.
    Le capitalisme n’est pas la cause, je cite l’auteur « Le mouvement fustige le capitalisme et prône un retour à la démocratie. »
    Le capitalisme n’est ni cause, ni conséquence, par contre il est la bouée de sauvetage.
    Pas d’indignés dans les pays pauvres, ils n’ont là-bas qu’une envie, et avec raison, c’est d’avoir la possibilité de pouvoir manger ou sinon venir éventuellement s’indigner avec ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche (les indignés dont l’auteur de l’article parle) et qui crachent maintenant dans la soupe.
    Les indignés ne son pas dignes.

    Je propose que nos indignés aillent vivre dans des pays vraiment pauvres et qu’ils échangent leur place avec des gens de ces pays qui ne demandent qu’à venir pour faire leurs preuves.

  • Leurs preuves ? dans le bizness ?

  • Les indignés est un mouvement pronantn le retour à l’état (comme si l’état avait jamais disparu!)

    Au lieu de se baser sur de telles inepties, ils feraient mieux de lire un vrai livre de société, expliquant ce qui fait qu’une société fontionne, je veux dire Atlas Shrugged, La Grève, maintenant qu’il a été traduit en français.

  • Il m’a semblé important de montrer que le message des indignés devait s’appliquer au capitalisme de copinage et à la démocratie keynésienne. Je n’ai pas soutenu que capitalisme et démocratie ne peuvent pas faire bon ménage. J’essaie de montrer au contraire quelle sont les conditions pour qu’ils le fassent. Je ne crois pas qu’il faille dénigrer totalement ce mouvement, même s’il est profondément gauchiste. Il est en fait l’opportunité d’expliquer à ces gens les désastres du capitalisme de copinage et de la démocratie sociale, deux rejetons du keynésianisme. Les libéraux ne devraient pas rater cette occasion à mon avis…

  • Il y a un paradoxe libéral – me semble t-il – dans la première partie qui traite de l’Euro.
    Affirmer que :
    Le taux « moyen » sur une zone aux performances économiques hétérogènes est une erreur : dans les pays où la croissance est faible (Allemagne, France) ce taux moyen est trop haut, étouffant d’autant la croissance ; dans les pays où la croissance est forte, pour des raisons démographiques (Irlande, Espagne), il est trop bas, générant des bulles de mal-investissement.
    N’est ce pas accepter implicitement que des Etats-nations puissent « piloter » l’économie en imposant des taux d’intérêt ?

    J’ai beaucoup de mal avec cette théorie.

    Tout comme avec les monnaies métalliques d’ailleurs….

  • Vous avez raison, je n’ai pas traité de cet aspect. En fait c’est le même problème au niveau national avec une monnaie nationale. Je pense que les banquiers devraient déterminer le taux d’intérêt en fonction du marché, au niveau local. Mais la concurrence monétaire nécessite des règles de responsabilité très fortes.
    Cependant, au niveau national, un budget commun permet de compenser ces effets par la redistribution, ce qui n’est pas le cas au niveau européen.

  • moi je trouve cettte approche qui essaye de comprendre très intéréssante. Même si on a quand même l’impression que les bases du mouvements sont profondémment anti libéral: notamment dans la croyance implicite que sans l’état l’individu n’existe pas…

  • j’aime bien cet article.le capitalisme n’est pas compatible avec la pseudo démocratie actuelle.comme on n’arrive pas a restaurer la democratie,on pense plus simple de changer de regime economique

  • les faits

    JAMAIS LE MONDE N’A ETE AUSSI RICHE ET EFFICACE

    courbe de l’évolution des ricesses INVENTION PRODUCTION mondiales
    courbe de l’évolution des richesses des 5% les plus riches
    courbe de l’évolution des richesses des 95% restant
    courbe de l’évolution de ce % entre 5% riches et les 95% restants

    JAMAIS LE MONDE N’A RESSENTI AUTANT D’INJUSTICE.

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