Foreclosure Gate: plainte de l’État fédéral contre 17 banques

17 banques sont accusées d’avoir vendues aux deux entreprises de refinancement, Fannie Mae et Freddie Mac, pour 196 milliards de titres frauduleux

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Foreclosure Gate: plainte de l’État fédéral contre 17 banques

Publié le 26 septembre 2011
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Le vendredi 2 septembre, alors que le secteur financier avait déjà été fort malmené par les événements du mois d’août, l’administration américaine a provoqué un nouveau vent de panique sur les titres bancaires en annonçant avoir porté plainte contre 17 Banques, qui sont soupçonnées, lors des années bulle, d’avoir vendu des obligations de fonds hypothécaires adossées à des emprunts immobiliers en mentant sur la qualité réelle des prêts contenus dans ces fonds.

Par Vincent Bénard

Foreclosure aux Etats-UnisMême si les banques européennes retiennent l’essentiel de l’attention médiatique en raison de la crise des dettes souveraines, le secteur financier américain n’est pas exempt de remous. Durant les mois d’Août puis de septembre, le Foreclosure Gate a connu quelques rebondissements.

Le principal d’entre eux (il y en a eu pas mal d’autres, dont certains favorables aux banques, d’ailleurs – pour un autre billet), est la plainte de la FHFA, agence régulatrice fédérale des deux entreprises (« Government Sponsored Enterprises », ou GSE) de refinancement du crédit immobilier, Fannie Mae et Freddie Mac, contre 17 banques accusées d’avoir vendues aux deux entreprises de refinancement pour 196 milliards de titres frauduleux pendant les années bulle.

La plainte de la FHFA en 12 points clé

Je livre une analyse longue de cette plainte sur le site de l’institut Turgot, analyse qui laisse encore pas mal de zones d’ombre à ce stade. En voici les grandes lignes :

1. La plainte, communiquée au public le 2 septembre 2011, résulte de 64 commissions rogatoires lancées il y a un an par la FHFA, et dont je développais les motifs dans mon livre (voir notes en fin d’article). Elle a été déposée la veille de la date limite pour le faire, selon le droit américain. Chaque banque fait l’objet d’un descriptif séparé des griefs, sur 60 à 280 pages par établissement. Y sont détaillés, pour chaque fonds hypothécaire dont Fannie Mae ou Freddie Mac ont acheté des titres, les accusations portées par la FHFA.

2. Ces griefs sont simples : les banques sont accusées d’avoir menti sur la qualité moyenne des prêts figurant dans chaque fonds hypothécaire, usurpant ainsi leur notation AAA. Elles ont ainsi sous-estimé le pourcentage de prêts à des emprunteurs mal notés, sous-estimé le ratio moyen « Loan to Value » des prêts octroyés, et menti sur la qualité des vérifications qu’elles prétendaient faire sur lesdits prêts.

3. La défense des banques incriminées est assez surréaliste et pour tout dire pitoyable : « les acheteurs étaient des professionnels, donc nous avions le droit de les tromper ». Peu d’analystes croient que l’argument séduira les juges !

4. Créée au lendemain de la crise « Lehman », la FHFA a un statut de régulateur indépendant qui empêche absolument l’administration Obama-Geithner d’y faire obstacle.

5. Sur les 17 banques, 7 ont leur siège hors des USA. Royal Bank of Scotland est la banque non américaine la plus fortement exposée en montant de dommages potentiels. Notons la présence de la société générale, mais pour un montant d’exposition « gérable » (1,4 milliards de $ de titres, avant dernière banque attaquée en terme de montant).

6. La FHFA demande des dommages « punitifs » (qui, en droit américain, s’ajoutent aux dommages réels) pour 8 des 17 banques exposées. Société Générale n’en fait pas partie.

7. À noter que suite aux fusions et acquisitions survenues en 2008, les 17 banques poursuivies n’en sont plus en fait que 15, Bank of America (BAC) ayant absorbé Countrywide et Merill Lynch. De fait, BAC est la banque la plus exposée, avec 57 milliards de titres condamnables, et deux demandes de dommages punitifs particulièrement virulentes concernant Countrywide et Merill.

8. Les deux autres banques les plus exposées, avec demandes de dommages punitifs, sont JP Morgan ($33Mds) et Deutsche Bank ($14Mds)

9. Il est impossible d’estimer réellement ce que risquent les banques en terme de condamnation à ce jour. Certains médias ont annoncé que les banques risquaient 196 milliards de dollars d’amende. C’est de l’incompétence pure. 196 milliards est la valeur faciale des titres achetés par les deux GSE. Seules les pertes directement liées aux fraudes, et pas celles liées à la crise générale, seront imputables par les juges, s’ils donnent suite à la FHFA.

10. Il est à noter que dans une « méga » class action similaire menée par des investisseurs privés contre BAC (à cause de Countrywide), des estimations conservatrices font état de 22 à 30 milliards de risque judiciaire sur 464 milliards de titres frauduleux, soit 5% de la valeur des titres vendus au minimum. Toutefois, ces investisseurs privés n’ayant pas le pouvoir de lancer des commissions rogatoires, il est probable que les pourcentages recouvrables soient plus élevés dans le cas de la plainte de la FHFA, surtout si les juges retiennent des dommages punitifs élevés.

11. Les conséquences de la plainte pourraient aller au-delà de cette seule procédure judiciaire. En effet, les éléments découverts au cours d’une instruction peuvent impacter les décisions des parties prenantes dans d’autres actions. Et si l’analyse des griefs de la FHFA contre les banques rend public des éléments jusque-là ignorés, alors les plaignants des autres class actions en cours pourraient durcir leurs positions.

12. En tout état de cause, il faut s’attendre à une véritable guerre de tranchées juridique et politique des banques attaquées contre la FHFA. La procédure risque donc d’être longue et de ne pas produire de gros titres avant plusieurs mois.

Sur le web

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Lire également :
La version longue de cette analyse sur le site de l’institut Turgot

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Sources pour cet article :
Les plaintes de la FHFA contre 17 banques
Le résumé par Bloomberg
10 questions over FHFA Lawsuit (WSJ)
La note de contexte par David Dayen (avocat, proche des démocrates)
Interview du sénateur Brad Miller (R, Tea Party)
Janet Tavakoli, « Fraud as a business model » (Huff Post)
Cato Institute, Mark Calabria : »Fannie, Freddie and the subprime Mortgage Market »
New York Times, octobre 2008 : Pressured to take more risk, Fannie reached the tipping point
Extensive Fraud found at Fannie Mae (2006)
EconBrowser : Fannie Mae and Freddie Mac (2008)

Articles de l’auteur (récents) :

sur le site de l’Institut Turgot – l’AGEFI
L’économie financière de la Fraude généralisée

sur Objectif Eco
Bank of America pourra-t-elle solder les comptes du Foreclosure Gate ?
L’ÉtatUS veut forcer les banques à assainir ses bilans des « secondes hypothèques »
Que vaut la comptabilité des grandes banques US ?
Banques US : récapitulation des risques (fin 2010)
Banques US : état des lieux

Articles de l’auteur (plus anciens) :
Comment l’État fédéral US a sapé les fondations du marché du crédit immobilier
Dossiers « crise financière » et « foreclosure gate » sur le blog de l’auteur

Le livre de l’Auteur :
Vincent Bénard, Foreclosure gate : les gangs de Wall Street contre l’État US, Édouard Valys Editions, 2011.

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