Vers un chômage permanent

Les crises augmentent le chômage, tandis que les reprises ne le résorbent jamais complètement. Que faire ?

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Vers un chômage permanent

Publié le 10 septembre 2011
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Les crises augmentent le chômage, tandis que les reprises ne le résorbent jamais complètement. Que faire ?

Par Guy Sorman, depuis Montréal, Québec

Dans toutes les démocraties, le taux de chômage détermine désormais le succès ou non d’une politique et l’issue des élections. Ce qui a conduit, entre autres, Barack Obama à annoncer des mesures d’urgence, dont il espère des résultats immédiats. Hélas ! le chômage ne répond pas aux injonctions politiques. Pire, on décèle une tendance de long terme dans les économies modernes, vers l’exclusion permanente de 10% des demandeurs d’emploi : les États-Unis, à cet égard, ne font que rejoindre l’Europe.

Si l’on trace une courbe de la croissance sur ces trente dernières années et, en parallèle, une courbe de chômage, on constate que les crises augmentent le chômage, mais que les reprises ne le résorbent jamais complètement : les entreprises en récession procèdent à des gains de productivité qui leur évitent de recruter à l’identique quand la conjoncture s’améliore. Les récessions génèrent donc du chômage définitif, mais le progrès technique aussi en améliorant la productivité. La mondialisation contribue à cette tendance lourde : les emplois délocalisés ne reviendront jamais.

En principe, ces emplois disparus seront remplacés par des nouveaux, plus complexes. Cette « destruction créatrice » vertueuse supposerait une main-d’œuvre qualifiée pour de nouveaux métiers ; mais l’innovation accélérant plus vite que l’éducation, le décalage nuit aux moins éduqués qui se retrouvent, partout, les moins employés. Pour s’en tenir à la théorie classique, il suffirait alors que les rémunérations  baissent pour que l’offre d’emploi s’ajuste à la demande ; mais cela devient faux quand les normes dominantes de nos sociétés excluent la flexibilité des salaires. Les rares pays qui, même en temps de crise, échappent au chômage (mais de moins en moins) sont ceux où les salaires sont flexibles par consentement comme en Corée du Sud ou au Japon, où les bonus sont supprimés et où, pour des raisons morales et légales, on ne licencie personne. En Occident, les valeurs collectives sont inverses de l’Asie et le licenciement l’emporte sur le partage des salaires. Il s’y ajoute, dans  les économies occidentales, contribuant à la tendance vers le chômage permanent, l’organisation des entreprises et des marchés en citadelles imprenables, en recourant à des verrouillages syndicaux ou environnementaux : ceux qui ont un emploi le gardent et ceux qui n’en ont pas voient se réduire leurs chances d’en trouver un. Les plus jeunes sont les premières victimes de ces stratégies d’exclusion.

Décrire les causes d’exclusion du marché du travail est plus aisé que de préconiser des solutions. Au moins sait-on ce qui est sans effet : la relance publique. Celle-ci, dans le court terme, peut générer des emplois (politique de grands travaux de Roosevelt et Obama), mais temporaires ; dans un délai de 18 mois à trois ans, il en résulte toujours une dette publique qui mène à la déflation par l’augmentation des impôts ou la baisse des dépenses. Les aides fiscales à l’emploi obéissent à la même logique. Ce que les savants appellent le « multiplicateur keynésien », à l’expérience, n’existe pas : la dette ne crée jamais que du déficit et prive les entreprises de ressources pour la création d’emplois futurs.

Si l’on admet cette hypothèse d’un chômage de long terme, il me semble que l’on devrait sortir des raisonnements classiques, libéraux ou interventionnistes, pour développer un troisième secteur non marchand. Il existe déjà une économie du don, du partage, non profitable : mais ce secteur reste modeste dans les pays modernes, alors qu’il pourrait attirer des capitaux plus considérables (Fondations, dons) et recruter pour des secteurs porteurs comme la santé publique, la culture, la solidarité entre les générations, entres riches et pauvres dans les nations et entre les nations. Encourager ce troisième secteur, par des mesures publiques (fiscales entre autres) autant que par le civisme, ne serait pas un substitut aux politiques classiques (le libre échange, la stabilité monétaire, un marché du travail flexible, une concurrence vraie, des dépenses publiques modestes concourent à la croissance et à l’emploi), mais ce serait un début de réflexion sur le fait inédit et peu reconnu du chômage permanent.

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  • Cette thèse est un tas de sable. « Economie du don » est un oxymore qui nie la réalité indépassable qu’on ne peut échanger que ce qu’on a produit préalablement et qui présente le vice terrible de reléguer définitivement les bénéficiaires du don à un statut social inférieur. L’économie du don, c’est le retour insupportable à la société aristocratique.

    Quand on ne sait plus, il faut revenir aux fondamentaux : sans offre préalable, pas d’économie. Ce n’est pas l’innovation qui crée le chômage, encore moins les délocalisations, c’est l’accroissement sans fin des Etats providentiels dans tous les pays occidentaux, à quelques exceptions près qui démontrent strictement l’inverse de la thèse de l’auteur.

    Le chômage de masse est strictement proportionnel au niveau d’intervention des Etats dans l’économie, et selon un rapport exponentiel en plus. Tout le reste est faribole.

  • Économie du don, du partage, non profitable?? Donc votre troisième voie c’est proposer et encourager un peu plus de collectivisme-interventionniste pour sortir de la crise?? Puff…

  • Et moi qui pensait que le chômage structurel était voulu et nécessaire à la bonne marche d’un capitalisme basé sur la spéculation, le monopole et l’exploitation des personnes (par la peur de tomber dans ce même chômage)…

    Naïf que je suis…

  • ça alors ! Et moi qui lit gratuitement les articles publiés ici ! Je suis donc réduit à un statut social inférieur par un groupe d’insupportables aristocrates.

  • « Les récessions génèrent donc du chômage définitif, => mais le progrès technique aussi en améliorant la productivité. »

    Allons bon. J. Schumpeter avait donc tort !

  • Pour créer de l’emploi il ne faut pas alléger les charges des entreprises, qui ne sont d’ailleurs que des cotisations sociales, mais au contraire instaurer un impôt sur les sociétés indexé sur le nombre de chômeurs. Plus le nombre de chômeurs augmente, plus l’impôt augmente, le nombre de chômeurs diminue, l’impôt diminue et si le chômage disparaît, l’impôt disparaît ! Il faut que le MEDEF et le patronat n’ait aucun intérêt à ce qu’il y ait du chômage.

    • S’il y a pénurie de main d’oeuvre, faudra créer un impôt pour obliger les entreprises à licencier ?

    • Excellente Idée!!
      Faisons de même avec nos politiciens, un impôt dédié qui est proportionnel au déficit et à la dette en fin du mandat. comme ça, on va forcément trouver une solution à ces problèmes de dettes.

      j’oserai même rajouter une contribution (si joli mot de la novlangue pour taxe) concernant le nombre de taxes et impôts, plus il existe de taxes et d’impôts plus la contribution de nos élus est élevées. il s’agirait de dé-complexifier notre système d’imposition.

      Par contre, pour votre proposition si « Socialiste-Proof » (un problème -> une taxe), comme déterminer qui paye quoi? parce qui seul le nombre de chômeurs est pris en compte (genre .01€ par chômeur), ça fait pas loin de 20 K€ par entreprise (je suis sûr que votre boulanger va aimer…) Et ainsi, le nombre de chômeur va encore augmenter.
      Bah, oui, je peux pas en tant que simple artisan payer 20 K€ cash comme ça, donc je met la clé sous la porte et je vais pointer ou ça? au chômage, pardi!!! et hop un chômeur de plus, donc la contribution augmente et… bah mince alors, le chômage ne diminue pas, c’est pas top cool, ça!! ( ceci dit, c’est ce qu’on appelle la rencontre avec le mur de la réalité, et parfois ça fait gros bobo…)

      sur ce, je vous souhaite une prompt rétablissement et une bonne journée,

      Crucol

  • Concernant l’article, je trouve que cette « économie du don », en plus d’être un oxymore, est un autre nom pour innovation et création, puisque l’auteur souhaite créer un nouveau secteur d’économie, ce qui s’est déjà produit (l’informatique est récent, l’internet aussi, …) et se produira sûrement à l’avenir sans avoir besoin de l’appeler de ses vœux (il suffit simplement de lui laisser la possibilité de se développer, ce qui n’est pas le cas en ce moment).

  • Pour info, internet fonctionne grace à une économie du don… Linux, Apache, iptables, etc. La grande majorité des logiciels utilisés sont offerts à tous malgré les milliers d’heures de travail qu’ils ont demandé.

    Quand à l’histoire de la dette, franchement, quand on est obligé d’emprunter aux banques privée (avec intérêts) quand on a besoin de monnaie, faut pas s’étonner qu’elle augmente. Elle ne peut pas diminuer, c’est mathématiquement impossible.

    • « Elle ne peut pas diminuer, c’est mathématiquement impossible. »
      Zut. Il y a des douzaines de pays qui l’ont fait diminuer (Canada, Belgique, …) . Ils sont donc en infraction mathématique.

      • Je ne suis pas au courant de l’évolution de la dette pour ces pays (ni pour les autres d’ailleurs, j’avoue), mais je vois trois possibilités :
        – soit ils ont transféré leur dette vers d’autres pays (en exportant)
        – soit ils l’ont annulée unilatéralement
        – soit ils ne sont pas obligés d’emprunter leur monnaie.

        • Eh bien renseigne-toi un peu et évite de dire des bêtises. Rembourser sa dette, c’est possible. Il faut couper les dépenses. Exemples types : Belgique (zone Euro), Canada, NZ, … Ils ne l’ont pas annulée et n’ont pas noyé leur monnaie. Quant à « exporter sa dette », ça ne veut rien dire.

  • Les commentaires sont fermés.

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