James Tobin n’a jamais soutenu la taxe Tobin !

La taxe sur les transactions financières est inutile, dangereuse et ne ferait qu’aggraver la situation, comme Tobin lui-même l’a dit!

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James Tobin

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James Tobin n’a jamais soutenu la taxe Tobin !

Publié le 1 septembre 2011
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Par Jean-Yves Naudet

Nous revenons dans cet article sur un serpent de mer, potion magique pour les hommes politiques français de tous bords : la taxe sur les transactions financières. La « taxe Tobin » figure en bonne place dans l’accord Merkel-Sarkozy, et la référence à un prix Nobel suggère qu’elle aurait une base scientifique. Il n’en est rien : cette taxe est inutile, dangereuse et ne ferait qu’aggraver la situation…comme Tobin lui-même l’a dit !

Un keynésien bon teint, dont l’idée est récupérée par les altermondialistes

James Tobin est un économiste américain mort en 2002, représentatif du « main stream » keynésien, dominant chez les économistes politiquement corrects. Conseiller du président Kennedy, professeur à l’université de Yale, il défendait un interventionnisme « modéré » et était considéré comme un adversaire honorable par les libéraux, comme en témoigne son échange avec Jacques Rueff en 1948 sur les erreurs de la théorie générale de Keynes. Sa notoriété dans le grand public est venue non seulement de son prix Nobel d’économie reçu en 1981, mais surtout de sa proposition de taxer les transactions monétaires internationales.

On ne peut comprendre sa proposition que si l’on se souvient qu’elle a été formulée en 1972, au moment de la mort du système de Bretton Woods, juste après la décision du Président Nixon de suspendre la convertibilité en or du dollar (15 août 1971). L’idée en était simple : en renonçant à un système monétaire international reposant sur des parités fixes par rapport au dollar, lui-même en parité fixe avec l’or, on donnait toute liberté aux opérateurs sur le marché des changes, et les taux de change seraient désormais variables chaque jour en fonction de l’offre et de la demande mondiales pour les diverses devises. Cette nouvelle liberté effrayait les autorités politiques, et stimulait l’imagination des partisans d’une réglementation : on devait glisser des « grains de sable » dans les engrenages financiers mondiaux, pour réduire les mouvements spéculatifs à court terme. Tobin, acquis à la logique régulatrice pour maîtriser les « méchants spéculateurs irresponsables », va donc proposer une taxe sur les transactions financières. Mais sa proposition n’a pas été retenue.

Donc, on n’en aurait guère parlé si les antimondialistes, convertis en altermondialistes, ne s’étaient emparés de l’idée de Tobin pour en faire le symbole de leur lutte contre « la mondialisation ultralibérale » : ATTAC et José Bové en ont fait l’un des symboles de leur combat anticapitaliste. Freiner les mouvements de capitaux n’est qu’un prétexte pour freiner, puis supprimer, les échanges de biens et services d’un bout à l’autre de la planète.

La classe politique française en pointe dans la récupération de la Taxe Tobin

James Tobin n’a jamais accepté cette récupération, car sa proposition, certes absurde, s’arrêtait là, et avait été formulée dans le contexte de la dislocation des changes fixes. Il a condamné publiquement l’utilisation faite de son nom : « On détourne mon nom ». « Je suis économiste, et, comme la plupart des économistes, je défends le libre-échange ». Il a paru effaré par ce détournement marxiste. On peut lui reprocher sa naïveté, très répandue chez les économistes politiquement corrects, qui préconisent un interventionnisme modéré. Ce que Tobin, comme de nombreux keynésiens, n’a pas vu, c’est qu’un interventionnisme modéré n’existe pas : de fil en aiguille, toute proposition régulatrice aboutit à un étatisme généralisé, car il n’y a pas de tiers-système : l’économie est libre ou elle ne l’est pas.

Pourtant cette proposition a fasciné toute la classe politique française, tous les présidents successifs, de droite comme de gauche. Jacques Chirac y tenait beaucoup et en a fait adopter une version soft et un peu différente en 2006, au moyen d’une taxe sur les billets d’avion, adoptée sur une base « volontaire » par 27 États, France en tête. Ce faisant, comme le souhaitaient les altermondialistes, il a fait passer le système d’une taxe « grain de sable » pour freiner les mouvements de capitaux, élément technique certes discutable, vers une taxe « Robin des bois », c’est-à-dire un impôt de plus, dont le but, en dépouillant et pénalisant « les riches », était de trouver des « financements innovants » (terme pudique pour dire de nouvelles bases fiscales), en l’occurrence pour l’aide publique au développement.

L’idée a fait son chemin et le dernier épisode a donc été l’accord entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy mi-août. « C’est une priorité pour nous » a virilement déclaré le Président français. À un détail près : ce n’est pour l’instant qu’une proposition à soumettre aux membres de la zone euro, et même aux 27. C’est dire qu’elle n’est pas près d’être adoptée, certains pays, comme l’Angleterre, étant hostiles au principe même. Cette hostilité pourra d’ailleurs grandir, car un tel impôt gonflerait le budget dont dispose la commission et constituerait une nouvelle étape vers l’intégration européenne – dont beaucoup ne veulent pas.

Taxe Tobin, impôt nouveau ou grain de sable ?

À n’en pas douter, la taxe proposée est un nouvel impôt, destiné à financer de nouvelles dépenses. Les résultats se chiffreraient en dizaines, voire centaines de milliards. Il n’y a que les hommes politiques pour imaginer que ce dont l’Europe manque aujourd’hui, c’est d’impôts et de dépenses publiques. Quand on connaît l’inefficacité de l’aide publique au développement, il y a une malhonnêteté à faire croire que ces « financements innovants » soient une bonne action. Ce dont les pays pauvres ont besoin, c’est de liberté du commerce international, et des mouvements de capitaux qui l’accompagnent. Par contraste l’aide publique est gaspillée, détournée.

Au demeurant quelles sont les chances d’une mise en place d’une telle taxe ? Une taxe Tobin franco-allemande, ou de la zone euro, voire des 27 n’a aucun sens si elle n’est pas adoptée à l’unanimité dans tous les pays du monde. Sinon, il y aura une conséquence pratique immédiate : les capitaux fuiront les pays taxés pour aller vers les non-taxés. Veut-on fragiliser les bourses de Paris ou Francfort ? Le ministre allemand de l’économie (libéral, FDP) a précisé que son parti ne soutiendrait la démarche que si les 27 l’adoptaient sans exception. C’est dire que la taxe est mort-née. Quant aux États-Unis, n’en parlons pas. Faut-il s’étonner que les pays qui ont les deux places financières les plus importantes (New-York et Londres) soient hostiles à la mondialisation de cette taxe ?

L’État première cause de spéculation

Les partisans de la taxe affirment leur intention de lutter contre la spéculation. Mais tout est spéculation en économie, puisque tout est incertitude, même les échanges commerciaux. Nous sommes tous des spéculateurs, quand nous investissons ici ou là ou quand nous achetons tout de suite de peur que ce soit plus cher demain ! Spéculer, c’est intégrer l’incertitude et le temps.

La vérité, c’est que les incertitudes majeures aujourd’hui proviennent de l’État. Si les marchés ont une telle volatilité, c’est que les États ne cessent de perturber la vie économique à travers l’instabilité des réglementations (et en particulier de la réglementation fiscale), à travers les variations arbitraires de taux d’intérêt, à travers leur endettement, à travers les freins à la croissance que représentent les dépenses publiques, etc.

La spéculation est la meilleure façon de se prémunir contre la volatilité. Les anticipations sur les changes, les marchés à terme, les transactions financières permettent de gérer au mieux l’incertitude. Cependant, face à l’incertitude irrationnelle des décisions politiques, il n’y a rien à faire, aucun marché à terme ne peut protéger contre les bêtises gouvernementales. Ce n’est pas d’une taxe dont les marchés ont besoin pour retrouver une sérénité; c’est de la fin des interventions étatiques perturbatrices.

Enfin et non le moindre, la taxe Tobin a un inconvénient majeur : comme toute taxe, elle est supportée par l’utilisateur final. Ces milliards qu’on nous promet, qui en supporterait la charge, sinon le client, emprunteur, épargnant, ou consommateur ? Ou encore les banques, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec les titres publics pourris qu’elles ont en portefeuille, elles n’ont pas besoin d‘être fragilisées par une taxe supplémentaire.

En quoi accroître les coûts de transaction diminuerait-il la volatilité ? Les marchés immobiliers, avec des coûts élevés, prouvent le contraire. En fait, une taxe Tobin réduirait la liquidité des marchés financiers, accroissant leur volatilité. Les tenants de la taxe Tobin ne sont en outre d’accord sur rien : que taxer ? Qui gérera les fonds collectés ? Au profit de qui ? On est en pleine utopie et Tobin, déjà effaré de son temps par ce que les politiciens avaient fait de sa suggestion, serait aujourd’hui le premier à crier : arrêtez le massacre.

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