Fichons les fichus allocataires

Les réactions au projet de fichier des allocataires éclairent parfaitement la nullité de nos édiles.

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Fichons les fichus allocataires

Publié le 9 août 2011
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Fichons les fichus allocataires

Bon, pendant que le monde s’écroule, ne perdons pas de vue qu’il va y avoir des élections en 2012. Et pour occuper les gens, rien de tel qu’un bon débat un peu faisandé. Et comme il est temps d’avancer bruyamment vers la société du fichier universel, Thierry Mariani et Xavier Bertrand se sont courageusement proposés pour mettre en place une idée liberticide de plus. Youpi.

Décrivons rapidement l’idée de base.

Il s’agit pour les Laurel et Hardy du gouvernement de mettre en place un fichier unique des allocataires sociaux. Le but affiché est clair puisqu’il s’agit de lutter contre les fraudes sociales.

Selon les propos de Stan (ou Oliver, peu importe), « On pourra éviter les doublons et on s’apercevra des incohérences de versement ».

Voilà. C’est tout.

Et là, pour nos politiciens en mode Panique Absolue à cause d’une crise financière à laquelle ils ne captent absolument rien, c’est une planche de salut version Yacht de 60m avec piscine et héliport : tous se jettent sur le sujet avec l’énergie du désespoir. Il faut absolument faire oublier l’absence sidérale de toute proposition concrète, réaliste et argumentée pour sortir le pays des abysses putrides dans lesquels il s’enfonce.

Dès lors, c’est la fête du caleçon.

Mais avant de repasser les images au ralenti et mettre un nom sur les têtes cachées dans des slips kangourous taille 50, une question me tarabuste.

Xavier Bertrand - photo garantie sans trucagesSi le gouvernement envisage de mettre en place un tel fichier, c’est pour, finalement, savoir qui paye ces allocations, et qui les reçoit. Ce qui sous-entend logiquement que sans ce fichier, l’État ne sait pas répondre à ces questions, ou de façon si approximative que le coût de mise en place d’un tel système devient négligeable devant le flou des chiffres considérés.

Ce constat sur la gestion de l’argent public est tout à fait rassurant.

Du reste, si une entreprise, même multinationale, tenait ses propres comptes avec autant de rigueur, elle serait probablement en faillite.

Heureusement que ce n’est pas le cas de l’État fra… Hum. Bon. Bref.

Oublions cette remarque et revenons sur notre petit film où des douzaines de politiciens se montent le bourrichon et se chamaillent pour qui prendra le gros micro mou afin d’y dégoiser les plus énormes bêtises.

En première analyse, nous avons donc le désir légitime pour Xavier et Thierry de sécuriser les comptes de la nation se faire sauvagement mousser sur un dossier tout acquis à leur électorat : la traque des méchants fraudeurs. En France, pays de la saine délation et des courageux corbeaux, en appeler à un resserrement des mailles du filet, c’est toujours bien vu.

Eh bien en fait non.

Même dans les rangs de la majorité, on découvre des ronchonnements et des bruits de groin mécontentement. Ainsi, Hervé Morin, l’œil encore légèrement humide à la possibilité pourtant microscopique de concourir à la présidence d’un pays futur BBB-, n’a-t-il pas pu retenir son haut-le-cœur en entendant pareille idée :

« ficher les plus pauvres à des fins électoralistes ne saurait être une réponse à la détresse de millions de personnes honnêtes qui aspirent avant tout à sortir de la spirale de l’exclusion »

Aucun journaliste ne lui a demandé pourquoi, lorsqu’on parle fraude, Morin pense forcément aux plus pauvres. C’est un tantinet de la discrimination, ça, mon bon monsieur. Il y a aussi des riches qui fraudent, hein (et, bizarrement, plein dans les politiciens). Aucun journaliste ne lui a demandé en quoi le fait de ficher des gens (honnêtes a priori) les empêcherait de sortir de la spirale de l’exclusion.

D’une part, soyons logique : si on fait un fichier et qu’on n’y met pas les pauvres, on les exclut. C’est très vilain. Mais d’autre part et foin d’humour noir, même si je suis contre le fichage des gens, pauvres ou riches, ce n’est certainement pas sur cette absence d’argument que je base ma réflexion. On aurait souhaité que Morin fut un peu titillé par quelque courageux journaliste afin qu’il éclaire son cheminement intellectuel.

(En pratique, il aurait surtout éclairé la ruelle sombre et humide de ses visées politico-politiciennes sans l’ombre d’un début de commencement d’argument solide contre le fichage au-delà du « c’est mal » parfaitement calculé).

Evidemment, si on regarde du côté de l’opposition, on trouve… de l’opposition qui s’oppose. Vigoureusement. Lepage considère qu’un tel fichage est un affront à l’honnêteté des allocataires. Le « résonnement »* est le même chez les paléo-communistes : un tel fichage, c’est une suspicion d’escroquerie de fait, scrogneugneu. Hamon, qui n’a pas fait ses devoirs, juge le fichage asymétrique en ce qu’il oublie les patrons. L’idée du fichage, en elle-même, ne semble pas le défriser outre mesure.

Socialisme

On pourrait passer en revue les réactions, mais elles sont toutes du même tonneau.

En réalité, il s’agit ici d’un nouveau coup médiatique des néo-communistes de Droite au dépens des paléo-socialistes de Gauche, un peu comme le fut le coup de la Règle d’Or sarkozyste la semaine dernière. L’absence totale de programme ou de direction claire du Parti Officiellement Socialiste permet à la majorité, de ce point de vue, de marquer des points.

De même qu’on voit mal un député s’opposer vertement à un budget équilibré ou une bonne tenue des comptes de la nation, on imagine aussi mal des dirigeants politiques déclarer que tout contrôle des dépenses publiques d’aides sociales est un scandale et qu’il faut gratifier tous les citoyens d’un bonus d’honnêteté a priori. Enfin, si, on voit très bien, mais pas très longtemps.

Du reste, personne ne s’étonne que les entreprises entretiennent des registres (comptables, financiers, marketing) leur permettant de savoir précisément à qui elles versent de l’argent et à qui elles en prennent.

En fait, le seul argument réellement d’importance contre un tel fichage est qu’il n’est pas, ici, du fait d’une entreprise privée mais de l’État.

Certes, ce dernier, à partir de ce fichier, peut tenter de réparer les énormes boulettes qu’il fait ou laisse faire dans son incurie. Ça foirera sur le long terme, mais ce sera toujours un petit mieux dans sa gestion, le temps moyen.

Mais plus probablement, ce nouveau fichier sera, le jour venu, une nouvelle source de croisements de données contre le citoyen (et non plus en sa faveur). Ce nouveau fichier sera une nouvelle occasion pour les gens de pouvoir d’oppresser un peu plus les clients des piètres prestations que leur offre le système collectiviste en décrépitude.

Les réactions des opposants, molles et à côté de la plaque, s’expliquent en réalité parce que ces derniers ont, finalement, tout intérêt à ce que de tels fichiers apparaissent et fleurissent.

Combien de socialistes ont demandé et voté l’abrogation des centaines de fichiers policiers et autres que le pays compte ? Combien de ces beaux penseurs, de la majorité ou de l’opposition, se sont fendus d’un vote d’opposition lorsqu’il était temps ou d’abrogation lorsqu’ils le pouvaient ?

De même qu’HADOPI, EDWIGE et tant d’autres survivraient à un changement de majorité, ce nouveau fichier perdurera.
—-
(*) Oui, la faute est voulue.
—-
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