Les fadaises de la désindustrialisation

Le phénomène de désindustrialisation est un mythe, utilisé à tort comme argument protectionniste

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Les fadaises de la désindustrialisation

Publié le 9 août 2011
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Dans ce nouvel article consacré à la désindustrialisation, thème qui lui est cher, Georges Kaplan traite de la réalité – ou plutôt l’absence de réalité – de ce phénomène, utilisé à tort comme argument protectionniste.

Par Georges Kaplan

Sur Atlantico.fr, Robin Rivaton attribue la fameuse « désindustrialisation » aux délocalisations et donc à la mondialisation. Un petit détour par les faits s’impose.

Selon les chiffres de l’Insee, le poids de notre industrie manufacturière [1] est passé de 18 % du PIB en 1970 à 8 % en 2010. En 1970, ce secteur de notre économie employait environ 4,4 millions de personnes ; en 2010, ce chiffre est tombé à 2,3 millions – soit une chute de 48 %. Voici donc pour les observations qui font penser et dire à certains que la liberté des échanges internationaux détruit notre industrie.

Voici quelques faits complémentaires.

De 1970 à 2010, après ajustement de l’inflation, la production et la valeur ajoutée de notre industrie manufacturière ont plus que doublé. En d’autres termes, si  désindustrialisation il y a, cette dernière n’est que relative : notre industrie produit beaucoup plus qu’autrefois mais d’autres activités, en l’espèce les services, ont tout simplement progressé plus vite.

Autre remarque importante, ce phénomène de baisse du poids de l’industrie dans notre économie n’est pas récent. De 19,7 % en 1960, le poids des branches manufacturières dans notre PIB baisse régulièrement depuis. Si le phénomène a été nettement plus marqué lors de la dernière décennie, il n’est pas nouveau pour autant. De la même manière, en matière d’emplois, le recul de l’industrie commence dans les années 1980 : par exemple, de 1980 à 1990, le secteur a perdu 754 mille emplois soit 15 mille de plus que ces dix dernières années.

Enfin – et je me base ici sur des données des Nations Unies – ce phénomène n’est pas spécifique à la France, ni à la zone euro… Il est mondial. De 26,7 % du PMB [3] en 1970, la part des industries manufacturières est tombée à 16,6 % en 2009 – soit un recul de 10 points… comme en France. À moins donc d’accuser la concurrence déloyale d’une nation extraterrestre, il devient difficile d’accuser la mondialisation.

Alors quoi ? Eh bien deux choses.

La première s’appelle externalisation. C’est l’une des grandes mutations que les entreprises – notamment industrielles – ont connu ces dernières décennies ; elles se sont recentrées sur leurs métiers de base en confiant les tâches annexes à des entreprises spécialisées – et notamment des entreprises de services. Typiquement, si la propreté des sites industriels était autrefois assurée par le personnel des usines, elle est désormais externalisée auprès d’entreprises spécialisées avec sa valeur ajoutée et son personnel.

Mais là n’est pas l’essentiel.

Le véritable coupable c’est tout simplement le progrès technologique : en 40 ans, les industries manufacturières ont réalisé des progrès technologiques stupéfiants.

Par exemple, en 1970, le salarié moyen de l’industrie française produisait l’équivalent de 74 000 euros par ans ; 40 ans plus tard, son fils produit plus de 273 000 euros – soit 3,7 fois plus. C’est donc avant tout l’automatisation des chaînes de production qui explique le recul des emplois industriels et c’est grâce aux gains de productivité qu’elle nous a permis de réaliser que la valeur réelle des biens industriels a également baissé. Depuis 1970, l’inflation qui touche les produits manufacturés en France est en moyenne de 3,2 % contre 4,9 % pour l’ensemble du PIB. C’est cette baisse de la valeur de la production qui explique le recul du poids de l’industrie dans notre économie ; c’est exactement le même phénomène que pour l’agriculture.

Si c’est là l’argument des tenants du protectionnisme, je crains fort qu’il ne soit urgent d’en trouver un autre.

Sur le web.


[1] J’utilise ici les chiffres de ce que l’Insee nomme les branches manufacturières ; ces dernières correspondent à l’industrie au sens large hors industrie agro-alimentaire et énergie.
[2] Ces chiffres correspondent à la valeur ajoutée d’origine manufacturière rapportée au PIB en euro courants (aux prix de l’époque).
[3] Produit Mondial Brut.

 

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Créer un compte Tous les commentaires (19)
  • Au XVIIIème siècle, l’agriculture faisait 95% du PIB, actuellement 3%. Les emplois agricoles ont délocalisé où ?
    Comment faire comprendre aux politiciens et aux socialistes/nationalistes que le monde a légèrement évolué depuis 1970 et encore plus depuis le 19ème siècle ?

  • c est rigolo la plupart des produits qu on achète en occident viennent de chine … vous expliquez cela comment ? il y a des mega usines en chine pour nous fabriquer nos produits courants et il y en a plus que tres peu en france : ca c est du vent a en croire votre article ! c est la faute a l automatisation surement ( foutaise !!!! ) les chinois eu ils font surement pas de protectionnisme c est beau d etre naif mais ca rapporte pas regardez notre situation en france (USA idem) c est pas du joli et ca va pas s ameliorer avec ce genre de raisonnement !!!

    • Et quel est donc le vôtre et votre « solution » ?

    • Yann,
      Le premier producteur industriel mondial c’est les Etats-Unis. Oui, loin devant la Chine. Les « méga usines » chinoises sont « méga » justement parce qu’elles se spécialisent dans des tâches très manuelles et à faibles valeur ajoutée (d’où les salaires…).
      Par exemple, sur un iPhone à $500 (en 2009), la part de valeur ajoutée qui revient effectivement à la Chine (à Foxxcon) c’est $6.5 : l’assemblage du produit fini ne vaut pratiquement rien, toute la valeur est créée au US, au Japon, en Allemagne (etc…).

      • les USA sont devant la chine certes mais pour combien de temps car la pente s est inversee bientot les chinois seront devant tout le monde … un milliard d habitants ca aide… la valeur ajoutee aux usa japon allemagne … ca cree peu d emplois … he oui c est pas avec ca qu on resorbe le chomage de masse !! en attendant il faudra payer pour les autres merci les taxes en touts genres ce n est qu un debut sorter votre portefeuille ca risque de douiller….

        • Voila bien une réaction typique des politiciens qui justifient leur politique keynésienne : en prolongeant les courbes, on va vers le déclin !! le déclin vous dis-je !!
          Un américain répondrait qu’il faut se battre et qu’on restera devant les chinois.. tralala

  • Xavier,
    Je ne serais si catégorique. Il y a encore beaucoup d’entreprises qui se créent en France – quand elles ne sont pas matraquées par le fisc ou découragées par nos réglementations – et notamment des entreprises à caractère industriel financées par des étrangers.
    Mais, effectivement, ce ne sont pas de grandes usines : une grande usine c’est une production qui fait de l’assemblage, c’est à dire la tâche la moins bien rémunérée du processus. Ce que nous récupérons en France, ce sont de plus petites unités mais qui offrent des jobs à forte valeur ajoutée.
    Typiquement, c’est le cas de Weichai Power (le plus gros fabricant chinois de moteurs diesels et de boîtes de vitesse pour camions) qui ouvre un centre de recherche et développement à Cassis (Bouches-du-Rhône).

  • D’une manière générale, c’est une erreur de focaliser sur les « usines ». Au delà du fait que nous n’avons aucune raison objective de préférer 100 euros de valeur ajoutée « industrielle » à 100 euros de valeur ajoutée crée dans les services, c’est aussi une vision complètement erronée de la réalité économique : l’époque où la production avait lieu entre les quatre murs d’une usine est – depuis longtemps – révolue. Aujourd’hui, ce sont des chaînes de production mondiales qui se font concurrence. L’exemple de l’iPhone est très parlant : conçu aux US, les composants de l’IPhone viennent principalement du Japon (Toshiba), de Corée du Sud (Samsung) et d’Allemagne (Infineon) avant d’être assemblés par Foxconn en Chine. Alors que tout le monde focalise sur les « méga usines » de Foxcon à Shenzhen, on perd de vue que la part effective de la république populaire dans la valeur ajoutée d’un iPhone est ridicule et on oublie que le même iPhone a créé énormément d’emplois aux US, au Japon, en Corée du Sud et en Allemagne…

    • l economie et le marche du travail ne se resume pas a l exemple de l iphone !!!!!!!!!!!! racourci scabreux …. vous faites koi des 5 millions de chomeurs officiels ????? : ca compte pas ????????

      • Donc ce que vous nous expliquez, c’est qu’il faut faire régresser le pouvoir d’achat de toute la population via le protectionnisme, pour pouvoir employer les chômeurs à des tâches à la fois peu gratifiantes et peu créatrices de valeur ?

        Vous est-il venu à l’esprit que le pouvoir d’achat des minima sociaux actuels est peut-être supérieur au pouvoir d’achat du salaire ouvrier moyen des années 60 (période de plein emploi) ?

        A titre pédagogique :
        désindustrialisation relative => la part de l’industrie dans le pib baisse
        désindustrialisation absolue => la richesse créée par l’industrie baisse
        La France vit une désindustrialisation relative… et une industrialisation absolue.

  • desindutrialisation absolue ou desindustrialisation relative ???? c est du discours de politique ca !!!! c est desindustrialisation ou pas !!!!!!!!!!!!!!!!! et rien d autre !!!! les faits le constat en toute objectivite et la reponse est vite faite, demandez a n importe qui le constat est sans appel le reste n est que bavardage

  • Oui mais les hommes de l’Etat adorent défendre les ouvriers, sur lequel est fondé notre (énorme) droit du travail.
    La lutte des classes fonctionne encore, au moins dans ce pays !

  • Monsieur KAPLAN,

    Vous utilisez des raccourcis terribles et vos conclusions hâtives et particulièrement simplistes font peine à lire.

    Du haut de votre statut autoproclamé d’économiste pouvez vous nous expliquer l’évolution négative de la balance commerciale de la France autrement que par le phénomène de désindustrialisation ?

    Dans vos commentaires, vous nous expliquez que la valeur ajoutée revenant à la Chine pour la production de l’Iphone est ridiculement faible puisque proche de 6,5$ pour une valeur du produit de 500$. Souvenez vous qu’à l’école nous avons tous appris à ne pas mélanger les choux et les carrottes dans nos additions ! Et pourtant c’est ce que vous faites allègrement.

    Dans votre argumentaire, remplacez la valeur monétaire par du temps de travail et vous constaterez que la valeur ajouté de votre I Phone est essentiellement chinoise !

    Multiplié ce temps de travail par un coût salarial occidental et vous constaterez que la valeur ajoutée monétaire de opérations d’assemblage devient particulièrement significative.

    Bien entendu, cela ne fera pas les affaires d’Apple, dont les marges sur ce produits sont scandaleuses eut égard aux salaires des assembleurs Chinois et à leurs conditions de travail.

  • Pour information, en Suisse, la part des actifs dans l’industrie est encore plus faible qu’en France (22% contre 24%), ce qui n’empêche nullement la Suisse d’avoir une balance commerciale positive. Je n’ai pas non plus connaissance d’une politique anti-délocalisation particulière en Suisse…

    L’explication du déficit commercial français ne serait-elle pas tout simplement que la France fabrique trop cher des produits trop mauvais ?

    Et si vous remplacez la valeur ajoutée par le temps de travail dans la conception de l’iphone… et bien je crains que concevoir des logiciels, des matériaux high tech et des semi-conducteurs consomme beaucoup plus de temps de travail (sans même parler du coût horaire des gens qui les font) que l’assemblage de l’ensemble.

    Et si l’iphone était assemblé en France par des ouvriers payés aux normes occidentales, et bien malheureusement non, les bénéfices d’apple ne fondraient absolument pas, l’iphone serait juste vendu (beaucoup) plus cher.

    Si vous insistez absolument pour définir la valeur d’un objet par le temps de travail nécessaire pour le réaliser, à la mode marxiste, sachez juste qu’une minute de travail d’un ingénieur coûte des milliers d’heures de formation préalable, alors qu’une minute de travail d’un ouvrier non qualifié… coûte une minute de travail non qualifié.

  • @BENFRANKLIN
    « Le France Fabrique trop cher » par rapport à quoi ? Par rapport à des pays qui accusent un retard social et environnemental phénoménal, qui pratiquent un dumping social digne de l’esclavage et un dumping monétaire éhonté.

    Quand à votre allégation selon laquelle une minute de travail d’un ingénieur occidental coûte des milliers de fois plus cher qu’une minute de travail d’un ouvrier chinois non qualifié, c’est d’une évidence affligeante.

    Mais, ne vous inquietez pas, ce ratio qui semble vous tracassez, diminuera très vite quand le mouvement de délocalisation des activités de R&D s’amplifiera. Savez vous qu’il existe d’excellents ingénieurs dans ces pays qui sont formé à des coût mille fois moins importants qu’en Europe et qui sont payé mille fois moins chers que nos ingénieurs occidentaux ?

    Enfin, Monsieur, je vous engage à aller au bout de vos convictions, de faire votre baluchon et de quitter la France et son modèle socio économique qui vous semble dépassé et vous faire embaucher par une entreprise chinoise, puisque visiblement vous semblez adhéré à ce modèle.

    Quand à moi, je continuerais à défendre l’idée que la minute de travail d’un ouvrier non qualifié ou qu’il se trouve est la même et qu’elle doit être rémunéré de la même façon. Ce n’est pas du marxisme comme vous le dites, mais de l’humanisme.

    • Et que proposez-vous puisque vous semblez détenir la solution ultime? Une fermeture des frontières? Des taxes très lourdes sur tout ce qui vient de pays concurrents?

  • « la minute de travail d’un ouvrier non qualifié ou qu’il se trouve est la même et qu’elle doit être rémunéré de la même façon » : en voilà un qui a tout compris à l’économie.

  • Les commentaires sont fermés.

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