Euro : les données cachées du plan du sommet de Bruxelles

Le plan de Bruxelles a déplacé la question de la survie de l’euro à la crise grecque à celle de la viabilité du Fonds Européen de Stabilisation Financière

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Euro : les données cachées du plan du sommet de Bruxelles

Publié le 2 août 2011
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Faut-il, comme les dirigeants de l’Euroland, se réjouir du nouveau plan, adopté à Bruxelles le 21 juillet, pour sauver l’euro ? Proclamer qu’il apporte une solution définitive à la crise de la dette publique en Europe ? Au regard des décisions prises, cette annonce nous semble pour le moins prématurée.

Par Gilles Dryancour
Un article de l’Institut Turgot, repris avec l’aimable autorisation d’Henri Lepage.

René Le Honzec, Contrepoints.org

Seuls les prochains mois, voire les prochaines années, nous diront si ce nouveau plan d’urgence aura véritablement sauvé la monnaie unique. Ce plan n’est d’ailleurs pas le premier, ni le second. En dix-huit mois, c’est déjà le cinquième censé définitivement sauver l’euro.

Pour ceux qui s’en souviennent, il y eut, en mai 2010, le premier plan destiné au renflouement de la Grèce. Ensuite, en décembre 2010, il y eut le plan de sauvetage de l’Irlande. Puis vint, en mars 2011, le plan de renflouement du Portugal. Sans omettre, au mois de juin, le programme d’austérité et de privatisations, adopté par le parlement grec. Lui aussi supposé sauver l’euro.

Après ces quatre premiers plans, on peut se demander en quoi le cinquième diffère des précédents ? Quels seraient les nouveaux facteurs institutionnels ou économiques qui nous permettraient de croire que cette fois-ci serait la bonne ?

Pour tenter de répondre à cette question, on se livrera à une évaluation générale du cadre adopté le 21 juillet, sachant que toutes les mesures d’application ne sont pas encore arrêtées.

Mais avant de nous livrer à cette analyse, nous voudrions revenir, un instant, sur la déclaration de Marc de Scitivaux que nous avions relevée pour indiquer que ces plans successifs n’ont rien d’altruiste. Ils ne visent pas à sauver tel ou tel pays en particulier. Ils sont davantage destinés à ménager les intérêts politiques des hommes de gouvernement en place :

Il ne s’agit pas d’aider les Grecs ! Il s’agit de sauver l’euro jusqu’au dernier Grec vivant !  (1).

Ce à quoi nous avions ajouté que les plans de sauvetage de l’euro s’arrêteraient au dernier contribuable européen solvable ou au dernier électeur allemand consentant.

Depuis, on nous a fait remarquer que cette formule rappelait celle de Margaret Thatcher pour qui :

le socialisme ne dure que jusqu’à ce que se termine l’argent des autres.

Sans doute l’idée commune est que l’interventionnisme économique et monétaire a ses limites. Toutefois, il y avait aussi dans notre remarque une dimension plus spécifique à la crise présente. Ce que nous souhaitions mettre en lumière, c’est que l’entente provisoire pour sauver l’euro ne durera pas éternellement. À chaque nouvelle crise, les intérêts économiques et politiques divergents des États membres de l’Euroland renforceront les forces centrifuges inhérentes au système monétaire formé par la monnaie unique.

Aujourd’hui, ces forces agissent de manière de plus en plus tangible. Elles se sont notamment manifestées dans les vives tensions qui ont, dans l’élaboration du compromis de Bruxelles, opposé la France et l’Allemagne.

Signe d’une dégradation certaine des relations entre membres de l’Euroland, la rhétorique des États bons samaritains et solidaires a laissé place à la froide logique dictée par la seule volonté de conserver la monnaie unique. Que l’on en juge au ton du préambule de la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement, à l’issue du sommet de Bruxelles :

Nous réaffirmons notre attachement à l’euro et sommes résolus à faire tout ce qui est nécessaire pour assurer la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et celle de ses États membres. Nous réaffirmons également notre détermination à renforcer la convergence, la compétitivité et la gouvernance dans la zone euro. Depuis le début de la crise de la dette souveraine, des mesures importantes ont été prises pour stabiliser la zone euro, réformer les règles et élaborer de nouveaux outils de stabilisation. Dans la zone euro, la reprise est en bonne voie et l’euro repose sur des fondamentaux économiques solides. Mais les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ont montré que des mesures plus ambitieuses s’imposent (2).

Mesures qui, analysées dans le détail, se traduisent en tout premier lieu par un accroissement de la dette publique de la zone euro.

1. De nouveaux emprunts pour payer les intérêts de la dette publique grecque

Tandis qu’on nous présente le plan du 21 juillet 2011 comme une innovation salvatrice de toutes les difficultés, sa principale disposition ressemble à s’y méprendre à celle déjà adoptée en mai 2010. En effet, à cette date le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et le FMI ont octroyé un prêt de 110 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce.

Le second plan porte, quant à lui, sur un total de 160 milliards dont 109 milliards de nouveaux prêts publics, destinés à couvrir les besoins en liquidités du gouvernement d’Athènes.

Seule nouveauté réelle, les intérêts de ce second prêt passent de 4,5% à 3,5% et les maturités de 7,5 ans en moyenne à 15 ans, voire 30 ans. Cette réduction des intérêts est également étendue, à titre rétroactif, aux prêts octroyés par le FESF et le FMI à la Grèce en 2010.

En d’autres termes, on soulage le service de la dette en l’allongeant. Selon une note de conjoncture publiée par le Figaro, la réduction du service annuel de la dette porterait sur les montants suivants :

Au lieu de payer 14 milliards d’euros de taux d’intérêt, soit 6 % du PIB, le pays en paiera 11,5 milliards (3).

Faire chuter le service de la dette publique grecque de 2,5 milliards d’euros par an et le faire passer de 6 points à 5 points du PIB ne modifie pas structurellement la donne financière et économique de la Grèce. Aussi, l’on peut se demander quelle est la véritable finalité de ce nouveau plan de renflouement de ce pays.

Selon nous, celle-ci est principalement de gagner du temps. Combien de temps ? En l’état des mesures prises, c’est assez difficile à estimer. Probablement entre quatre et sept ans. Ce qui permettra aux dirigeants actuels de l’Euroland de finir leur mandat actuel ; d’en commencer un autre et peut-être même de l’achever avant que le problème grec ne revienne démultiplié. Cependant, si du temps politique a incontestablement été acheté en gelant le problème de la liquidité de la dette grecque, rien n’a véritablement changé au fond. On continue toujours à emprunter le capital des pays solvables de la zone euro pour payer les intérêts dus par la Grèce à ses créanciers.

Une autre innovation, passée inaperçue, est que les contribuables français vont devoir subventionner, par leurs impôts, les intérêts du prêt de 109 milliards octroyés à la Grèce. En effet, si le mécanisme de financement du plan 2011 est identique à celui du plan de 2010, la France va emprunter, sur les marchés financiers, 15 milliards d’euros à un taux de 3,42% (taux des OAT à 10 ans, au jour de l’article) qui seront, via le FESF, prêtés à la Grèce à un taux de 3,5%.

Or, le FESF perçoit 50 points de base de rémunération pour ses services. Ce qui implique que la rémunération réelle des prêts accordés par la France à la Grèce sera négative d’un minimum de 42 points de base (+3,5% – 3,42% – 0,5%). Cette perte de rémunération portant sur 30 milliards (en cumulant les plans 2010 et 2011), le coût de subvention des prêts à la Grèce pourrait atteindre, en 2014, 126 millions d’euros par an. Ce qui, au passage, invalide tous les propos que l’on peut entendre, ici où la dans les médias, selon lesquels la France a mis la Grèce à rançon en empruntant à un taux bas et en prêtant à un taux plus élevé. Pour cette raison, on ne peut davantage souscrire aux propos du nouveau ministre de l’économie, François Baroin, pour qui le nouveau prêt n’appauvrit pas la France :

Ces 15 milliards prévus d’ici 2014 n’auront qu’un impact comptable sur la dette, et aucun sur le déficit, souligne-t-il, et cette dette sera émise par le FESF et non par la France. « La France intervient sous forme de garantie. Or, depuis l’an dernier, les statisticiens européens nous ont indiqué que la dette du Fonds européen de stabilité financière devait être rattachée comptablement à chaque État pour la part qu’il garantit », déclare François Baroin.  « Au-delà de cet impact comptable, la France n’a pas besoin d’emprunter davantage et notre déficit n’est pas impacté. Ni le Fonds ni a fortiori la France ne s’appauvrissent dans l’opération », poursuit-il. Le surplus d’endettement devrait modifier la trajectoire prévisionnelle d’évolution de la dette publique de la France, qui s’élève à environ 1.600 milliards d’euros. Le gouvernement prévoyait jusqu’à présent que le ratio de dette continuerait d’augmenter cette année et l’an prochain à 85,4% du produit intérieur brut fin 2011 et 86,9% fin 2012 puis baisserait à 86,4% fin 2013 et 84,8% fin 2014 (4).

Sans vouloir jouer les mauvais esprits, il nous semble que cette explication est singulièrement alambiquée. Elle contrevient, également, au principe logique de la non-contradiction selon lequel une chose ne peut être et être son contraire à la fois. En l’occurrence, les 15 milliards de prêts de la France à la Grèce ne peuvent simultanément se situer dans et hors de la dette publique française. De toute évidence, ils y sont bien. Et, comme l’indique l’auteur de la brève, ils auront un impact négatif sur le ratio de la dette française. Ce qui nous rapprochera un peu plus de l’inévitable cure d’austérité à laquelle la France ne pourra plus se soustraire très longtemps.

Parmi les autres bizarreries que nous avons relevées, à propos du nouveau plan de sauvetage de la Grèce, il y a cette déclaration d’un président d’une grande banque grecque, toujours citée par le Figaro :

Dans le milieu bancaire grec, le ton est à la discrétion. «Cette décision enlève de la pression sur la Grèce et lui permettra de revenir sur les marchés dans trois ans, pour emprunter des montants importants», espère le président d’une grande banque grecque, sous couvert d’anonymat (5).

Ou il s’agit de la méthode Coué, ou cela traduit une véritable mentalité favorable aux opportunités de spéculation offertes par l’endettement croissant des États. Dans tous les cas, on ne voit pas comment la Grèce, dont l’endettement va encore gonfler d’ici 2014, serait en mesure d’emprunter massivement sur les marchés financiers tout en remboursant sa dette à terme. Ceci malgré les propos rassurants de nos dirigeants :

La Grèce paiera sa dette, dont le montant nominal sera réduit de 24 points de PIB grâce à de nouveaux prêts de l’UE et du FMI et à une participation volontaire du secteur privé à un nouveau plan de soutien, a indiqué jeudi soir Nicolas Sarkozy (6).

Même si la participation ‘’volontaire’’ des banques aboutit, par le défaut de paiement, à une réduction du montant nominal de la dette, il semble bien difficile de croire qu’il atteindra 24 points de PIB.

2. Quand la faillite financière est présentée comme succès politique

Selon les médias, la véritable ‘’nouveauté’’ du second plan se trouverait dans la décision de faire contribuer le secteur privé à une hauteur de 59 milliards.

De ce montant, 31 milliards proviendront d’un roulement de crédit (ou roll-over) – une méthode consistant à échanger des obligations arrivant à échéance contre d’autres obligations à taux réduit et à plus longue maturité.

Les 28 autres milliards viendront du rachat, à un prix décoté, des 135 milliards de la dette grecque détenue par les institutions financières. Pour parvenir à ces 28 milliards, la décote (perte nette) sera de 21%.

Il s’ensuit bien que ce n’est donc pas de 24 points de PIB dont la dette grecque sera réduite, mais de 28 milliards sur 365 (dernière estimation après le versement de la tranche de 15 milliards de prêts FESF/FMI début juillet).

Si l’on sait bien compter, l’endettement public de la Grèce passera de 365 à 337 milliards, soit de 152% du PIB à 140% du PIB. Ce qui correspond à une diminution de 12 points de PIB et non de 24%.

Quid, cependant, des 109 milliards supplémentaires octroyés par l’Euroland à la Grèce ? Certes, on peut imaginer qu’une partie sera utilisée pour rembourser le capital et les intérêts des obligations décotées, mais une autre partie viendra nécessairement s’ajouter au stock de dettes existant. En estimant, très grossièrement, que 50% du nouveau prêt s’ajouteront au stock de dettes actuel, on aurait une dette grecque approchant les 390 milliards en 2014, soit 162% du PIB.

Ainsi, à l’issue de ce second plan de sauvetage de la Grèce, il est fort à parier que sa dette publique sera encore plus élevée, à moyen terme, qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ce qui n’a rien de surprenant puisque, excepté la demi-mesure impliquant le secteur bancaire, la méthode retenue consiste toujours à traiter le problème de la dette en empruntant davantage. C’est-à-dire à rajouter de nouveaux étages à la pyramide de Ponzi, chaque fois que l’on s’approche de son sommet.

Parallèlement à ces considérations, Il convient de ne pas se laisser impressionner par les discours présentant le défaut partiel imposé aux banques comme le gage de la réussite du plan de Bruxelles. Outre que le défaut porte sur un montant assez insignifiant, relativement aux enjeux, il n’est en rien un franc succès pour les contribuables de l’Euroland. Il l’est bien plus pour les hommes de l’État et les réseaux d’influence du monde financier.

Ce qui inspire cette remarque, c’est le constat que, contrairement aux apparences, la querelle entre le président Sarkozy et la chancelière Merkel, à propos de la manière de faire ‘’payer’’ les banques, ne portait pas sur le fond. Elle portait uniquement sur la manière de transférer le risque de la dette publique grecque, détenue par les banques allemandes et françaises, vers les contribuables.

Comme chacun le sait, la proposition française visait à imposer une taxe sur toutes les transactions financières pour refinancer la dette grecque. Ce qui aurait dilué le risque français entre toutes les institutions financières européennes, y compris les banques irlandaises, espagnoles, portugaises et grecques virtuellement en faillite.

Pour Merkel, ce plan était inacceptable. D’abord parce qu’il lui semblait irréaliste. Ensuite parce qu’il aurait été rejeté par 85% à 90% des électeurs Allemands. Ceux-ci étaient, en effet; exaspérés à l’idée qu’ils allaient devoir contribuer au renflouement des banques qui ont acheté de la dette grecque au-delà du raisonnable. De là est né le projet de faire aussi contribuer les banques concernées.

À ce propos, il ne faut pas être leurré par l’effet d’annonce politique. Dans les faits, ce sont encore les contribuables, essentiellement allemands et français, qui seront les dupes de la manœuvre. Pratiquement, la décision de racheter les obligations grecques à 80% de leur valeur nominale est un cadeau inespéré fait aux institutions financières. Car, au dernier relevé, les obligations grecques s’échangeaient sur le marché à 50% de leur valeur nominale.

En d’autres termes, on va obliger les contribuables européens à racheter les obligations grecques à une valeur de 107 milliards d’euros, alors qu’elles ne valent plus que 67. Soit un cadeau de 40 milliards d’euros au profit des organismes financiers.

Comment ne pas y voir un signe manifeste de la convergence d’intérêts entre les hommes de la banque et ceux de l’État ? Les premiers soutenant le pouvoir des seconds et les seconds protégeant les rentes des premiers.

Gageons aussi que tous ceux qui, bien informés, ont récemment acheté de la dette grecque au prix du marché (50% de la valeur nominale) et le revendront au prix public (80%) seront particulièrement heureux du bénéfice de 60% que les hommes de l’État leur auront permis de réaliser en un temps record.

Ajoutons que si l’on n’avait pas fait appel aux contribuables européens pour renflouer la Grèce, la sanction du marché aurait été bien plus douloureuse pour les institutions financières qui ont fait une confiance excessive dans l’État grec. Le défaut de paiement aurait, alors, amené de nombreuses banques, surexposées au risque grec, à être rachetées et leurs équipes dirigeantes liquidées par des concurrentes mieux gérées. C’est ce qui s’est, d’ailleurs, passé aux États-Unis après la faillite de Lehman Brothers.

Que l’on soit pour ou contre cette solution, on est de toutes les manières obligé d’admettre que le plan de Bruxelles, du 21 juillet, crée un certain nombre de précédents qui ne sont ni en mesure de rassurer les marchés, ni de stabiliser la zone euro.

3. Des précédents source de contagion

Pour le néo-keynésien Joseph Stiglitz le cadre adopté à Bruxelles est la solution politique qui évitera la contagion et sauvera l’euro :

« Les décisions des dirigeants européens sont une réponse à ceux qui contestent l’euro, une réponse qui semble être convaincante et peut contenir la contagion de la crise », a indiqué M. Stiglitz. Ces décisions constituent « une claire solution politique », « un pas vers l’intégration de la zone euro et de l’Europe », a souligné l’économiste (…) Il a relevé que « le renforcement du fonds de secours européen (FESF), le rachat des obligations sur le marché secondaire à des prix réduits, la substitution des obligations grecques par d’autres bénéficiant de conditions plus favorables ainsi que les garanties offertes par la Banque centrale européenne (BCE), constituent un plan important qui fait face au problème (7).

Personne ne sera surpris de lire, sur ce site, que nous ne partageons pas l’avis du prix Nobel. Au contraire, le plan du 21 juillet nous semble contenir de fâcheux précédents qui pourraient susciter la montée des taux obligataires pour tous les PIIGS. Ces éléments négatifs sont les suivants :

a) Si la Grèce s’est vue accordée un traitement préférentiel et une réduction unilatérale de 12 points de PIB de sa dette, pourquoi l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et l’Italie se verraient privés d’une telle facilité dès lors qu’ils ne parviendront plus à maîtriser leur dette et faire face à la hausse des taux ? Quelle serait la base économique, morale ou juridique pour leur refuser cette facilité à leur tour ?

b) Ces dernières semaines, la parole de la BCE a perdu toute crédibilité sur les marchés. Depuis le début du mois de juin, ses dirigeants ont solennellement affirmé que le défaut de paiement de la Grèce n’était pas une option. Car, il serait une source de contagion. Cette position a été désavouée, de la façon la plus cinglante, par les États de l’Euroland. Ces derniers ont pu ainsi montrer que la BCE n’est plus aussi indépendante que les traités ne le laissent croireAvec le renforcement du FESF, les États pourront, partiellement, contourner les objectifs anti-inflationnistes de la BCE et reprendre en main la direction de la politique monétaire qui leur avait échappée au moment du traité de Maastricht. Techniquement, les États disposeront, effectivement, de la possibilité de monétiser, via le second marché, la dette des États jugés dans le besoin et aussi celle des banques qui financent les déficits publics. Ce qui renforcera les liens entre les hommes de l’État et ceux des banques, laissant présager une dangereuse dérive du système politico-financier.

c) Manifestement, les signes se multiplient que les États de l’Euroland veulent, aussi, s’affranchir du contrôle de la politique monétaire par les marchés. Ainsi, pour la première fois, il est fait allusion, dans la déclaration de Bruxelles, à la création d’une agence européenne de notation : « Nous convenons qu’il y a lieu de réduire la dépendance à l’égard des notations de crédit externes dans le cadre réglementaire de l’UE, en tenant compte des récentes propositions de la Commission dans ce sens, et nous attendons avec intérêt les propositions de la Commission » (8). Une éventualité que nous envisagions récemment et qui est cohérente avec la tentation de monétiser la dette via le second marché.

Dans tous ces éléments, on ne voit rien qui puisse être de nature à rassurer les marchés sur le long terme. Les porteurs d’obligations risquent, désormais, d’être lésés par le défaut des États déficients ou par la monétisation et l’inflation. Cette dernière ne pourra plus être aussi bien contenue par les marchés.

Bien que le plan de Bruxelles soit peint aux couleurs allemandes par la presse française, le nouveau système de ‘’gouvernance monétaire’’ qu’il dessine repose sur l’ancien modèle français. En cela, le risque de dérive de la dette publique européenne s’est accru, même si la déclaration de Bruxelles affirme le contraire :

Tous les États membres de la zone euro respecteront à la lettre les objectifs budgétaires fixés, amélioreront la compétitivité et remédieront aux déséquilibres macroéconomiques. Les déficits publics dans tous les pays, à l’exception de ceux bénéficiant d’un programme, seront ramenés sous le seuil de 3 % d’ici 2013 au plus tard. Dans ce contexte, nous nous félicitons du train de mesures budgétaires présenté récemment par le gouvernement italien, qui permettra de ramener le déficit sous le seuil des 3 % en 2012 et d’équilibrer le budget en 2014 (9).

L’expérience récente montre que cette déclaration de principe n’a aucune valeur. Elle reprend la condition formelle du traité de Maastricht de la limitation du déficit public à 3% du PIB. Or, malgré sa valeur constitutionnelle, cette règle n’est plus respectée depuis plusieurs années par la grande majorité des États membres de l’UEM. Aussi, rien ne pourra empêcher un scénario à la grecque pour le Portugal, l’Irlande et l’Italie si leur taux de croissance reste faible et leur déficit public élevé. Moody’s ne s’y est pas trompé. Après avoir, le lundi 25 juillet, à nouveau abaissé de trois crans la note de la Grèce de Caa1 à Ca, soit à un cran du défaut, Moody’s a exprimé ses doutes sérieux quant à la solvabilité future de l’Irlande et du Portugal :

Le compromis, obtenu après des semaines d’atermoiements de la classe politique européenne, a également pour but de contenir le risque de contagion de la crise à d’autres pays fragiles de la zone euro. L’Irlande et le Portugal, deux autres pays en difficulté, vont ainsi pouvoir emprunter à des taux réduits à l’avenir. Mais d’après Moody’s, pour les créanciers de ces deux pays, rien n’est certain: les points négatifs vont continuer à l’emporter sur les points positifs, ce qui devrait « peser sur leur note », fait savoir l’agence (10).

Conclusion

En toute objectivité, on doit reconnaître que le plan de Bruxelles a déplacé la question de la survie de l’euro de la crise grecque à celui de la viabilité du Fonds Européen de Stabilisation Financière. Tant que le FESF pourra emprunter à un taux raisonnable, le nouveau système monétaire, mis en place à l’insu du grand public, survivra. Dès que ses capacités d’emprunt diminueront, à cause d’une crise majeure ou de la montée des taux d’intérêt obligataires pour la France et l’Allemagne, il est fort à parier que ce nouvel édifice keynésien s’effondrera à son tour.

Notes

[note](1) Voir notre précédent papier : Crise de la dette grecque: combien durera encore le jeu de dupes monétaires, Gilles Dryancour, Institut Turgot, le 8 juillet 2011.

(2) Conseil de l’Union Européenne, Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, Bruxelles le 21 juillet 2011.

(3) Le Figaro, Conjoncture, La Grèce doit maintenant tenir ses promesses, 22 juillet.

(4) Le Figaro, flash-éco, Pour Baroin, l’aide à la Grèce n’appauvrit pas la France, 23 juillet 2011.

(5) Idem

(6) Le Monde, Dépêches, 21 juillet, La Grèce remboursera sa dette dit Nicolas Sarkozy

(7) Le Figaro, Flash Eco, 23 juillet 2011, Grèce enrayer la contagion

(8) Conseil de l’Union Européenne, Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, Bruxelles le 21 juillet 2011.

(9) Idem

(10) Le Monde, 25 juillet 2011.[/note]

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