Gouvernement endetté et planche à billet

Quand l’État croule sous les dettes, la solution naturelle consiste à augmenter l’impôt, mais cette option présente un inconvénient : elle est extrêmement impopulaire

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Gouvernement endetté et planche à billet

Publié le 2 août 2011
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Par Georges Kaplan

C’est une histoire vieille comme le monde. De la Rome impériale au Venezuela d’Hugo Chavez en passant par l’épisode épique de la République de Weimar, c’est l’histoire d’un gouvernement endetté qui n’ose pas lever de nouveaux impôts mais qui dispose d’un monopole monétaire.

Quand l’État croule sous les dettes – à cause d’une guerre ou de politiques économiques ineptes – la solution naturelle consiste à augmenter l’impôt. Mais cette option présente un grand inconvénient : elle est extrêmement impopulaire et ce, en particulier quand le peuple étouffe déjà sous le poids des prélèvements obligatoires. Même le maître de Rome, pourtant peu sensible à la pression des prochaines échéances électorales, hésitait à y recourir. Pour éviter d’avoir à affronter l’ire populaire, de nombreux princes [1] eurent recours à l’expropriation – l’émission des assignats était garantie par les biens confisqués à l’Église – ou tout simplement à l’élimination physique des créanciers – option choisie par Philippe le Bel pour éviter de rembourser ses banquiers Templiers.

Une autre possibilité, qui relève tout autant du vol mais présente l’avantage de revêtir l’apparence d’une certaine forme de légalité, consiste à refuser unilatéralement de rembourser ses dettes. On parle alors d’un défaut de paiement. Il est de bon ton, de nos jours, de fustiger le diktat des marchés financiers qui imposent l’austérité à nos gouvernements. C’est bien sûr une fumisterie pure et simple : si vous deviez un jour décider de ne pas rembourser votre crédit immobilier, on vous enverrait la police. Mais si le débiteur indélicat est un gouvernement, non seulement il n’enverra pas sa propre police récupérer les fonds qu’il doit mais de plus, les éventuels créanciers mécontents ont les meilleures raisons du monde de se montrer discrets : un État n’a pas seulement une police, il a aussi une armée.

Mais dans un monde où tout se sait, un gouvernement qui pratique ostensiblement le vol ou le meurtre pour annuler sa dette peine à inspirer confiance à ses éventuels créanciers. C’est ici qu’intervient la planche à billets qui est à la fiscalité ce que les armes bactériologiques sont à la guerre : la solution la plus radicale et la plus discrète qui soit.

Pour que le système fonctionne, vous avez besoin de deux dispositifs légaux. Le premier accorde le monopole d’émission de billets de banques à une banque centrale et interdit à quiconque de lui faire concurrence (article 442-4 du Code pénal français). Le second dispositif instaure le « cours légal » de la monnaie gouvernementale ; c’est-à-dire que vous n’avez pas le droit d’utiliser d’autre monnaie que celle de l’État (article R642-3) et que vous n’avez pas le droit de refuser cette monnaie en paiement (article R642-2).

Une fois ces deux conditions préalables remplies, le prince dispose potentiellement de deux méthodes : la première, assez grossière, consiste à financer directement la dépense publique par la planche à billets ; la seconde, plus élégante, vise à dévaluer la monnaie afin de réduire la valeur réelle de sa dette [2]. Dans un cas comme dans l’autre, l’État peut donc se sortir des situations financières les plus épineuses en dévaluant la monnaie, c’est-à-dire en créant de l’inflation.

L’usage de l’inflation à des fins fiscales offre au moins deux avantages majeurs : il se passe volontiers de tout contrôle parlementaire [3] et surtout, il ne se matérialise pour le contribuable que par une hausse continue et généralisées des prix. Cette deuxième caractéristique est particulièrement appréciable dans la mesure où elle permet d’accuser les marchands, les banquiers, les riches, les juifs, les monarchistes, le clergé, les propriétaires terriens… bref, à peu près n’importe qui à l’exception notable du véritable coupable qui se trouve d’ailleurs être le premier accusateur [4].

Le prince peut alors imposer un contrôle des prix destiné à lutter contre « la rapacité des spéculateurs » ; s’en suivent invariablement des pénuries de plus en plus sévères qui donnent elles-mêmes lieu à une corruption généralisée des fonctionnaires chargés de les gérer. Le peuple furieux réclame une reprise en main de l’économie et cherche un homme providentiel pour remettre de l’ordre dans le pays. La suite, vous la connaissez : il suffit d’ouvrir un livre d’histoire.

Sur le web.

Notes

[note][1] En application du précepte Shadock qui veut que pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles, il faut toujours taper sur les mêmes.

[2] L’État doit toujours cent millions de livres… mais la valeur de la livre a été divisée par dix.

[3] Ou peut, le cas échéant, être habilement masqué par une politique de soutien aux exportations – i.e. une « dévaluation compétitive ».

[4] Pour un exemple contemporain, voir le président vénézuélien Hugo Chavez.[/note]

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  • Je ne pense pas que l’on puisse comparer la faillite d’un ménage à celle d’un état. C’est un peu simpliste! Que ce soit sur le refus de paiement (loin dêtre un meurtre… ou la perte de crédibilité auprès des investisseurs.

    D’ailleurs, l’Argentine a fait défaut en 2000 mais ne s’en trouve pas complètement écartée du jeu mondial aujourd’hui… Elle a au contraire connu des taux de croissance énorme après coup (9%).

    Quant à la critique du soit disant pouvoir dictatoriale de la banque centrale, je me demande ce que l’auteur propose à la place? L’anarchie? Les Bitcoins 🙂

    Enfin quid de la responsabilité des banques dans la crise de la dette? Pas un mot? Sur la grande opération de maquillage de Goldman Sachs en Grèce? Ni sur la politique militariste (5000 milliards de dollars) d’un G W bush grand adepte de vos thèses ultra libérales.

    Je finirai en vous rappelant que l’histoire n’est pas un éternel recommencement alors rangez vos cahiers d’école et essayez de penser librement et de considérer l’état du monde en dehors de sa simple rentabilité financière.

    • Hé polémicon, t’as la moindre idée de ce que tu racontes? « Bush grand adepte des politiques ultra-libérales » mais loooooool. Tu as las moindre idée de ce que veut dire le mot « libéral »?? Les libertariens US sont les premiers à critiquer les politiques de Bush, en particulier son militarisme…

      Bon allez j’arrête là, je ne parle du reste de tes inepties, tellement ton troll est caricatural… Et si tu veux vraiment connaitre les idées libérales sur le système bancaire ou monétaire, ou le reste, tu peux commencer par là: http://www.dantou.fr
      En attendant que tu connaisses ce que tu tentes lamentablement de critiquer, va troller ailleurs.

    • Comparer l’Argentine à la Grèce et les défauts de paiement de l’un et de l’autre vous discrédite totalement.

      • Dire que je compare la Grèce et l’Argentine prouve que vous ne savez pas lire.

        • Au pire, ça prouve que vous ne savez pas vous exprimer. Mais ce serait une circonstance à peine atténuante vu les énormités que vous sortez sans honte.

    • Donc vous remplacez les banques centrales par une multitude de banques privées pouvant chacune émettre sa monnaie. C’est un simple retour en arrière, dans le féodalisme avec les banques au contrôle.

      Les banques étant privees, les peuples n’ont plus aucun contrôle, je pense que l’état est encore une zone de droit démocratique ce qui n’est pas.votre cas je le sais. C’est donc la liberté des peuples à disposer d’eux mêmes qui est menacée avec ce genre de système.

      Merci de ne pas multiplier vos pseudos, polemicoeur.

      • Astreintes par qui? Une autorité centralisée? Vous voulez réinventer la roue

        Les ratios de capitaux propres existent deja. La conversion sur l’or ou le bancor est une idee de keynes, pourquoi pas.

        L’état est il plus prédateur que les grandes banques? Comment prouvez vous ca?

        Donc je vais acheter mon pain avec une monnaie et mon poisson avec une autre, en effet il me faudra au moins un ordi portable pour pouvoir comparer les prix en fonctions du cours du jour. Vous êtes sérieux?

        La démocratie a combattu hitler, la crise financière et le surendettement l’ont créé. En effet la derniere crise est due a un manque de régulation de l’état.

        Note admin : si vous persistez à utiliser des pseudos multiples (Libdem par exemple), vous serez éjecté.

      • Hé, Polémicon, c’est pas en changeant de pseudo que tu vas faire oublier ton inculture, que tu ne manques pas d’afficher au grand jour à nouveau…

        Allez, va te renseigner un peu sur le système de banque libre, par exemple comme cela a (bien) marché les (rares) fois où il a été mis en place, sur la façon dont les ratios sont naturellement élevés avec un tel système (concurrence monétaire et règlements interbancaires aidant), sur LA ou LES quelques types de monnaies qui finissent pas être choisies par les gens (l’horrible marché) lorsqu’on les laisse libre de choisir leur monnaie (or et argent en général), sur les avis divergents entre les libéraux (certains partisans du retour à l’étalon or et/ou des réserves pleines, considérant le système de réserves fractionnaires comme un viol de propriété, d’autres partisans du système de banques et de monnaies libres) etc.
        Bref renseigne toi, car encore une fois tu ne sais pas de quoi tu parles.

        Ah, j’oubliais: est-ce le fait que tu sois, d’après tes dires, trop bête pour être capable de comparer les monnaies et de choisir, implique qu’il faille interdire aux autres d’êtres libres de choisir?

  • Et justement, après le contrôle des changes, l’ami Chavez attaque le contrôle des prix :
    http://caracaschronicles.com/2011/07/28/xiiith-century-socialism/

    • Mon Dieu! Selon l’article, mais je ne suis pas allé vérifier, la loi instaure le contrôle de TOUS les prix, biens intermédiaires y compris!!!

      Ce type est vraiment malade, faut vraiment être cinglé pour infliger ça à son propre peuple…

      Entendra-t-on la gogoche (ou les socialistes de droite, d’ailleurs), si prompte à « s’indigner », dénoncer ce que ce fou furieux est en train de faire à son peuple?

  • « Enfin quid de la responsabilité des banques dans la crise de la dette? »

    Faut vraiment être con pour en sortir une pareille … Et quid de la responsabilité des Etats eux-mêmes ?

  • Les banques prennent un risque en achetant des obligations tout autant qu’elles prennent un risque lorsqu’elles prêtent à un ménage. Ce risque est d’ailleurs ce qui légitime en partie le taux d’intérêt.

    Il arrive que ce risque devienne réalité. Les banques doivent alors l’assumer.

    Non?

    • « assumer », ça ne veut rien dire. Si toi tu prêtes ta voiture à quelqu’un tu sais que tu prend le risque qu’il te la casse ou la garde sans jamais te la rendre ; mais si ça arrive, tu vas simplement t’assoir et méditer sur le risque que tu avait pris en « assumant » ? ou bien tu vas tâcher de récupérer un dédommagement ?
      Assumer, pour un prêteur, ça peut être simplement dire « j’en ai rien à foutre des problèmes sociaux que vous avez provoqué en dilapidant ce que je vous avais prêté, démerdez vous pour me le rendre quand même : vous n’avez qu’à taxer, ou me céder des terres ou des droits ».

      • C’est pour cela que je ne prète pas ma voiture à n’importe qui, en vérifiant par exemple que la personne est assurée.

        Dans le cas d’un état, cette assurance pourrait d’une certaine manière être la possibilité d’un état d’imprimer de la monnaie.

        Ainsi les créanciers sont remboursés avec un décote (monnaie dévaluée). Et les citoyens se prennent l’inflation dans la gueule, ce qui est le meilleur vaccin contre l’effet soporifique des discours populistes.

        Je préfère un état qui crée de la monnaie quite à avoir de l’inflation plutôt qu’un état qui fait tout pour rembourser les créanciers quite à sacrifier la justice sociale. L’inflation est un impôt auquel personne n’échappe, contrairement aux autres. Puisque c’est la merde, autant que ce soit la même merde pour tous.

        • Quand tu fais des économies que tu met sous ton matelas ou que tu laisses dormir sur un compte non rémunéré, leur valeur diminue tous les ans du montant de l’inflation.
          Ne souhaiterais-tu pas que leur valeur reste intacte ?
          L’inflation est perçue en premier lieu par les personnes ayant un petit revenu. Les prix des matières premières augmentent puis celui des produits finis et elles se trouvent obligées de faire des choix dans leurs achats quotidiens.
          L’inflation touche tout le monde mais les petits revenus le ressentent plus durement : ce n’est absolument pas un impôt égalitaire.

  • Excellent billet, comme d’habitude. Très réaliste et pas assez pessimiste, dans le sens ou bientôt les catastrophes engendrées par les hommes de l’état seront purement et simplement effacées des livres d’histoire officiels. Et gare à celles et ceux qui oseront prétendre le contraire. D’ailleurs, pour la pensée dominante, il s’agit d’une énième crise du capitalisme.

  • « L’état est il plus prédateur que les grandes banques? Comment prouvez vous ca? »

    Très simple. Qui en France dépense 57 % des richesses produites par le privé, les banques ou l’Etat ?

    « La démocratie a combattu hitler »

    La démocratie s’est donc combattue elle-même. Enorme.

  • Bonjour,

    je ne suis pas un spécialiste de l’économie mais quelqu’un peut il me dire pourquoi l’état qui a le pouvoir ne sort pas la planche à billet pour autofinancer sa dette ?

    autre question, pourquoi y-a-t-il une inflation lorsque justement létat sort la planche à billet ?

    Merci pour votre réponse

    • a/ il ne sort pas la planche à billet, c’est la BCE qui le fait.
      b/ si vous augmentez le nombre de billets en circulation pour une richesse quasi-constante (croissance nulle observée), vous diminuez la valeur des billets et augmentez donc les prix.

  • Merci pour votre réponse mais c’est un peu court.

    a) donc la BCE peut sortir la planche à billets afin de rembourser les dettes des pays dont la monnaie est l’euro (france, allemagne, grèce, …)

    b) et alors ?

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