Faut-il s’inquiéter du déficit commercial?

« Un déficit commercial en augmentation ralentit la croissance ainsi que la création d’emplois. » Vraiment?

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Faut-il s’inquiéter du déficit commercial?

Publié le 26 juillet 2011
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Cet article de Daniel Griswold (*), analyste au Cato Institute, traduit et mis en ligne par le site Le Bulletin d’Amérique, concerne l’économie US. Mais l’argument s’applique tout aussi bien à l’économie d’un pays comme la France.

De manière aussi prévisible que la pleine lune, la publication mensuelle des chiffres gouvernementaux sur le commerce extérieur américain provoque invariablement une réponse uniforme de la part des commentateurs économiques.

Si les importations décroissent et que le déficit commercial se réduit, ils l’annoncent comme de bonnes nouvelles pour la croissance et l’emploi. Si les importations et le déficit augmentent, ils considèrent que ce sont de mauvaises nouvelles – il s’agirait d’«un frein à la croissance.» Le commentaire de Peter Morici, de l’Université du Maryland, la semaine dernière, est symptomatique. Celui-ci écrivait que les derniers chiffres publiés montrent qu’

« un déficit commercial en augmentation ralentit la croissance ainsi que la création d’emplois. »

L’opinion qui prévaut sur les déficits commerciaux et la croissance se construit sur la logique keynésienne, simple mais très imparfaite, selon laquelle les importations représentent une fuite de la demande à l’étranger. Selon ce point de vue, chaque voiture, table ou chemise que nous importons est un élément de moins que nous devons produire pour satisfaire la demande intérieure… mettant des Américains au chômage et réduisant la production globale.

La vision critique de ces commentateurs souffre d’une conception trop étroite de la balance commerciale. Un déficit ne signifie pas que les fonds versés à l’étranger ont tout simplement vocation à disparaître. Ils vont, de fait, rapidement retourner aux États-Unis. S’ils ne sont pas utilisés pour acheter nos produits et services à l’exportation, ils sont utilisés pour acheter des actifs américains – bons du Trésor, actions d’entreprises ou obligations, immobilier ou dépôts bancaires…

De cette façon, le déficit commercial américain est toujours et presque exactement compensé par un excédent d’investissement étranger. L’excédent net des investissements étrangers aux États-Unis chaque année maintient les taux d’intérêt à long-terme bas, empêche l’éviction de l’investissement privé par l’emprunt public et favorise la création d’emplois par des investissements directs dans les usines américaines et les entreprises.

Au sens large, nos échanges commerciaux avec le reste du monde sont toujours équilibrés. En 2010, les Américains ont acheté pour 4 milliards de dollars de biens, services et biens de l’étranger, tandis que les étrangers ont acheté 4 milliards de dollars de biens, de services et d’actifs des États-Unis.

Les rapports réguliers de l’Economie Policy Institute (EPI), – qui bénéficie du soutien des syndicats, – montrant d’importantes pertes d’emplois en raison des déficits commerciaux se fondent sur cette mauvaise compréhension keynésienne du commerce. Les modèles élaborés par l’EPI ignorent les emplois créés par les flux d’investissements étrangers, et par les économies de coûts engendrées par le fait que les ménages américains et les entreprises sont en mesure d’acheter des biens et services sur les marchés mondiaux à des prix plus compétitifs.

Dans une étude récente du Cato Institute, intitulée « Le Credo de la balance commerciale», j’ai examiné le résultat des 30 dernières années de performance économique aux États-Unis. Il s’agissait de tester cette sagesse conventionnelle, portée par le courant keynésien, par rapport à la question des déficits commerciaux et de la croissance. L’étude a comparé la manière dont l’économie américaine s’est comportée durant les périodes où le déficit commercial en biens et services était en hausse en pourcentage du produit intérieur brut (1982-1984, 1992-1995, 1997-1900, 2001-06 et 2009-10) par rapport aux périodes où il se contractait (1987-1992, 2000-01 et 2006-09). Les résultats montrent que la sagesse conventionnelle se trompe systématiquement.

Depuis 1980, le PIB réel américain a augmenté à un taux annualisé de 3,6% pendant les périodes où le déficit commercial était en hausse, comparé à un lent 1,0% pendant les périodes où ce déficit diminuait. Alors que les déficits commerciaux, perçus comme un frein à la croissance, faisaient l’objet d’une vaste protestation!

Malgré les préoccupations au sujet de la base industrielle américaine, la production manufacturière au cours des périodes d’expansion des déficits commerciaux a augmenté d’une croissance saine de 5,2% par an. Pendant les périodes de baisse des déficits commerciaux, la production manufacturière se contractait à taux annualisé de 2,0%.

Les déficits commerciaux ne sont pas, non plus, un frein à l’activité sur les marchés financiers. Pendant les périodes de hausse de ces déficits, l’indice Standard & Poor 500 a augmenté à un taux annualisé de 11,3%. Au moment où ces déficits diminuaient, le marché boursier était coincé en position neutre, avançant à une moyenne dérisoire de 0,3% par année !

Quant à la question politiquement sensible de l’emploi, on observe que, pendant les périodes de déficit commercial en hausse, l’emploi a augmenté à une moyenne annualisée de 1,4%. Ce chiffre est à comparer à une croissance nulle en moyenne au cours des périodes où ce déficit était à la baisse. Le taux de chômage a baissé en moyenne de 0,4% par an pendant les périodes de hausse des déficits, comparativement à 1 point par an quand le déficit déclinait – soit juste le résultat inverse de ce que prévoit la modélisation de l’EPI !

Conclusion : nos politiciens doivent cesser de se préoccuper du déficit commercial. Au lieu de cela, ils doivent tourner leur attention vers la réduction des déficits publics, tout en maximisant la liberté des Américains à acheter et vendre des biens, des services et des actifs sur les marchés mondiaux, dans une logique de gain mutuel.

—-
(*) Daniel Griswold est Directeur du centre d’études Herbert A. Stiefel pour la politique commerciale du CATO Institute. Il est l’auteur d’un nouvel ouvrage, Mad about Trade: Why Main Street America Should Embrace Globalization.

Cet article, traduit par Philippe Deswel pour Le Bulletin d’Amérique, a été initialement publié dans le Washington Times sous le titre « Truth about Trade Deficits and Jobs ». Article repris par l’Institut Turgot.

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  • « le déficit commercial américain est toujours et presque exactement compensé par un excédent d’investissement étranger ». En effet c’est génial de donner de l’argent à d’autres pays pour qu’ils prennent le contrôle des ressources et entreprises locales.

    On ne peut pas comparre l’achat d’une chemise avec l’achat d’actions ou de bon au trésor US ce qui n’est pas vraiment comparable je pense… Demandez aux islandais et irlandais ce qu’ils pensent aujourd’hui des investissements étrangers…

    La balance commerciale ne contribue pas à plus de + ou – 5 % sur le PIB je suis donc d’accord pour dire qu’il a peu d’impact sur le PIB par rapport à la consommation interne cependant une balance négative n’est jamais bénéfique pour un pays, cela me parait évident.

    « Pendant les périodes de hausse de ces déficits, l’indice Standard & Poor 500 a augmenté à un taux annualisé de 11,3% ». Ce qui prouve bien que l’économie financière se nourrit de ces déséquilibres de la mondialisation dérégulée. L’auteur parle d’économies d’échelles sur l’appareil de production, mais qui en profite à part les acteurs de la bourse?

    • « Une balance négative n’est jamais bénéfique pour un pays ». L’excédent ou le déficit de la balance commerciale agrège la somme des échanges de biens et de services des individus qui habitent un pays avec d’autres individus vivant dans d’autres pays. Quels que soient les bilans, ces échanges constituent toujours une richesse. La notion même de gain ou de déficit mesurés au niveau d’un pays n’a donc strictement aucun sens.

      En outre, est-il vraiment nécessaire de rappeler que les échanges avec l’extérieur sont par définition équilibrés ? Enfin, est-il encore nécessaire de rappeler que les problèmes économiques d’un pays sont strictement corrélés au niveau de sujétion de l’Etat sur son économie ?

      Relire Bastiat, qui a tout expliqué à ce sujet voilà plus d’un siècle.

      • Bien sur, dans le monde de oui oui. Pour bastiat les barrieres douanieres en chine, usa n’existent elles pas? La guerre des devises usa chine non plus?

        La balance commerciale agit surle pib non? La pib n’est il pas un indicateur de santé d’une économie? Bien sur que si!

        • Bien sur que si!

          Si cela était vrai, des millions de salariés français n’auraient pas des fins de mois difficiles. La France produit peut-être beaucoup de richesses, l’Etat en prélève 57 % (excusez du peu) pour son fonctionnement et ses dépenses. Ca fait que 17 millions de salariés doivent nourrir tout le pays avec le partage des 43 % restants. De plus, on agrège au PIB les mythiques richesses créées par l’Etat. Un agrégat ne veut donc rien dire.

        • Par définition, la balance commerciale n’agit pas sur le PIB. Vous confondez avec le PNB.

          La question des barrières douanières a été amplement traitée depuis longtemps : les pays qui élèvent des barrières douanières affaiblissent leurs propres économies alors que les pays qui maintiennent malgré tout leurs économies ouvertes ne subissent aucun dommage notable, bien au contraire.

          Elever des barrières douanières par peur ou par mesure de rétorsion n’a strictement aucun effet contre un concurrent extérieur mais constitue une perte de chance importante pour son propre peuple.

          Oui, oui, relisez Bastiat.

  • polemicoeur : « En effet c’est génial de donner de l’argent à d’autres pays pour qu’ils prennent le contrôle des ressources et entreprises locales.  »
    —————–
    D’abord, il ne s’agit pas d’un « don » à d’autres pays. Ensuite, si le PIB augmente « grâce » au déficit, ça veut dire que les entreprises étrangères achèteront au pays une richesse qui n’aurait pas été créée de toute façon, c’est le principe même du gagnant-gagnant.

    —————–
    « une balance négative n’est jamais bénéfique pour un pays, cela me parait évident. »
    —————–
    Que ça vous « paraît » ceci ou cela n’a strictement aucune importance, ce qui importe, c’est les faits. Si l’on en croit les conclusions surprenantes de l’article (dont je n’ai pas d’éléments pour mettre en doute), les bénéfices d’une balance négative sont FACTUELLEMENT moins de chômage, plus de croissance, plus de production manufacturière, hausse de la valeur des entreprises. Qualifier ça de « jamais » bénéfique est donc incontestablement faux et totalement gratuit.

    ——————————-
    « L’auteur parle d’économies d’échelles sur l’appareil de production, mais qui en profite à part les acteurs de la bourse? »
    ——————————-
    L’indice S&P (comme le CAC) indique la capitalisation boursière des entreprises, càd la valeur de celles-ci. S’il augmente, ça veut dire que la valeur des entreprises augmente.

    • Le terme don était ironique il me semble….

      Je ne crois pas aux conclusions de cet article, il n’y apas plus de faits dans ce vous dites et puisque vous jouez sur les mots croire n’est pas savoir. Vous croyez aux conclusions de l’article, très bien, cel n’en fait pas un fit.

      Un indice boursier, vous confirmez ce que je dis, il y a bien longtemps que les valeurs boursières ne représentent plus rien de réel!!

      • « Les valeurs boursières ne représentent plus rien de réel ». Si c’était le cas, comment arrivez-vous à expliquer que les crises sont dues à la spéculation boursière plutôt qu’aux interventions de l’Etat ? Soyez cohérent, au moins !

        • Justement lorsque la bulle spéculative explose.

          Par exemple la.valorisation de facebook ne correspond à aucune rentabilité financière. C’est le cas de bcp de valeur internet. De plus vous connaissez le faible ratio de liquidités des banques. On peut aussi reparler des milliards qui ont gonflés dans les subprimes et autres produits dérivés. Avec ces outils, on est loin de l’idée original de la bourse permettant de transférer l’argent de la ou il y ena vers la ou il y un besoin et ainsi de promouvoir l’entrepreunariat.

          J’ai souvent lu sur ce site que la crise de 2008 était du à l’intervention de l’état lais personne n’a su m’expliquer concretement pourquoi?

  • @polemicoeur

    En effet, lorsque les flux entrants sont dirigés vers l’achat de bons du trésor, c’est plutôt malsain car cela sert à financer le déficit de l’État qui gaspille la richesse, mais pour le reste, une balance commerciale négative n’est pas mauvaise pour un pays.

    Que nous échangions des produits contre des investissements ou des investissements contre des produits, qu’est-ce que ça peut bien faire?

    L’achat d’actions par des étrangers est très positif. Il permet de financer les investissements des entreprises et donc de créer des emplois (laissez donc faire cette vision keynésienne de la bourse…).

    Je vous invite à lire ceci:

    http://minarchiste.wordpress.com/2010/09/01/les-deficits-commerciaux-demystifies/

    • Oui mais le fait de ne pas acheter des chemises francaises pour reprendre l’exemple de l’article ne signifie pas que forcément que ce manque à gagner sera automatiquement réinvestit dans le financement d’entreprises françaises.

      • Vous avez parfaitement raison, puisque l’essentiel des retours monétaires sont détournés de l’économie productive pour financer sans fin la dépense et la dette publique.

        C’est uniquement la mauvaise gestion de l’Etat qui fait du déficit extérieur un problème économique.

        • Si je reprends la thèse de lArticle, les retours se font par le biais des marchés financiers.

          L’état taxe surtout le travail et les bénéfices des entreprises et non pas les investissements venant de l’etranger.

          • Polemicoeur : « L’état taxe surtout le travail et les bénéfices des entreprises et non pas les investissements venant de l’etranger. »
            ————–
            L’état taxe n’importe quel investissement, étranger ou pas, sous forme de taxe professionnelle dont l’assiette est calculée directement sur le montant d’investissement. D’autres taxes sur l’investissement sont la taxe foncière, taxe professionnelle… et j’en oublie.
            Vous sortez constamment des arguments apologistes du chapeau, c’est franchement ridicule !

  • polemicoeur « Je ne crois pas aux conclusions de cet article, il n’y apas plus de faits dans ce vous dites et puisque vous jouez sur les mots croire n’est pas savoir. Vous croyez aux conclusions de l’article, très bien, cel n’en fait pas un fit. »
    —————–
    On ne doit pas avoir les mêmes définitions du mot « fait » !
    Que les périodes de fort déficit commercial correspondent à plus de croissance, hausse de la capitalisation des entreprises, plus de production industrielle, moins de chômage, ce sont des FAITS.
    Si vous n’y croyez pas, il suffit d’aller vérifier pour voir si c’est vrai ou non. Et je suis allé vérifié les sources qui sont cités par l’article (The Trade-Balance Creed puis U.S. Bureau of Economic Analysis), c’est vrai.

    Et vous, quels sont vos faits pour affirmer qu’un déficit commercial « n’est jamais bénéfique pour un pays » ??? Vous n’avez montré aucun fait, vous vous contentez d’affirmer. Répéter avec aplomb une chose fausse ne la rend pas plus vraie.

    —————-
    « Un indice boursier, vous confirmez ce que je dis, il y a bien longtemps que les valeurs boursières ne représentent plus rien de réel!! »
    ———————
    NON, je ne confirme certainement pas vos affirmations fantaisistes. J’avais dit qu’une hausse de l’indice boursier indique une hausse de la valeur des entreprises. Ce que vous dites est que l’indice boursier ne représente plus rien de réel (affirmation gratuite 1) et que sa hausse ne profite « qu’aux acteurs de la bourse » (affirmation gratuite 2). Réfléchissez deux secondes au lieu de céder à votre anticapitalisme pavlovien, si la valeur de l’entreprise augmente, c’est TOUTE l’entreprise qui en profite, les employés, les sous-traitants, les fournisseurs, l’image de marque, le bénéfice… et non « juste les acteurs de la bourse ». Ensuite, comme ça a été dit, quand la bourse baisse, l’économie souffre, il ne faut pas être un grand génie pour déduire a contrario que quand la bourse augmente, l’économie en bénéficie.
    Il y a d’un côté les slogans anti-capitalistes que vous vous contentez de répéter et il y a de l’autre la réalité économique, deux choses totalement différentes.

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