Monde arabe : après la révolution, le défi de la laïcité

Les processus démocratiques en cours portent en eux les germes d’une laïcité future. C’est le moment d’être dans le sens de l’Histoire.

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Monde arabe : après la révolution, le défi de la laïcité

Publié le 21 juillet 2011
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Laïcité

La droite populiste prospère partout en Europe en surfant sur la peur de l’islam. À contre-courant de ce repli nationaliste, le monde arabo-musulman (et perse, rappelons-nous que tout a démarré dans les rues de Téhéran, hélas sans succès jusqu’ici) nous donne une leçon de courage incroyable.

Désespérés après des dénis de chape de plomb, des peuples entiers prennent des risques insensés pour tenter de renverser l’ordre établi. En Tunisie comme en Égypte, les tyrans ont été balayés par une armée consciente de la fureur populaire. Mais si le pouvoir réel n’a pas changé de mains, un bouleversement irréversible est en train d’ avoir lieu.

La liberté ouvre de nouveaux horizons

Grâce aux nouvelles technologies, de nouveaux médias comme la chaîne qatarie Al-Jazeera ont brisé le monopole de l’information détenu jusqu’ici par l’État, ou par des organisations structurées comme celle des Frères Musulmans. Internet a également libéré l’essentiel des échanges de tout contrôle.

Les peuples, et notamment les nouvelles générations, ont enfin pu ouvrir les yeux sur le monde, sur les autres modèles politiques, sociaux et religieux.

Résultat, les pays arabes sont en train de vivre une révolution intellectuelle et politique sans précédent, porteuse de dangers mais aussi d’espoirs formidables. Déjà, plusieurs de ces pays se sont engagés sur la voie d’une sécularisation progressive. Si ce processus se confirme et prend de l’ampleur, ses conséquences seront lourdes sur l’islam et ses pratiques partout dans le monde.

Tétanisée, l’Europe n’a pas davantage vu les signaux encourageants dans ce sens qu’elle n’ a vu le vent de liberté se lever dans ces pays.

La révolution dans les esprits

Deux évènements en Égypte sont étrangement passés inaperçus dans les médias français. D’abord, la jeune génération des Frères Musulmans a quitté en bloc son émanation politique pour former son propre parti, cette fois sans se référer à la charia mais à la civilisation arabo-islamique. Signal important, les jeunes fondateurs de ce parti ont envoyé un message « d’ouverture à tous », en insistant sur son caractère civil et démocratique.

Le choc inter-générationnel a des racines profondes qui augurent bien de l’ évolution probable du pays : refus des caciques aux décisions unilatérales, mais aussi des contraintes idéologiques ou religieuses de moins en moins bien tolérées, même de la part de jeunes musulmans conservateurs.

Coïncidence, cette fragmentation de l’organisation des Frères Musulmans s’accompagne del’établissement de relations avec le gouvernement des États-Unis à la demande d’Hillary Clinton.

Il ne faut pas oublier que les Frères Musulmans sont attachés à la coexistence pacifique et harmonieuse avec les coptes. Lors de l’attentat sanglant à Alexandrie fin 2010, son bureau national avait évoqué cette action terroriste (probablement en utilisant le terme de « crime », rejeté par la religion et par la raison). Depuis plusieurs années, les cadres de ce mouvement regardent du côté de la Turquie, pays laïc qui vient de réélire pour un troisième mandat le président de l’ AKP, parti islamique conservateur respectueux de la laïcité (et dont le nom a inspiré les Frères Musulmans dans le choix du leur). Bon présage ?

Ensuite, le grand imam de l’université d’Al-Azhar a créé la surprise avec cette annonce solennelle : « Nous soutenons l’établissement en Égypte d’un État national constitutionnel, démocratique et moderne. » Cette institution au prestige encore élevé dans le monde sunnite a choisi de défendre officiellement et fermement le processus démocratique et séculaire engagé. Cela signifie que le clergé égyptien est dans son immense majorité prêt à aller dans ce sens.

Cela ne fera pas disparaître les tensions inter-communautaires, ni les attentats heureusement rares. Mais ces éléments doivent plutôt nous inciter à l’optimisme.

Voilà pourquoi nous ne devons pas céder à la tentation populiste qui se focalise adroitement sur les pratiques islamiques qui sont le fait de pays ou de régions encore archaïques, ou de groupuscules radicaux quasi sectaires. Le discours islamophobe cherche à nous décourager de croire en l’homme dès lors qu’il est musulman, afin de mettre en doute les capacités de rattrapage des pays arabes une fois débarrassés de leurs tyrans.

Au contraire, les processus démocratiques en cours, fragiles et chaotiques, portent en eux les germes d’une laïcité future. C’est le moment d’être dans le sens de l’Histoire.

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  • Qui sont les représentations de ces « tentations populistes » ?
    La plupart viennent de milieux laïcards et républicain et gauchiste:

    Pure fabrication des médias qui tentent de réduire des mouvements patriotiques à une « islamophobie haineuse » et « irrationnelle ».

    Populisme n’est pas un terme péjoratif, il désigne un « type discours et de courants politiques, critiquant les élites et prônant le recours au peuple « .
    Si vous utilisez le vocabulaire des vos ennemis, vous ne pouvez que vous soumettre à leur conception, grave erreur.

    Ce n’est que depuis quelques mois qu’il est employé de manière « stigmatisante ». On a fait dériver le sens d’un terme: on ne parle plus de démocratie mais de populisme. L’un est chargé de notion négative l’autre non. La démocratie c’est le système en place => l’oligarchie dominante.
    Les populistes sont les démagogues qui veulent changer

  • Mistake, j’ai envoyé mon commentaire avant de le terminer.

    Je recommence :

    Les « populistes » ne sont pas des hommes politiques dont la doctrine se réduit à une « islamophobie haineuse » et « irrationnelle ». Ce phénomène dit « populiste » marque le réveil d’une conscience identitaire. D’ailleurs la plupart des acteurs sont des laicards voir des gauchistes:
    – Tasin
    – Freysinger
    – Lepen
    – Geert Wilders etc..

    « Populisme » n’est pas un terme péjoratif, il désigne un  » type de discours et de courants politiques, critiquant les élites et prônant le recours au peuple « .
    Bref, il y a eu un glissement sémantique – comme avec beaucoup d’autres mots – visant à faire croire que le « populiste » est un démagogue anti-démocratique profitant des crises pour imposer une conception haineuse tout rejetant la « faute » sur l' »Autre ».

    Les « populistes » que vous dénoncez ont exactement les mêmes conceptions que les jeunes révolutionnaires -d’après votre article – c’est à dire , grosso modo, laïques et démocratique.

    Personnellement, je me paluche pas à l’idée de la sécularisation et occidentalisation des Arabes qui ne date pas hier, c’est sûr.

  • Les commentaires sont fermés.

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