Dominique Strauss-Kahn: le retour de la vengeance?

Les électeurs de l’Hexagone pourraient ne pas être aussi prompts à en faire un saint que les journalistes français.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Dominique Strauss-Kahn: le retour de la vengeance?

Publié le 7 juillet 2011
- A +

Le New York Times a ouvert une brèche dans laquelle tous se sont engouffrés: le dossier de l’accusation « se serait effondré », au point de remettre en question l’ensemble du procès. Et d’aucun, en France, de voir Dominique Strauss-Kahn à la présidence.

Les tenants de la théorie du complot se sentent pousser des ailes.

Depuis le début de l’affaire, chaque camp fourbit ses armes. Un représentant de DSK est allé jusqu’au village natal de la victime, en Guinée, pour essayer d’arracher un accord à l’amiable avec sa famille. Mais le coup le plus violent porté au dossier vient du bureau du procureur lui-même. Quelle sont ces nouvelles informations?

Selon les deux enquêteurs cités par le journal américain, [Nafissatou Diallo, la femme de chambre supposée victime d’agressions sexuelles] a téléphoné à un détenu dans les 24 heures qui ont suivi sa rencontre avec Dominique Strauss-Kahn. Au cours de cette conversation, qui a été enregistrée, elle a évoqué le profit qu’il y aurait à maintenir ses accusations contre DSK.
Ce détenu a été incarcéré pour possession de 180kg de cannabis et fait partie d’un certain nombre de personnes, qui ont transféré de l’argent, d’un montant total de 100 000 dollars, vers le compte bancaire de Nafissatou Diallo au cours des deux dernières années.
Les enquêteurs soupçonnent la femme de ménage de faire partie d’un réseau de blanchiment d’argent.

 

La jeune femme aurait également nettoyé une autre chambre après « l’épisode DSK » et serait revenue sur les lieux une fois le directeur du FMI parti, contrairement à ses déclarations initiales. Finalement, elle aurait souscrit des abonnements téléphoniques auprès de cinq compagnies différentes alors qu’elle aurait assuré aux enquêteurs ne posséder qu’un seul abonnement (sans conteste son crime le plus abject.)

Au vu de ces révélations, je me suis empressé de relire mon premier billet sur l’affaire ainsi que mes commentaires, afin de vérifier si mes dires étaient devenus terriblement gênants. Mais en fait, non. Certes, certains aspects factuels présentés initialement ont mal vieilli au fur et à mesure du déroulement de l’enquête (de même que la présentation des faits par les médias a évolué) mais le fond du débat reste tristement identique: l’inéquité entre les puissants et les faibles face à la justice, la fragilité d’une accusation parole contre parole, les casseroles du prévenu, et bien sûr, des prises de position qui sentent bon la justice de classe par les uns et les autres.

Dans une situation comme celle-ci, la crédibilité est un facteur essentiel. Les jurés doivent être convaincus au-delà du doute, ce qui laisse peu de place à une accusation dont la motivation est entachée de soupçon.

Chacun s’accorde à dire qu’un rapport sexuel a bien eu lieu. Les analyses ADN laissent peu de place à l’interprétation. Nafissatou Diallo a eu sur les parties génitales des hématomes reconnus par des professionnels de la santé. Mais ces éléments essentiels semblent avoir été complètement oubliés. Prenons le nettoyage d’une suite supplémentaire par la victime, le 14 mai, après son agression sexuelle présumée. Pareil comportement peut aisément s’expliquer par une situation d’état de choc et la nécessité absolue – confinant à l’absurde – de revenir temporairement à une routine. Les psychologues connaissent bien ces situations comportementales, mais aucun témoignage de ce genre ne parviendra dans les colonnes des journaux.

Le coup de téléphone passé dans les 24h à un ami détenu? Qu’y a-t-il de surprenant? Y-a-t’il un délai à respecter? La législation américaine ouvre fréquemment la voie à de larges compensations financières pour des victimes déposant plainte au civil. En écrivant cela, je n’apprends rien à personne. Quel mal y a-t-il à l’admettre? A en parler à un proche? Quitte à s’être fait violer, à essayer d’obtenir une compensation financière? Si une victime se débat pendant son agression, ce que chacun peut comprendre, faudrait-il qu’elle cesse après coup de lutter par tous les moyens possibles, comme une poursuite au civil avec dommages et intérêts à la clef? Ou alors, clamera-t-on que toute action en justice est motivée par de bas intérêts mercantiles à partir du moment où un plaignant demande plus que le franc symbolique?

Mais les révélations sur le passé de la jeune femme ou son comportement avant les faits sont autrement plus choquantes. Il n’y a pour l’heure pas le moindre soupçon de préméditation ou de complot. Le compte bancaire de la jeune femme a peut-être servi à faire transiter de l’argent sale, mais son implication ne semble pas lui avoir profité au point de la préserver de l’emploi ingrat de femme de chambre des années durant. Certes, Nafissatou Diallo n’a pas l’air d’être une sainte, mais c’est à se demander s’il faut être une sainte pour avoir le droit de porter plainte pour viol.

Dans une justice idéale (et visiblement utopique) le dossier porterait sur les faits. Des éléments de preuve mesurables et factuels. Et dans cette justice idéale, une victime de viol aurait le droit d’attaquer son violeur en justice, la victime fut-elle en délicatesse avec les services sociaux, avec un casier judiciaire, portée sur la boisson ou entrée illégalement dans le pays. La seule chose qui compte est ce qui est ce qui est reproché à l’agresseur, pas le statut social ou les relations que la victime entretient avec l’administration locale.

Nafissatou Diallo mériterait peut-être une révocation de son permis de séjour aux États-Unis. Peut-être a-t-elle des relations fort louches. Peut-être est-elle vénale et membre d’un réseau de blanchiment d’argent. Et peut-être s’est-elle aussi fait violer par Dominique Strauss-Kahn. Tous ces éléments peuvent être vrais, simultanément.

Aujourd’hui, l’affaire DSK s’est pas mal dégonflée. Dès le début, j’imaginais mal un verdict jetant derrière les barreaux le directeur du FMI pour une quinzaine d’années – même s’il était pleinement coupable des faits qui lui sont reprochés dans la suite 2806 du Sofitel de Manhattan. Les moyens dont disposent la défense sont démesurés. Le bureau du procureur a eu beau jeu de révéler ces nouveaux éléments, il l’a fait seulement parce que les limiers des avocats du politicien les auraient amenés au procès.

Souiller la crédibilité de la victime est une ficelle vieille comme le monde. C’est désormais chose faite.

Aujourd’hui déjà, beaucoup pensent que tout ceci est un coup monté. Personnellement, je pense que non. Contre toute attente, selon moi ces éléments plaident en faveur de l’authenticité de l’agression sexuelle. Si Nafissatou Diallo avait comploté contre un client du Sofitel, elle aurait préparé plus soigneusement son témoignage. Elle n’aurait pas caché des détails gênants de sa vie, nuisant à sa crédibilité, qui auraient fini par être découverts. Elle n’aurait pas nettoyé une chambre supplémentaire après son passage dans la 2806, mais se serait jetée de façon théatrâle devant les caméras de surveillance de l’hôtel juste après l’événement, avec des vêtements déchirés pour faire bonne mesure. Quelqu’un prêt par convoitise à inventer un viol aurait agi avec autrement plus de sang-froid.

Dans l’hypothèse probable où le procureur de New York, Cyrus Vance, se préparerait progressivement à lâcher l’affaire, DSK pourra peut-être tenter un retour politique en France. Mais le soupçon n’est pas levé. Les électeurs de l’Hexagone pourraient ne pas être aussi prompts à en faire un saint que les journalistes et politiciens français.

Sur le web

Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • Tres bon article que partage tout a fait. De plus les cartes magnétiques démontrent que la femme de ménage n’avait pas menti dans sa première version. Comment une femme non vénale apparemment, aurait pu accepter un rapport sexuel en quelques minutes avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas.
    Par ailleurs je vais encore plus loin dans ces rapports de classe, l’argent de DSK a du servir aussi a orienter la communication , des équipes de conseillers orientent les médias.discréditer cette femme qui est déjà une victime.Je pense comme vous les électeurs Français sauf les strausskhanolatres s’en souviendront le cas échéant.

  • Analyse intéressante et de bon sens. Reste à savoir ce qui s’est vraiment passé entre les deux protagonistes..

  • Ce qu’ils disent en substance les socialistes dans cette affaire c’est qu’une personne avec un casier judiciaire ou éventuellement quelques activités ou contacts louche n’a plus droit à la justice puisque sa parole ne vaut derechef plus rien selon eux.

    Mais ça dépend aussi du client, cf action direct.

    • Donc, selon les socialistes, si on a un casier judiciaire, on n’a plus le droit de se défendre d’un viol, d’une agression,…?
      Dingue ça.

      Le problème de ce genre d’affaire, c’est qu’on ne saura jamais ce qu’il s’est passé vraiment, ce ne seront jamais que des suppositions et les délibérations ne seront rien d’autre que de la « justice academy ».
      On pourrait tirer à pile ou face pour savoir si DSK est coupable ou non.

  • Bon article. Bonne reflexion.

  • DSK n’est pas un personnage recommandable, c’est un voleur international qui vit du recel d’impôt.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
confinement pass sanitaire
13
Sauvegarder cet article

À peine palpable il y a plus d’un an, le malaise de la presse prend maintenant une tournure aussi consternante que visible : si le double-salto arrière carpé rhétorique et le rétropédalage en mode furtif étaient des disciplines sportives, les journalistes des médias de grand chemin pourraient tenter la médaille olympique à mesure que leurs narratifs volent en éclats (de rire).

Rappelez-vous, c’était dans un billet de décembre 2021 qui listait les problèmes déjà nombreux et déjà évidents de la presse à tenir un discours cohérent alors q... Poursuivre la lecture

Depuis un certain nombre d’années se développe le phénomène de fact-checking (vérification de faits) au sein des médias et des réseaux sociaux.

Le principe part d’un bon sentiment : avec la prolifération des informations, il faut démêler le vrai du faux. Toutefois, on assiste à une dérive au niveau des fact-checkers qui tendent de plus en plus à rejeter toute hypothèse qui n’irait pas dans le sens idéologique dominant en l’accusant de complotisme. Le problème est que certaines théories deviennent soit probables soit avérées, affaibliss... Poursuivre la lecture

liberté d'expression Musk haine
7
Sauvegarder cet article

Ce “complot” qui a eu lieu

Avec les #TwittersFiles, ces révélations en chaîne parues sur le réseau social de Musk, il devient évident que sont maintenant avérées ces théories poussées par ce que les médias nomment encore des « complotistes », et peu à peu on se rend compte qu’il existe bien un mouvement global décidé par une petite élite qui vise à réduire à leur plus simple expression les libertés personnelles et fondamentales d’un maximum d’individus sur la planète…

La mise au jour des pratiques entourant les grandes agences de renseignement, les polit... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles