Que savez-vous de l’éducation ?

En ces temps de baccalauréat quelle est la position libérale sur l’éducation?

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Que savez-vous de l’éducation ?

Publié le 26 juin 2011
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L’éducation est l’ensemble des moyens permettant le développement des facultés physiques, morales et intellectuelles d’un être humain. Par extension, l’éducation désigne également les moyens mis en place pour permettre cet apprentissage.

L’État, bien loin de ses obligations régaliennes, prétend se charger de l’éducation des enfants : l’Éducation Nationale a ainsi succédé à la plus modeste Instruction publique, ce que les libéraux considèrent comme une immixtion dans la sphère privée et familiale.

 

Position libérale

Pour certains libéraux, l’État a un rôle à jouer dans l’éducation, en permettant aux personnes issues des milieux les moins favorisés d’accéder à un niveau d’instruction qui dépend plus d’eux-mêmes que des ressources de leur famille. Cependant, et contrairement à la pratique répandue, cette participation de l’État ne se ferait pas par l’existence et le maintien d’établissements scolaires publics mais par une distribution de moyens directement auprès des personnes concernées – par exemple sous forme de chèque éducation, acceptés par certains établissements privés. C’est par exemple la position que défend Friedrich Hayek dans La Constitution de la liberté (Chap. 24) et dans Droit, législation et liberté (Chap. 14).

Il écrit ainsi dans ce dernier ouvrage :

«Concernant l’éducation, l’argument primordial en faveur de son assistance par le gouvernement est que les enfants ne sont pas encore des citoyens responsables et ne peuvent être supposés capables de savoir ce dont ils ont besoin, ni ne possèdent de ressources qu’ils pourraient consacrer à l’acquisition du savoir. [..] Ce raisonnement s’applique seulement aux enfants et mineurs. Mais il est complété par une autre considération qui s’applique aussi aux adultes, c’est que l’éducation peut éveiller en ceux qui la reçoivent des capacités dont ils n’avaient pas encore conscience. [..] Qu’il y ait de solides arguments pour que le gouvernement finance au moins une instruction générale n’implique pas que cette éducation doive aussi être administrée par l’État, et encore moins qu’il doive en avoir le monopole » — Friedrich HayekDroit, législation et liberté [1]

 

Les libéraux sont en général opposés aux règlementations étatiques contraignantes qui aboutissent à l’absence de sélection au mérite (et, partant, à la dévalorisation des diplômes), au collège unique, à la carte scolaire (interdiction de choisir son établissement), au monopole universitaire, à l’enseignement indifférencié, etc.

 

Position libertarienne

Pour les libertariens, il est injuste de contraindre une personne, via l’impôt, à financer l’éducation d’autrui. L’enseignement est donc un service comme les autres, que des individus ou des entreprises vendent à des clients. S’il était appliqué, ce modèle aurait de nombreux avantages sur le plan de la qualité de l’enseignement. Outre les bénéfices tirés de la concurrence entre établissements scolaires et écoles de pédagogie, la délivrance des principaux diplômes ne serait plus un monopole, ce qui permettrait de valoriser de manière optimale les acquis des étudiants.

Le financement des études qui pourrait résulter de ce système est aussi supérieur à la formule de l’instruction publique gratuite. En plus d’intéresser les banques, ce marché pourrait voir fleurir les associations délivrant des bourses aux étudiants. Dans les deux cas, l’obtention de prêts serait soumise à la capacité des candidats à convaincre les prêteurs, et donc à fournir des résultats. Ce principe de responsabilisation favoriserait la réussite scolaire et permettrait aux plus méritants de poursuivre des études.

La conséquence directe montrerait l’inutilité voire le caractère nocif d’un ministère de l’Éducation nationale, dont la mainmise idéologique et politique sur les jeunes esprits n’est pas le moindre défaut.

Pour certains libertariens, comme Murray Rothbard, l’école publique représente un réel danger pour la liberté, car elle repose sur des croyances d’un faux libéralisme issu du dix-neuvième siècle et par des auteurs utilitaristes comme Jeremy Bentham et des auteurs positivistes.

« Le libertarien, alors, se fondant sur la tradition libérale classique ancienne, ne doit pas seulement abandonner l’utilitarisme et le positivisme; il doit aussi abandonner cette tendance du culte de la démocratie et d’une haine irraisonnée envers le catholicisme qui le mène, entre autres défauts, vers la croissance d’un vaste fardeau d’étatisme et de tyrannie, l’école publique. » — Murray Rothbard, Conservatism and Freedom: A Libertarian Comment [2]

 

L’enseignement en France

Au XIXe siècle le monopole public a été graduellement réduit, le plus souvent par l’action des libéraux :

  • la loi Guizot libéralise l’enseignement primaire en 1832 ;
  • la loi Falloux, nommée d’après le catholique libéral Alfred de Falloux (1811-1886), libéralise l’enseignement secondaire en 1850 ;
  • la loi Dupanloup (1802-1878) libéralise l’enseignement supérieur en 1875.

 

En revanche, la fin du XXe siècle voit une régression sous l’influence des thèses égalitaristes : plan Langevin-Wallon (refus de la sélection, « justice à l’école »), collège uniquecarte scolaire, etc.

Cet égalitarisme forcené conduit à la baisse continue du niveau des élèves, à la dévalorisation des diplômes et au découragement des enseignants. L’absence de toute sélection en est à la fois le symptôme et la cause :

« Nul ne soutiendrait que l’on peut devenir un bon skieur en se contentant de s’inscrire à une école de ski, sans effort musculaire dans l’application des instructions du moniteur. Mais l’effort intellectuel n’est plus considéré comme indispensable pour devenir un bon étudiant. Déplorer cette omission est devenu « réactionnaire ». La « société » porterait seule la responsabilité du résultat des études. D’ailleurs on ne dit plus qu’un élève est paresseux, on dit qu’il est « en échec scolaire », fléau anonyme qui s’abat sur le malheureux comme la pluie ou la rougeole. » (Jean-François RevelLe voleur dans la maison vide, Plon, 1997)

 

Citations

« Une éducation générale et étatisée n’est qu’un appareil à façonner les gens pour qu’ils soient exactement semblables entre eux ; et le moule utilisé est celui qui plaît aux pouvoirs prépondérants dans le gouvernement, que ce soit un monarque, un clergé, une aristocratie, ou la majorité de la génération en cours, et dans la mesure où l’appareil est efficace et où il est réussi, il établit un despotisme sur les esprits qui, par une pente naturelle, conduit à un despotisme sur les corps. » (John Stuart MillDe la liberté [3])

« L’Éducation nationale se charge quant à elle de l’embrigadement des enfants. Cette structure tentaculaire est parfaite dans ce rôle. 99 % des professeurs sont acquis corps et âme à la gauche la plus à gauche qui soit, et ils ont parfaitement conscience de leur place stratégique. Ils mettent donc la plus grande attention à diffuser des versions historiques remaniées, expurgées, triturées, afin que la vérité en cours au sein de l’État soit bien diffusée dans les générations suivantes. Si cette vérité venait à changer, le conditionnement reçu interdit toute lecture critique de la presse et les informations reçues sont automatiquement assimilées en lieu et place de l’ancienne vérité. » (Hervé DurayL’État est une secte[4])

« Au lendemain de la guerre, en 1947, les communistes Langevin et Wallon proposèrent de réaliser en France l’école unique, creuset de l’homme nouveau socialiste. Repoussé par deux fois à la Chambre sous la IVe République, ce projet fut mis en œuvre, paradoxalement, par De Gaulle au début de la Ve. […] Dès cette date, l’Éducation ne fut plus nationale. Elle fut, de jure, cogérée par le ministère et les syndicats. De facto, elle fut gérée par les syndicats seuls, car les ministres passaient (et souvent sautaient), alors que les syndicats restaient. Je dis bien que l’Éducation « nationale » usurpe désormais ce qualificatif, car la nation, qui n’a d’autre organe d’expression que le suffrage universel, et d’autres représentants légitimes que le Parlement et le gouvernement, n’eut plus jamais, de ce jour, son mot à dire dans la politique éducative du pays. » (Philippe Nemo [5])

« Comme on interdit à un employeur d’embaucher un enfant de moins de 16 ans, les élèves n’ont d’autre solution que de fuir l’école ou, s’ils sont contraints d’y aller par la force, de résister par la violence à un système scolaire qui les agresse. S’ils n’ont pas envie d’aller à l’école et que les employeurs légaux n’aient pas le droit de les embaucher, ils se tournent vers le marché noir et la délinquance. Que l’on supprime la scolarité obligatoire, que l’on autorise le travail des enfants en deçà de 16 ans, et ces maux disparaîtront comme par enchantement. […] Nous avons le problème classique d’un législateur qui se substitue aux individus et aux familles en croyant savoir mieux qu’eux-mêmes ce qui est bon pour eux. Ils sont alors surpris de voir la réaction de ces jeunes. Quand on utilise la violence pour forcer quelqu’un à faire quelque chose qu’il n’a pas envie de faire, il ne faut pas s’étonner des conséquences que cela engendre. » (Bertrand Lemennicier [6])

« La propagande nationalo-étatiste décrit la santé et l’éducation comme des « biens sociaux », c’est-à-dire le contraire d’un simple bien de consommation ou, pour employer un terme encore plus dénigré, une « marchandise ». C’est ce qui justifierait la mainmise des bureaucrates sur ces secteurs, au profit de la collectivité tout entière. Comme lorsque les bureaucrates planifient les récoltes de patates, ce qui arrive en pratique est que les services de santé et d’éducation sont rationnés et qu’il faut se contenter de services moindres et de moins bonne qualité que ce que l’on souhaiterait obtenir. D’une réforme majeure à l’autre, ces secteurs sont presque constamment en crise. » (Martin Masse)

« L’éducation, aussi bien que la charité, est devenue, chez la plupart des peuples de nos jours, une affaire nationale. L’État reçoit et souvent prend l’enfant des bras de sa mère pour le confier à ses agents ; c’est lui qui se charge d’inspirer à chaque génération des sentiments, et de lui fournir des idées. L’uniformité règne dans les études comme dans tout le reste ; la diversité, comme la liberté en disparaissent chaque jour. » (Alexis de Tocqueville [7])

« La transformation de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes » (Mussolini)

« Si vous pensez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ! » (Derek Bok)(humour)

Notes et références

  1. Friedrich HayekDroit, législation et liberté, Tome 3, chap.14, édition 2007, p.720
  2. Publié dans Modern Age, 1961, spring, [lire en ligne]
  3. « A general State education is a mere contrivance for moulding people to be exactly like one another: and as the mould in which it casts them is that which pleases the predominant power in the government, whether this be a monarch, a priesthood, an aristocracy, or the majority of the existing generation; in proportion as it is efficient and successful, it establishes a despotism over the mind, leading by natural tendency to one over the body », John Stuart MillOn Liberty, édition 1863, p.205
  4. Hervé DurayL’État est une secte[lire en ligne]
  5. Philippe NemoUne trop longue erreurLe Figaro, 16 septembre 2003, [lire en ligne]
  6. Bertrand Lemennicier, « Analyse marginale », [lire en ligne]
  7. Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amérique », tome II, quatrième partie, [lire en ligne]

 

Pour aller plus loin

Bibliographie

  • (en) 1976, Edwin G. West, dir., Nonpublic School Aid, Lexington, Ky.: D. C. Heath and Company
  • (en), 1992, A. S. Wells et R. L. Crain, “Do Parents Choose School Quality or School Status? A Sociological Theory of Free Market Education”, In: P. W. Cookson, dir., The Choice Controversy. Newbury Park, N.Y.: Corwin Press
  • 1993,
    • Myron Lieberman, « Public Education: An Autopsy », Cambridge, Mass.: Harvard University Press
    • Herbert J. Walberg et Joseph L. Bast, “School Choice: The Essential Reform”, CATO Journal, 13(1)
  • 1999, Andrew J. Coulson, « Market Education: The Unknown History », New Brunswick, N.J.: Transaction (en)
  • 2000, Tibor R. Machan, dir., Education in a Free Society, Hoover Institution Press (en)
  • (en) 2009, James Ostrowski, Government Schools Are Bad for Your Kids: What You Need to Know, Cazenovia Books

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  • « La transformation de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes » (Mussolini)

    A ressortir au coin d’un discussion.

  • Moi tout ce que je sais c’est que j’ai eu l’occasion d’examiner de près deux cohorte d’élèves, une avec les anciens programmes, l’autre avec les nouveaux. Mon sentiment (et c’est juste un sentiment que je ne peux pas appuyé sur une étude précise) c’est que les nouveaux programmes ont permis aux redoublants qui venaient de l’ancien programme de briller d’une façon étonnante ; alors qu’un redoublant ne fait en général pas d’étincelles et que changement de programme aurait du encore plus les perturber…

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