La « désindustrialisation relative » est mondiale

La part de l’industrie dans le produit mondial brut est passée de près de 27% en 1970 à moins 17% de nos jours

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La « désindustrialisation relative » est mondiale

Publié le 3 mai 2011
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J’ai déjà eu l’occasion d’aborder le sujet : avec un peu plus de €593 milliards en 2010, la production de notre industrie manufacturière a augmenté de 140% par rapport à 1970 [1]. Au cours de ces 40 années, la valeur ajoutée générée par ce secteur de notre économie – c’est-à-dire la richesse économique qu’il crée chaque année – a plus que doublé [2]. En 2007/2008, juste avant la crise, l’industrie manufacturière française avait même battu son record historique de production et de création de richesse. S’il y a bien eut un net recul dans l’industrie textile, il a été plus que largement compensé par d’autres branches comme – par exemple – les équipements électriques, les produits électroniques ou la cosmétique qui ont connu des croissances supérieures à 600%. Il n’y a donc rien, d’un point de vue absolu, qui ressemble de prêt ou de loin à une « désindustrialisation ».

Pourtant, les tenants de ladite désindustrialisation n’en démordent pas et soulignent que le poids de l’industrie dans notre économie a décliné ; conséquence selon eux des délocalisations vers des pays à bas salaires. En effet, la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière dans notre PIB est passée d’environ 22% en 1970 à quelque chose de l’ordre de 10% aujourd’hui [3]. Comme nous l’avons vu plus haut, cette évolution n’est pas liée à une réduction de la richesse créée par notre industrie mais à une augmentation plus rapide des activités non-industrielles – et en premier lieu des activités de services. Ce phénomène est bien réel mais il n’est pas lié à la mondialisation puisque – comme le souligne l’excellent Mark Perry – la même évolution s’observe à l’échelle mondiale : la part des industries manufacturières dans le produit mondial brut est passée de près de 27% en 1970 à moins 17% de nos jours [3].

Cette « désindustrialisation relative » – c’est-à-dire la baisse du poids des industries dans nos économies – traduit principalement deux phénomènes : une révolution technologiques – qui nous a fait passer, au cours des dernières décennies, d’une économie des machines à une économie de la connaissance et de l’information – et un gigantesque mouvement d’externalisation des fonctions annexes – qui fait que la part de valeur ajoutée qui revient aux services de nettoyage industriels (par exemple) n’est plus comptabilisée dans l’industrie mais dans les services.

(Dessin de presse : René Le Honzec)

La désindustrialisation est donc bel et bien un mythe qui relève du biais cognitif – les fermetures d’usines font la « une » des journaux mais personne n’entends parler des créations d’emplois qui les compensent – et du marketing politique.

Notes :

[1] Insee – Production par branche aux prix de l’année précédente chaînés.
[2] Insee – Valeur ajoutée aux prix de l’année précédente chaînés.
[3] Nations Unies – GDP/breakdown at current prices in US Dollars.

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  • Ah NON ! Halte à la manipulation rhétorique. Laissez ce genre de procédés méprisables aux politiciens.

    Les raisonnement en % sont tous suspects, et en l’occurrence ils sont carrément mensongers : pendant qu’en France la production industrielle stagnait (en ne suivant même pas l’évolution de la démographie) , elle a prodigieusement augmenté dans le monde (même si le reste des activités augmentait suffisamment plus vite pour que la part de l’industrie baisse). Vous pouvez le tourner comme vous voulez : l’occident n’a pas pris sa part d’industrie.
    C’est peut-être un phénomène positif, une forme d’adaptation ricardienne aux avantages comparatifs, on peut en discuter ; mais dire que le phénomène n’existe pas, ça, c’est carrément faux. Et prétendre le démontrer quand même en faisait dire à des chiffres autre chose que ce qu’ils signifient, c’est malhonnête.

  • Le sentiment de désindustrialisation peut s’expliquer par les écarts de valeur ajoutée des industries par rapport aux services, d’où le recul relatif de la contribution des premières dans le PIB, malgré la hausse indubitable montrée par les séries INSEE (sans commune mesure avec les évolutions démographiques). A vérifier en comparant l’historique des séries de production et de valeur ajoutée par branche.

    Le sentiment de désindustrialisation correspond également à la fin du mythe de la « classe ouvrière », la fin d’un prolétariat glorifié à travers les symboles de la gueule noire, de l’ouvrier à la chaîne de Chaplin ou du forçat stakhanoviste. Ce sentiment serait ici plutôt une forme de nostalgie mal placée mais aussi la dernière tentative désespérée de légitimer le socialisme, contre toute logique.

    Derrière le sentiment de désindustrialisation, on retrouve aussi certains corps de l’Etat omnipotent, celui des plans quinquennaux, celui des ingénieurs fonctionnarisés et des grands commis qui oeuvrent à la gloire de la nation plutôt qu’à la liberté de la population.

    Enfin, la désindustrialisation et la mondialisation sont des arguments bien pratiques, tout comme la « spéculation », pour ne pas avoir à faire face à la responsabilité essentielle et fondamentale de l’Etat dans le chômage structurel, les mauvaises performances récurrentes de l’économie française et l’appauvrissement accéléré des français.

    • C’est peut-être un biais cognitif, mais la désindustrialisation ne se voit pas seulement aux « une » des journaux sur les fermetures d’usines, elle se voit tous les jours dans la provenance des objets qu’on achète partout, qui sont le plus souvent « made in ailleurs ».

      Contrairement à la « spéculation », le désindustrialisation me semble une mise en accusation des politiques d’état, coupables de fournir un contexte défavorable à l’industrie, ça me semble donc plutôt positif d’en parler et négatif de nier le phénomène

      • En quoi le « made in ailleurs » devrait-il poser problème ? Au nom de quoi les choix de consommation devraient-ils être limités à la production locale ? Quoi qu’il en soit, poser le débat en ces termes est en réalité absurde, car plus aucun produit industriel complexe n’est conçu et fabriqué exclusivement par un seul pays.

        Pour revenir sur votre indice maximum à 103, il a été démontré dans les commentaires du précédent article que vous n’utilisez pas la bonne série statistique, ce qui réduit singulièrement la portée de vos commentaires et/ou votre compréhension de la question.

        Quant à affirmer que « les raisonnement en % sont tous suspects » ou que l’unité de compte est douteuse, vous devriez prendre le temps de comprendre comment on construit et utilise une série statistique.

      • Le problème n’est pas le « made in aileurs » en soi, le problème c’est que tout cela est le signe que le « made in chez nous » disparait même chez nous (et on sait, au vu des chiffres d’exportations, que ce n’est pas parce qu’il est parti ailleurs !), ce qui veut dire que l’appareil productif ne suit plus (je ne dis pas qu’il fout le camp, ce serait excessif), ce qui veut dire qu’on perd en compétitivité, que l’embauche ne va pas faire des miracles et que le chômage va continuer et que le fisc ne trouvera pas de quoi nourrir Moloch et qu’il va donc fouiller encore plus profond dans nos poches et qu’on est dans la merde.

        Je n’ai rien vu ni à l’INSEE ni dans les commentaires précédents ni ici quoique ce soit qui contredise le fait que l’indice de la production industrielle a plafonné à 103 dans les 20 dernières années…

        Et si je vous dis qu’il faut se méfiez des %, ne me prenez pas pour une pomme qui n’y connais rien, prenez moi plutôt pour quelqu’un qui, quasiment tous les jours, est confronté à des gens qui n’y comprennent rien et à qui il faut expliquer ce que signifie vraiment tel %, telle évolution dans la série longue, et surtout ce qu’ils NE signifient PAS. Je ne sais rien de votre niveau de compétence, mais je connais le mien, et vous pas ; alors je vous conseille plutôt d’éviter de donner des conseils à tort et à travers, et plus généralement de prendre n’importe quel interlocuteur pour un nul qui a besoin de formation…

        • Grand P, si vous ne désirez pas être pris pour un « interlocuteur nul qui a besoin de formation » selon vos propres termes, évitez donc les affirmations péremptoires sur les « % tous suspects », la défiance dans les unités de compte ou les « concepts absolument sans intérêt » : le ridicule de ces affirmations n’a d’égale que le mépris dont justement vous faites preuve envers ceux qui ne partagent pas votre point de vue. Sur ce plan là, vous êtes un maître.

          • Bubulle, vous ne voulez pas aller cracher vos attaques personnelles ailleurs ?

            Moi je trouve cette discussion intéressante. Il faut toujours se méfier des chiffres, car on peut leur faire dire un peu ce qu’on veut et il est sain de les discuter pour pointer d’éventuelles perspectives que l’on n’aurait pas pris en compte.

            Ici, les arguments de P se tiennent tout à fait (de même que les contre-arguments qui lui sont exposés d’ailleurs), donc je trouverais dommage que la discussion s’arrête pour cause de mépris envers les opinions différentes (dont vous êtes ici de mon point de vue extérieur le seul à faire preuve).

          • GIlles, je vous comprends mais laissez donc à P ce qui est de sa responsabilité. Discuter des chiffres ou des interprétations est utile (par exemple on peut discuter de l’opportunité d’agréger ou non la construction et l’industrie dans les séries) mais affirmer que les « raisonnement en % sont TOUS suspects » ou que l’auteur développerait un « concept ABSOLUMENT sans intérêt » est, me semble-t-il, la meilleure façon d’interrompre la discussion. Sur le fond, les arguments de P ne tiennent pas comme expliqué plus haut, ainsi que dans les commentaires du premier article auquel il est fait référence.

        • nous avons bien quasiment les même chiffres (j’utilisais http://www.insee.fr/fr/indicateurs/ind10/20110310/series_longues_ipi_201101.xls , c’est quasiment pareil), seulement (encore une fois), une progression aussi minime et érratique sur une période aussi longue, j’appele ça une stagnation (et, désolé, mais le coup du « la crise fausse les résultats », je ne suis pas d’accord : la « crise » fait partie du cycle économique et il n’y a aucune raison de faire comme si on seuls les chiffres hauts avait une valeur).

          Je n’ai aucun avis sur les autre pays occidentaux, moi mon sujet c’est nous, français. Mais ça ne me surprend guère de voir que l’Allemagne les USA et le Canada s’en sortent mieux que nous…

          Maintenant, si vous vous contentez d’une « progression » aussi faible (inférieure à la hausse de la population), c’est votre droit. Champagne et cotillons et vive la politique économique des gouvernements français depuis 1990…

  • Je la refais. Le vice de l’article est double :
    1) il parle d’un concept absolument sans intérêt, qui est la « désindustrialisation relative ». Comme tout machin calculé en % d’un autre truc, il faut s’en méfier comme de la peste et en l’occurence il ne vaut pas un clou. La production industrielle en chiffre absolu, ou éventuellement par habitant, est un indicateur intéressant de l’évolution industrielle du pays ; en revanche que peut signifier le ratio de la valeur de cette production industrielle par celle de toute l’économie ? rien d’utile.
    2) L’article prétend que le monde entier vit la même désindustrialisation relative que nous. C’est faux. Partout dans le monde l’industrie a cru de façon colossale. Sa part relative s’est effectivement réduite, mais c’est seulement parce que le reste a cru encore plus vite.
    Chez nous, c’est tout différent : l’industrie a stagné, et c’est seulement le reste de l’économie qui a augmenté (et, dans ce « reste de l’économie », c’est surtout le secteur non marchand, c’est à dire le cout –et non le service ! — des diverses administrations. ) .

    • si, j’ai lu l’article, et j’ai dénoncé ailleurs cette présentation dans l’article http://www.contrepoints.org/2011/03/29/19119-il-ny-a-pas-de-%C2%AB-desindustrialisation-%C2%BB : le fameux maximum de 2007/2008, c’est en fait une production à l’indice 103, entre temps on est descendu jusqu’à 85 et remonté à 95. Sachant qu’on partait de 89 en 1990, je trouve qu’il faut de drôle de lunettes et une bizarre conception de la croissance pour dire que la « production industrielle ne cesse de croître ». Un mouvement en 20 ans de l’indice 89 à l’indice 95 en passant par un maximum de 103 et un point bas à 85, j’appelle ça une stagnation, pas une croissance incessante.

      Quant à la hausse de la valeur (le fameux doublement en 40 ans), bof bof … plus le temps passe, moins j’ai confiance dans l’unité de compte (qui n’est finalement que le papier de Trichet) et je ne pense pas que vous lui fassiez plus confiance que moi … il serait amusant de tout ramener à des prix en or ou en baril de pétrole, ou même en hectare de terre ; je parie qu’elle aurait alors une drôle de tête la croissance de la valeur (et, au passage, du PIB) en 40 ans, tiens !

  • Pour l’instant je n’ai pas l’impression que ses raisonnements ne tiennent pas, non. Ils sont simplement différents. Or, des mêmes chiffres peuvent effectivement s’interpréter différemment selon les circonstances.

    En l’occurrence on a une montée du chiffre. Et on peut effectivement dire à la fois que cette montée est petite et quasi-stagnatoire, et à la fois que c’est tout de même une montée. Deux interprétations, deux interprétations justes.

    Quant à dire que les raisonnements en % sont tous suspects, je suis plutôt d’accord avec lui. Les pourcentages sont les meilleures armes de la manipulation des chiffres, et on voit d’ailleurs souvent des articles sur Contrepoints pour démonter ce type de raisonnement (exemple: salaire des femmes).
    Dire que les raisonnements en % sont tous suspects ne veut pas dire qu’ils sont tous faux, mais qu’il convient de les traiter avec la plus grande prudence car l’interprétation à en faire peut s’avérer extrêmement changeante selon ce qu’on voudra y voir. Et je suis parfaitement d’accord avec ça.

    Quant à dire que la désinstrualisation relative est « absolument » sans intérêt, là aussi j’aurais tendance à le soutenir. Outre le problème de % évoqué, on a là un chiffre qui ne mesure rien de réel si ce n’est un vague sentiment préjugé. Rien sur la valeur de production, le nombre d’emplois, les conditions de productions, bref les vraies conséquences directement mesurables sur la société.
    Or quand on parle de désinstrualisation en France, ce qui est ciblé c’est ces conséquences directes en terme d’emploi…

    • Vous disposez des liens qui pointent les séries : chargez-les sur votre tableur, tracez les graphiques et faites les calculs.

      Remettre en cause les inférences statistiques charlatanesques, par exemple celles des écologistes, est tout à fait légitime. Mais discuter d’une description objective de la réalité est vain. Aussi, dès lors que tous les % sont qualifiés de suspects, toutes les observations rigoureuses sont rejetées en bloc, on quitte le domaine de l’analyse objective pour rejoindre celui de la politique et de l’idéologie. C’est votre droit.

      Vous avez raison d’évoquer l’emploi dans l’industrie mais ce n’est pas le propos central de l’auteur. En revanche, grâce à lui, vous pourrez vous poser les bonnes questions, par exemple : « une fois débarrassé de l’erreur d’analyse provoquée par le sentiment de désindustrialisation, qu’en est-il réellement de l’emploi industriel en France ? »

      • Gilles a parfaitement compris ce que j’exprimais, il l’a parfaitement retranscrit : rien à ajouter. Les raisonnements en % sont suspects, à prendre avec des pincettes, et à éviter autant que possible ; au mieux, il traduise correctement un phénomène à condition qu’il soit de type récursif/ exponentiel (et il ne sont pas tous comme ça !), au pire ils ne font que colporter la croyance que des kg de choux sont comparables à des tonnes de légumes… On n’en a jamais besoin, absolument jamais, pour faire des observations rigoureuses. Rejeter les premiers ce n’est donc pas rejeter les observations rigoureuses, c’est au contraire leur laisser toute la place.

        Quant à votre dernière question, la réponse est simple à trouver sur les sites officiels : la production industrielle stagne et l’emploi s’érode ( voir http://www.industrie.gouv.fr/sessi/tableau_bord/tbei/tbei.pdf et, plus récent mais plus court, http://www.industrie.gouv.fr/p3e/tableau_bord/ic/tbic_201104.pdf )

        • Je ne sais pas si Gilles vous a compris, mais il doit se gratter furieusement le ciboulot après avoir lu ça : « Les raisonnements en % (…) au mieux traduisent correctement un phénomène à condition qu’il soit de type (…) exponentiel ». Sérieusement, si vos phénomènes exponentiels persistent, avalez donc un logarithme !

  • Pourtant, à Marseille, toutes les usines ont fermé, notamment à l’Estaque, quartier que je connais bien. Kuhlman, les tuileries, tout un patrimoine industriel n’est plus qu’un souvenir. Il ne reste que les friches, qu’il faut décontaminer.

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