Le « riche » est-il un voleur ?

Le « riche » est devenu, dans notre société, voire a toujours été, un horrible personnage

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Le « riche » est-il un voleur ?

Publié le 25 avril 2011
- A +

Par Stéphane Geyres

Le « riche » est devenu, dans notre société, voire a toujours été, un horrible personnage, souvent vu comme la source de tous nos maux et des crises qui s’enchaînent. Une affiche vue récemment dans la rue, rouge, au poing levé, proposait ainsi : « les profits se portent bien, que les riches paient pour nos retraites.»

Ce genre de proposition suppose que le riche est un voleur et qu’il n’est que justice que ses profits nous soient restitués. Pourtant, en est-il vraiment ainsi ? Tous les riches sont-ils forcément des voleurs, ou certains au contraire pourraient-ils même être des bienfaiteurs ? Oser une telle question constitue déjà un certain affront pour bien des gens. Essayons pourtant de prendre un peu du recul.

(Dessin de presse : René Le Honzec)

Mais au fait, comment devient-on riche ? Il n’y a guère que trois façons de devenir riche : hériter, voler ou engranger des profits. L’héritage mériterait une discussion en soi, mais concentrons-nous sur les profits, puisqu’ils sont la cible de notre affiche. Les profits sont-ils un vol, ou sont-ils d’une autre nature ?

Pour engranger des profits, la première idée consiste à faire « des affaires,» c’est-à-dire du commerce. Commercer, c’est échanger, en général un produit – une voiture, une baguette, un savon – ou un service – prendre l’avion, se faire soigner – contre une somme d’argent convenue, le prix. Echanger 1 euro contre une baguette est un acte banal, quotidien, auquel on ne prête guère attention. C’est pourtant en échangeant toutes ses baguettes de la journée que le boulanger gagne son pain, qu’il s’enrichit. Pour lui, il est important de vendre ses baguettes, il y tient en fait beaucoup moins qu’il désire les euros de ses clients, et c’est dans la valeur qu’il attache à ces euros qu’il puise sa richesse chaque jour.

Mais le boulanger n’est pas le seul à s’enrichir ainsi. Le client aussi. Car si le client accepte de donner un euro au boulanger, c’est qu’il préfère la baguette à sa pièce de 1 euro. Son bien-être est ainsi – légèrement – augmenté par cet échange, mais cela montre bien que sa richesse a un peu augmenté grâce au pain du boulanger. Il ressort de chez le boulanger plus riche que lorsqu’il y était entré, même s’il possède un euro de moins.

Car la richesse ne se mesure pas aux euros qu’on a dans son porte-monnaie, mais au bien-être qu’on tire des produits et services dont on profite. L’argent n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen d’accéder à ses désirs, aux envies et aux besoins que nous avons, chacun de nous. Etre vraiment riche, c’est pouvoir assouvir la plus profonde, la plus impossible de ses envies.

Ce riche-là est donc quelqu’un qui a beaucoup échangé avec d’autres en commerçant avec eux et en a dégagé de nombreux profits. Mais n’oublions pas ses clients. Eux aussi ont augmenté leur richesse par ces échanges. On se rend compte alors que dans notre société complexe, où on dépend tous les uns des autres, on ne peut pas devenir riche tout seul. La richesse du riche commerçant est donc proportionnelle à la richesse qu’il a apportée à ses clients. Contrairement à ce qui nous est affirmé très souvent, le riche a donc un rôle social indispensable à la prospérité de tous.

L’autre manière « d’engranger des profits » souvent plus contestée, c’est de « jouer » en bourse. C’est bien sûr le riche que vise notre affiche rouge au poing levé. Jouer en bourse, c’est aussi acheter une entreprise pour la revendre plus tard, plus cher, comme un vulgaire objet de luxe, dans le mépris des employés, nous dit-on. Mais ce genre de jeu est très incertain, l’investisseur ne gagne pas à tous les coups. Ce riche-là peut vite devenir plus pauvre que vous et moi. Mais s’il réussit son pari, c’est que d’une façon ou d’une autre, il a réussi à convaincre que la valeur de l’entreprise a augmenté. C’est aussi ce que le patron de L’Oréal ou de Chanel fait chaque jour : convaincre le marché que son entreprise a plus de valeur.

Et lorsque l’entreprise est revendue, plus cher, tout le monde gagne : le riche investisseur, ou patron, l’acheteur – qui pense faire une bonne affaire – mais aussi les employés, car ils peuvent alors plus facilement négocier un salaire à la hausse. Jouer en bourse, investir, tenter de s’enrichir sur le dos d’une entreprise, c’est en fait accroître la richesse de tout le monde si cela marche – ou devenir pauvre tout seul si cela échoue.

Prenons quelques exemples concrets de riches célèbres. Bill Gates, Gérard Depardieu ou Zinedine Zidane sont des noms qui viennent à l’esprit, quoique connus dans des domaines très différents. Bill Gates a créé Microsoft dans un garage et cette entreprise est devenue en moins de 30 ans le leader mondial du logiciel. Mais pour arriver à un tel résultat, il lui a fallu convaincre le monde entier que ses logiciels sont les meilleurs, c’est-à-dire que leur valeur est bien supérieure à leur prix de vente. Et en effet, les logiciels Microsoft ont révolutionné la bureautique, au point de changer l’organisation des tâches administratives dans la plupart des entreprises, où les machines à écrire ont pratiquement disparu. Par ses inventions, Bill Gates via Microsoft a ainsi permis au monde entier d’être plus performant et de pouvoir se consacrer à des choses plus importantes que changer le ruban d’une machine à écrire. La richesse de Bill Gates est le reflet de la richesse qu’il a apportée au monde entier depuis 30 ans.

Gérard Depardieu et Zinedine Zidane n’ont semble-t-il rien à voir avec Bill Gates – leur fortune est bien plus modeste, ce ne sont pas des ‘patrons’ mais des artistes, la comparaison semble presque dégradante pour eux. Pourtant, eux aussi ont indiscutablement fait fortune grâce à leur talent d’acteur ou de footballeur. Et cette fortune n’a pas pu se faire seule, il a fallu que leur talent soit reconnu par le public pour cela. Pour eux aussi, leur richesse est le reflet de l’accroissement de bien-être qu’ils ont apporté au public grâce à la qualité de leur jeu, grâce au spectacle qu’ils ont su nous offrir.

Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que le riche est encore plus bienfaiteur que cela, son rôle dans la société ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, acheter une voiture, un ordinateur ou un téléphone portable sont devenus des actes d’achat presque banals, la grande majorité des gens ont une voiture, ou plusieurs, un portable et de plus en plus ont un ordinateur. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, ces trois objets valaient une fortune et étaient inaccessibles au commun des mortels. Et en plus, les voitures, téléphones et ordinateurs d’il y a 10 ou 20 ans étaient de vraies pièces de musée comparés aux bijoux luxueux largement disponibles de nos jours.

Le riche dans tout ça ? Si au début du XXème siècle des riches n’avaient pas dépensé des sommes énormes pour le luxe d’une voiture pourtant poussive et peu confortable, messieurs Peugeot ou Renault ne se seraient pas précipités pour en fabriquer de nouvelles, encore plus belles et plus rapides. Voitures que d’autres riches encore n’auraient pas achetées, donnant de ce fait encore plus d’espoir de richesse aux constructeurs, qui continuaient à inventer de meilleures voitures encore moins chères. De même, si les riches des années 80 n’avaient pas accepté de payer très cher les premiers téléphones portables, pourtant lourds, malcommodes et sans autonomie, les Nokia ou autre Motorola ne se seraient pas fait une concurrence acharnée pour les satisfaire, inventant ainsi des nouveautés toujours plus légères, pratiques et aux prix toujours plus bas.

Le riche est donc doublement un bienfaiteur et sa richesse est sa juste récompense. Il est riche parce qu’il a contribué à l’enrichissement de beaucoup d’autres et sa richesse a permis à tout le monde de profiter des inventions qu’il a lui, avant tous les autres, accepté de payer très cher.

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  • Il y a quand même deux problèmes :

    Bill Gates est un très mauvais exemple actuellement car, depuis dix ans, microsoft a plus que tendance à ralentir l’innovation. Autant les logiciels bureautiques peuvent convaincre _ l’achat étant consenti _ même s’ils sont surclassés en part de marché par le libre, autant ce n’est pas le cas pour le système et le navigateur.

    Deuxièmement, cet article est valable pour _et s’appuie sur _ un enrichissement par l’investissement _ la spéculation _ à long terme. La création de richesse est beaucoup plus contestable pour de la spéculation à court terme, qui représente une moitié des bénéfices.

    Donc ce raisonnement est correct, mais pour une partie des « riches » seulement.

  • alnurn,

    Merci pour cette réaction. Oui, il est clair que je simplifie la réalité dans ce post, car je souhaite me concentrer en fait sur les mécanismes économiques fondamentaux de la création de richesse.

    Je le dis d’ailleurs, j’omets volontairement les héritiers, notamment princiers, dont la fortune est plus que contestable.

    Mais je mets de côté aussi les oligarques et autres privilégiés, qui sont de nos jours foison, et c’est par exemple pourquoi je n’ai évoqué aucun homme politique ni aucun grand patron français…

    Pour ce qui est de la spéculation a court terme, je ne vois pas ce que cela change, car la spéculation est créatrice de richesse tout pareil, c’est même la forme la plus partagée car il n’y a pas sur Terre d’homme qui ne soit un spéculateur.

    Cordialement.

    • En fait, je rejoins votre article sur pas mal de points, mais pour moi, la spéculation à court terme n’est pas créatrice de richesse. C’est peut-être un raccourci, mais elle n’augmente pas la richesse totale présente. En fait, elle a simplement un facteur de modification des prix, et elle extrait une partie de la richesse totale. C’est en fait une ponction sur la production ou sur l’échange. En aucun cas une création de valeur, à la différence de ce que j’appelais l’investissement qui, lui, permet l’apport de capital à l’échange ou à l’activité productive.

    • En effet, l’héritage n’entre pas, dans tous les cas, dans cette catégorie de richesse globalement utile. Au nive

      • *au des grands patrons français, ils sont quand même pour une bonne part les élus d’un certain nombre d’actionnaires comme partout ailleurs (si on excepte Bouygues, Dassault…). Ils ne sont donc ni plus ni moins oligarques qu’ailleurs.

        Non, la spéculation n’est pas forcément créatrice de richesse. C’est un jeu à somme nulle, sans même modifier la répartition finale des biens échangés : simplement leurs prix _ici, c’est la spéculation rapide, sans prendre en compte d’autres types de spéculation comme l’accumulation dans le but de faire monter les prix t, justement, l’investissement.

        Excusez le multi-post.

        • « C’est un jeu à somme nulle »

          C’est là votre erreur.
          http://www.contrepoints.org/2011/04/07/20383-la-valeur-des-choses

          « sans prendre en compte d’autres types de spéculation comme l’accumulation dans le but de faire monter les prix »

          Mouais, c’est surtout une méthode qu’aiment utiliser les étatistes et les déterministes pour personnaliser le mauvais sort et les mauvaises décisions politiques ; les gouvernements qui désignent un bouc émissaire afin de se déresponsabiliser des conséquences que provoquent leurs politiques interventionnistes et monétaires qu’ils ne comprennent pas de toute façon.

          On préfère généralement parler de l’accaparement parce qu’on ne tient pas en compte des choses qui font évoluer le prix comme par exemple une mauvaise saison, l’impression de monnaie,…
          Il faut que ce soit le fruit d’une conspiration obscure qui veut détruire la nation et plonger le bon peuple dans la misère.

          Cette mode était courante aussi il y a 80 ans, juste qu’on n’avait moins de scrupules à l’époque à faire des liens entre cette « conspiration » et un groupe religieux.
          D’ailleurs, le moustachu ne disait-il pas dans son bouquin que les Juifs cherchaient à détruire la nation ?

          Et puis, quel serait le coût de l’accaparement d’une ressource afin d’en faire monter artificiellement le prix ? Est-ce que les gains seront au moins supérieurs à ce coût ? Est-ce qu’un tel accaparement monopolaire est seulement possible ?

          • Heuuu juste comme ça, je dit justement que je passe l’accaparement sous silence et que je parle du reste. Au passage, bravo pour le point Godwin. Bon délire conspirationniste alors _ considérez que je vous insulte de toutes les manières possibles.

            L’accaparement est quelque chose de très différent de la spéculation classique. Cela demande des moyens plus importants. En ce moment, je crois qu’il n’y a guère eu que le cacao où cela se produise.

            Pour l’argument de votre lien, j’estime y avoir déjà répondu. L’échange crée de la valeur, pas le pari. Sinon, allez jouer avec vos semblables au bistrot du coin _ ou au casino, c’est selon.

            Lisez quand même mon post en-dessous pour voir un peu comment j’interprète le reste de la spéculation.

          • « Au passage, bravo pour le point Godwin. »

            Godwin ou pas, c’est un fait. Lorsque la république de Weimar a utilisé la planche à billets, on criait à l’avidité de la finance, supposée détenue par les Juifs.

            J’estime que la dénonciation de la spéculation actuelle n’est pas vraiment différente de la démarche anti-intellectuelle qu’il y a eu à l’époque.

  • alnurn,

    Un échange >volontaire< a somme nulle, cela n'existe pas.

    La spéculation a court terme, ce n'est jamais qu'un pari, un investissement comme un autre. Ça peut échouer si l'investissement s’avère une erreur, bien sur, mais court ou long terme, je ne vois pas ce que cela change.

    A+

    • Si, cela change tout : cela correspond à des prix décorrélés de, disons, la réalité de l’offre et de la demande. La somme nulle correspond bien sûr à la production de richesse réelle : les spéculateurs empochent une partie de la monnaie, mais celle-ci n’est pas créée ex-nihilo. Alors bien sûr on peut dire, comme vous le faites, que chaque échange est consenti par les deux parties et donc mutuellement bénéfique, mais c’est assez simplificateur. Dans la globalité, la spéculation n’a pas permis de création de valeur _ étant donné que les spéculateurs s’y intéressent sous sa forme « circulante » : la monnaie, et que la valeur de celle-ci n’augmente pas dans le processus. Sur le plan de la monnaie et des biens, il y a bien somme nulle pour la spéculation _ et uniquement celle-ci. Les biens se retrouvent finalement chez ceux qui en ont besoin, et une partie de la monnaie chez le vendeur d’origine, ce qui correspond au cas sans spéculation. Mais une autre partie de la monnaie est ponctionnée _ ou perdue _ par les spéculateurs. Le pari n’a pas augmenté la richesse globale par rapport à l’absence de spéculation : le vendeur et l’acheteur auraient tout de même échangé.

      L’effet de la spéculation est donc un problème sur les prix, les bulles, sans création de richesse réelle… Une spéculation modérée _ qui correspond au commerce classique est néanmoins souvent nécessaire _ comme vous l’avez dit, nous sommes tous des spéculateurs. Mais elle n’a jamais atteint la vitesse actuelle. La spéculation ne devrait au moins pouvoir se faire que sur des biens réels, et non des ventes à terme avec simple paiement de différences.

      A+

      • Je dois dire que je ne vois pas ce que vous voulez dire, à moins que vous ne considériez que la valeurs soit objective.

        Le fait de spéculer n’est rien d’autre que d’acheter les marchandises lorsque et où elles sont abondantes, donc moins chères, pour les revendre lorsque et où elles sont plus rares, donc plus chères.

        Ce principe permet de faire des réserves durant l’abondance pour redistribuer durant les périodes de disette. C’est bien là ce qu’on peut décrire comme étant la politique de la fourmi.

        Sans cela, on agirait comme la cigale, on gaspillerait durant les périodes d’abondance et diminuerait la production alors qu’on n’aurait plus rien durant les disettes. C’est comme ça qu’arrivent les famines dans les pays qui interdisent la spéculation.

        Quelle est, au Maghreb, la production agricole locale par rapport aux besoins alimentaires ?
        J’ai lu qu’elle était très faible, de l’ordre de 2 ou 3% en Libye par exemple.

        • Justement, la majorité de la spéculation actuelle se fait sur des échelles de temps de l’ordre de la dizaine de millisecondes : il ne s’agit pas d’anticipation d’une quelconque période de disette.

          L’autre partie embêtante constitue les marchés à terme sans obligation de prendre livraison : là aussi, il ne s’agit d’anticipation utile que pour ceux qui prennent livraison des produits, pas pour ceux qui parient simplement.

          C’est bien pour cela que je distingue la spéculation à court terme _ on pourrait dire inférieur à la journée _ de celle à plus long terme, que j’appelais un investissement, mais dans lequel le commerce classique rentre aussi _ comme en Lybie où, comme vous vous l’imaginez, les échanges « utiles » se font sur des échelles de temps de l’ordre du mois. La distinction est également à faire entre le pari pur, dématérialisé, et l’achat puis la revente d’une marchandise.

          Il y a différents types de spéculation : évitez la généralisation. Aucun rapport entre un cycle achat/vente, une transaction à terme prise comme une assurance, ou comme un pari sans livraison de marchandise, et du high frequency trading. Autant le premier est nécessaire, le second utile, le troisième et le quatrième sont au mieux inutiles, au pire nocif à l’économie en général.

          • Alnurn, si on tente de suivre votre raisonnement, celui qui ferait un placement en overnight ou en swing serait un « investisseur », tandis que celui qui assurerait la liquidité d’un marché en intraday serait un « spéculateur » ?

            Concernant les contrats à terme, en quoi l’obligation ou non de prendre livraison est-elle caractéristique de l’utilité ou de l’inutilité d’une transaction ?

            En quoi la « spéculation » n’est-elle pas créatrice de valeur ? Selon quels critères une transaction cesse-t-elle d’être « spéculative » pour devenir un « investissement » ?

  • 1/ Oui, la spéculation est créatrice de richesse. Sans spéculateurs, les marchés seraient moins liquides et le coût de la liquidité serait plus élevé. Cela veut dire que les taux d’intérêt seraient en tendance plus élevés. Une entreprise aurait plus de mal à trouver des capitaux et devrait donc promettre des taux de rentabilité plus élevés ce qui réduirait le nombre d’investissements réalisables etc. Pour comprendre ce phénomène, mettez vous dans la peau d’un épargnant qu’un investisseur vient solliciter pour financer son projet. Si l’investisseur vous dit « j’ai besoin de votre épargne pour 10 ans », votre prix va dépendre de plusieurs facteurs mais aussi de la possibilité de récupérer votre épargne au moindre coût avant le terme des 10 ans (en cas de besoin). S’il n’y a pas de marché secondaire suffisamment liquide, vous risquez de ne pas pouvoir sortir ou bien à des conditions dégradées (i.e vous ne récupérerez pas toute votre épargne). La liquidité du marché va vous rassurer et vous serez en conséquence moins exigeant sur le prix. La présence de spéculateurs amateurs ou professionnels, en apportant de la liquidité au marché, vient en abaisser le coût. Le spéculateur rend service (même si ce n’est pas son objectif, bien entendu).

    2/ Autre erreur répandue : que le caractère spéculatif ou non d’un investissement/placement dépend de son horizon temporel. Les spéculateurs seraient ceux qui cherchent un profit à court terme. Autant dire, que selon cette définintion, nous sommes tous spéculateurs. En réalité, d’une part, il y a des projets qui par nature sont longs et d’autres courts, d’autre part, il y a des investisseurs qui pensent pouvoir gagner rapidement et d’autres à plus long terme (question de stratégie). Mais il n’y a pas de différences de nature entre les deux, chacun recherchant le profit. Je ne connais pas d’épargnant dont l’objectif d’investissement/placement soit de perdre son épargne.

  • Autre chose : tout le monde (ou presque) condamne la spéculation mais personne ne trouve rien à redire contre ces millions de gens qui jouent tous les jours ou toutes les sermaines à des jeux de hasard en espérant décrocher la timbale! Le comble, c’est que dans cette population on retrouve la plupart de ceux qui critiquent la spéculation!

  • Je vois surtout que la spéculation assure une régulation souple des prix et de la production.

    En achetant en masse lorsque la demande est faible, même à très brève échéance, il contribue à soutenir les cours donc à maintenir en vie les producteurs sans pour autant voler l’argent de ceux qui font correctement leur travail afin de payer des subventions à ceux qui ont mal anticipé les besoins.

    En revendant lorsque la production est faible par rapport aux besoins, il essaie -parfois en vain- de réaliser un bénéfice, mais le prix de vente demeure inférieur à celui qu’il serait s’il fallait créer dans l’urgence une nouvelle filière d’importation ou de production, de sorte qu’en fait il permet de baisser le prix de vente de ce sur quoi il a spéculé.

    Le tout sans faire appel à un État ou à un fonctionnaire potentiellement corruptibles.

    Au final, c’est « tout bénèf’ pour tout l’monde! »

    Ce genre d’activité régulatrice au bénéfice de tous, réalisée à ses risques et périls, mérite bien quelque compensation, non?

    Et puis pour ce qui est du capital des entreprises cotées en bourse, cela se traduit par une meilleure capacité pour ces entreprises à lever des fonds pour investir sans avoir recours aux banques, en émettant de nouvelles actions.

  • C’est bien pour cela que je distinguais différentes formes dans la spéculation. Il va de soi que le cycle achat/vente classique assure, comme le fait remarquer fred972, l’anticipation. C’est le cas aussi des ventes à terme.

    Là où, à mon sens, se situe l’erreur est dans la généralisation des bénéfices de cette forme de spéculation à toutes : vous restez dans l’optique de cette spéculation particulière, là où la majorité de la spéculation actuelle, et des capitaux, se situent ailleurs.

    Pour reprendre vos exemples, si je prends un pari sur l’évolution d’un cours, détaché de son achat réel, je n’ai pas apporté de capital à l’entreprise. Je n’ai pas contribué à l’entreprise elle-même. J’ai simplement contribué à une certaine anticipation. De même pour les paris sur n’importe quel autre bien.

    Seulement, comme toute spéculation, cela tend à créer des bulles, à la hausse comme à la baisse _ je ne vous apprends pas l’effet. L’anticipation est galvaudée, et on obtient des cours détachés du bien d’origine.

    D’où, pour Bubulle, le fait que je soutiens que certaines spéculations sont moins créatrices de valeur.
    Celles-ci, quand elles sont poussées à l’extrême, ne participent pas à l’anticipation des besoins, comme le commerce classique, juste à celle des cours.
    D’autre part, elles participent moins, voire pas du tout à la liquidité du marché ni à l’apport de capitaux, car elles n’apportent pas de capital : elles se résument à payer une différence, sans achat de la matière première, de l’action, enfin du bien.

    C’est pour cela que je différencie avec livraison et avec paiement de différence sur les marchés à terme : avec livraison, il s’agit d’un achat, qui apporte liquidité et qui a un but souvent assurantiel : une anticipation. Sans, il n’y a pas apport de capitaux, mais on garde l’influence sur le prix, et donc la volatilité inhérente, elle, à toute forme de spéculation, risque absent chez les parieurs du bistrot qui n’ont pas d’influence au delà du prix de leur billet.

    C’est d’ailleurs pourquoi l’argument de Georges Kaplan est un raccourci : sur les oignons, aux USA, TOUT contrat à terme est interdit, ce qui ôte leur fonction assurantielle. Contrat à terme n’est pas synonyme de pari. La partie dont je parle est, je le répète, celle des contrats à terme où il n’y a pas achat réel ni apport de capitaux, ce que représentent certains produits dérivés.

    @Lio, le caractère spéculatif d’un événement ne dépend pas de l’horizon temporel… Certainement, puisque tout est spéculation. Mais le caractère anticipatif d’un besoin se perd quand on approche de la milliseconde. L’autre erreur que vous répétez est de croire qu’il n’existe qu’une forme d’échange, ce qui est faux. En l’occurence, selon que le capital est destiné à un achat ou à un simple pari, il remplit ou non ses fonctions d’apport de liquidité et autres, que vous nous présentez comme inhérentes à la spéculation, alors que vous vous placez dans le cas particulier d’un cycle achat/vente. Cette argumentation est parfois aussi valable pour un achat à terme d’un bien matériel, par exemple une matière première, pour peu qu’il y ait _livraison_ et non simple paiement de différence.

    • Et juste un petit ajout : pourquoi est-ce qu’une spéculation uniquement basée sur des cycles achat/vente et des livraisons à terme n’a pas une telle volatilité.
      On a vu que le pari à terme n’apportait pas de liquidité, mais qu’il influait sur les prix. La livraison à terme est nécessairement limitée par le volume de biens à échanger _ ce n’est pas le cas du pari_ et donc a une influence bien plus modérée sur le prix.

      Il y a plein de tels raisonnements à faire, un peu longué, mais je me voyais mal tout laisser à votre sagacité. On peut pousser un peu, en cas de surproduction, de biens périssables, etc. On constate dans tous les cas que l’effet du pari à terme ne peut pas être identique à celui de la livraison à terme.

      Du risque de trop généraliser.

    • « le caractère spéculatif d’un événement ne dépend pas de l’horizon temporel…  »

      Ah bon ? Depuis quand pouvez-vous arrêtez le temps des autres qu’on achète avec de l’argent ?

  • Un (long) rapport de commission de l’assemblée nationale qui traite de la question en profondeur : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-enq/r3034.asp#P4134_834278

    On y comprend l’obsession de nombreux politiques à ce sujet (Emmanuelli en particulier), par le mépris dont ils font preuve dès qu’un intervenant ne répond pas favorablement à leurs sollicitations et par la répétition des dogmes socialistes ou keynésiens pour légitimer leurs thèses de « biens publics » ou « d’utilité sociale ».

    Malgré cela, ce rapport a le mérite de démystifier la spéculation (y compris le HFT), dont personne n’est capable de dire à partir de quand elle deviendrait « nuisible », ce qui prouve que les attaques dont elle fait l’objet est pure instrumentalisation idéologique (bouc-émissaire).

    En revanche, quelques intervenants expliquent que la crise a sa source dans l’excès de liquidité qui inonde le monde, bien avant que les « spéculateurs » ne s’en emparent. Mais il s’agit là d’une dérive des Etats, non des marchés libres ou de la spéculation.

    C’est plus la question de la transparence des marchés de gré à gré qui fait problème. Mais le défaut de marchés organisés est également une dérive des Etats-providence, qui préfèrent jouer plutôt que de se limiter à être des arbitres.

    • Sur la fin, c’est en effet bien possible. En ce cas, la totalité du marché financier actuel _ dont les banques_ rentrent dans le cadre de ces dérives des états.

      En revanche, je trouve tout aussi idéologique la défense de la spéculation que son attaque _ il suffit de voir ici le fait qu’on se focalise sur un type particulier de transaction _ et pas plus argumentée. Si personne ne voit à partir de quand le HFT devient nuisible, il reste néanmoins établi que personne n’a jamais trouvé d’argument établissant une quelconque utilité globale _ de création de liquidité, d’apport de capitaux, d’harmonisation des prix _ à des événements de passant sur ces échelles de temps. Certes, plus ça va vite, plus les prix sont proches sur toutes les plates-formes. Cela n’en fait cependant pas une nécessité économique, sans oublier ce dont je parlais principalement, les paris, qui ne possèdent pas les atouts de la spéculation classiques évoqués par Lio et fred972 _ cela se discute pour le HFT justement pour son léger rôle d’harmonisation des cours entre plate-formes. Néanmoins, la possibilité de retirer les ordres ou de vendre et acheter en même temps en fait un outil de manipulation de cours phénoménal _ regardez les procès récents autour de Goldman Sachs si vous n’êtes pas convaincu.

      Merci pour le lien.

      • D’après certaines sources, le HFT assure 50% de la liquidité quotidienne des marchés : c’est extrêmement utile car le HFT permet aux investisseurs d’acquérir ou de céder un titre à tout moment. A propos du facteur temps, Benoît Mandelbrot a démontré que les variations de prix et de quantité évoluent de façon similaire quelles que soient les UT : le temps est important mais pas l’échelle de temps. Un modèle d’analyse établi en UT journalière sera pertinent en UT à la seconde ou en UT mensuelle.

  • Le riche n’est pas un voleur, mais un assisté par nos impôts qui exige en plus de satisfaire son ego en nous faisant bénéficier ( si le cœur lui en dit évidemment ) de sa charité.

    Dans l’absolu je préfèrerais de très loin qu’il ne soit pas assisté et que mes concitoyens n’aient pas besoin de sa charité.

    Bizarrement quand le monde ne fonctionnait pas comme cela ( je vous l’accorde ça a duré peu de temps ) on ne connaissait pas les troubles actuels.

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