« De l’égalité » par John Hospers

L’égalitarisme inhibe les incitations à produire et réduit tout le monde à l’égalité dans la misère

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« De l’égalité » par John Hospers

Publié le 31 mars 2011
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John Hospers, né en 1918, est une des grandes figures militantes du libertarianisme américain. Cet universitaire, qui a enseigné la philosophie à l’Université de Californie et au Brooklyn College, a été le premier candidat du Parti Libertarien pour les élections présidentielles des Etats-Unis en 1972 et fut un proche d’Ayn Rand. Il analyse dans « De l’égalité », paru en 1980, les illusions entourant la notion d’égalité. L’égalitarisme inhibe les incitations à produire et réduit tout le monde à l’égalité dans la misère.


Par John Hospers

Traduit de l’américain par Kevin Brookes

Supposons que nous commencions également, disons avec 1000$. Combien de temps cette égalité pourrait-elle durer ?

Certaines personnes dépenseraient l’intégralité du millier de dollars le jour même, et seraient ruinés avant la tombée de la nuit. D’autres le dépenseraient en une semaine, d’autres en un mois. D’autres encore placeraient leur argent dans une banque, pour collecter des intérêts ; ou dans des actions ou obligations ; ou à titre d’acompte pour s’associer à un magasin ou à une ferme. Les plus aventureux d’entre eux mettraient les 1000$ dans de nouvelles entreprises et même emprunteraient à d’autres en échange d’intérêts. Avec cela, ils pourraient acheter une usine, du matériel, et mettre d’autres gens au travail. Ces travailleurs seraient ainsi capables de garder leurs 1000 $ d’origine et dépenser seulement ce qu’ils ont pu gagner à l’usine. Mais ils n’auraient pas pu le faire si les personnes entreprenantes n’avaient pas créé ces entreprises qui leur donnent du travail.

Ainsi, avant la fin de l’année, disons, certains n’auraient plus rien, d’autres auraient une partie de leurs 1000$ et d’autres auraient multiplié leur montant d’origine plusieurs fois. Ils finiraient donc avec des revenus inégaux.

Supposons maintenant que le gouvernement intervienne, pour rendre tout cela égal à nouveau. Ceux qui n’avaient plus rien obtiendraient 1000$. Ceux à qui il restait 100$ obtiendraient 900$. Et ceux qui avaient plus de 1000$ seraient amener à donner leur surplus pour subvenir à ceux qui avaient tout dépensé. Qu’arriverait-il, maintenant ?

Ceux qui avaient dépensé toute la somme la dépenseraient une fois de plus, croyant que le gouvernement les rembourserait. Ceux qui précédemment avait dépensé une partie mais non l’intégralité dépenseraient désormais tout, sachant que plus ils dépenseraient plus ils toucheraient l’argent du gouvernement. Et qu’en est-il de ceux qui avaient multiplié leur somme de départ ? Ils seraient extrêmement prudents afin de ne pas recommencer, sachant qu’ils seraient spoliés à la fin d’une autre année. Donc, probablement le dépenseraient-ils eux aussi. Mais si tout le monde faisait cela, d’où proviendraient les surplus destinés à être distribués l’année suivante ?

La morale de ce petit conte est très simple : si tout le monde recevait les mêmes revenus, et ce quelque soit les choix de chacun, il n’y aurait bientôt plus rien à distribuer. Il y aurait une égalité, mais une égalité dans la misère. Si l’on veut que les gens puissent achever quoique ce soit, ils doivent pouvoir au moins garder une part importante de ce qu’ils ont gagné ; autrement il n’y aura pas de sens à essayer d’améliorer leurs situations en gagnant plus – tout en donnant au passage incidemment du travail à d’autres.

Rétributions proportionnées

Les réussites des gens sont inégales. Les travaux des gens sont inégaux. Les efforts des gens sont inégaux. Par conséquent, il est à tout à fait naturel que leurs rétributions soient inégales.

Cependant, des gens s’insurgent quand les rétributions sont inégales. De nombreuses personnes, en voyant que les autres touchent un plus haut revenu qu’eux disent : « Ils touchent trop ! Prenez-leur ! ». Un voleur professionnel fera le travail tout seul en menaçant une autre personne du bout d’un revolver, ou cambriolera sa maison quand elle ne sera pas là. Mais beaucoup de gens n’osent prendre ce risque. Ils le font d’une autre manière. Ils votent pour des sénateurs et des députés qui à leur tour voteront au Parlement pour prendre la richesse de ceux qui l’ont gagné, afin qu’elle soit distribuée à ceux qui ne l’ont pas gagné. En ne voulant pas prendre de risques et voir le sang eux-mêmes, ils louent les services d’un braqueur qui utilisera la force et la menace de la coercition pour faire le travail.

Faire un travail de braquage grâce à son député peut donner à certaines personnes une certaine satisfaction – en rabaissant le gagnant à leur niveau. Mais en faisant cela, ils n’ont pas seulement volé le gagnant, ils se sont volés eux-mêmes. Ils sont accoutumés à consommer des biens que le gagnant a produits. Et s’ils continuent de lui voler son revenu, au bout du compte il arrêtera de produire. Pourquoi s’embarquer dans des problèmes et des dépenses ? Pourquoi risquer d’investir son argent avec la certitude d’être spolié à la fin ? Perdant sa motivation, il ne sera plus en capacité de produire.

Pour produire l’entrepreneur doit disposer d’un capital pour renouveler son équipement, pour payer ses travailleurs, pour moderniser son usine. Il ne pourra faire aucune de ces choses s’il ne peut pas conserver ce qu’il gagne et quand son usine fermera, ses employés seront au chômage. Il y a donc déjà plusieurs désavantages dans cette situation : il fera faillite, ses employés n’auront plus d’emploi et les consommateurs se retrouveront sans les produits qu’ils avaient auparavant.

En dépit de cela, de nombreuses personnes sont envieuses de ceux qui réussissent. « Nous devrions tous être égaux » disent-ils, « non seulement devant la loi, mais en revenus ». Les gens qui disent cela sont souvent des gens qui ne produisent rien et qui veulent être pris en charge par les personnes qui le font.

Imiter le succès

Essayons maintenant de ne plus spolier l’homme qui réussit. Ne l’envions même pas, essayons plutôt de l’imiter au mieux. Dans le même temps, réalisons à quel point nous dépendons de lui et de ceux à qui nous sommes redevables d’une dette que nous ne serons jamais capables de rembourser en l’espace de temps d’une centaine de vies humaines. A votre avis, combien de vies me faudrait-il ou vous faudrait-il pour rendre à Thomas Edison tout ce qu’il a fait pour faire avancer la condition humaine ? Quand vous prenez un téléphone, pensez aux milliers de personnes dont l’effort vous a rendu possible la composition du numéro et le fait de joindre en quelques secondes une personne à 5000 kilomètres de distance. Auriez-vous pu le faire vous-même ? Non. Alors, n’ayez point de ressentiment ou ne volez pas les personnes qui l’ont fait – pas tant que vous désirez utiliser les services qu’ils vous ont rendus accessibles.

Et rappelez-vous que ceux qui se font beaucoup d’argent ne sont pas une menace pour vous. Si vous n’aimez pas le chanteur de rock qui gagne un demi-million de dollars par an, rappelez-vous que vous n’êtes pas obligé de le soutenir. Vous n’avez pas à contribuer d’un centime à son succès. Qu’il réussisse ou non dépend entièrement du consommateur de son produit. A partir du moment où il gagne son argent de ceux qui paient volontairement pour l’écouter, vous n’avez aucune raison de lui en vouloir. Vous êtes parfaitement libre de l’ignorer – ce qui n’est pas le cas du gouvernement. Vous ne payez pas un centime d’impôts supplémentaire pour son succès. En fait, vous payez probablement moins parce qu’il paie plus.

Il y a un autre point que l’on oublie souvent. Personne ne peut produire un bien ou un service sur le marché libre en prenant de force à d’autres gens. Quelqu’un peut dépenser tout son argent et emprunter plus pour faire démarrer une entreprise qui fabrique un nouveau produit et si il en tire un million de dollars (c’est d’ailleurs peu probable), la seule manière dont il peut le faire est de produire en quantité un produit que des millions de gens ont le désir d’acheter au prix auquel il est offert. Et ils le feront uniquement si le produit est meilleur ou moins cher que celui offert par la concurrence.

Le président de General Motors est un homme très influent, mais il n’a pas le pouvoir de vous arrêter si vous n’achetez pas ses produits, ou bien de vous mettre une amende ou de vous mettre en prison si vous refusez. Il vous offre un produit à un certain prix et si vous ne voulez pas payer ce prix vous pouvez vous tourner vers quelqu’un d’autre. C’est du moins la manière dont les choses se passent dans une société libre et compétitive. La concurrence maintient les prix bas et maintient les producteurs toujours réactifs.

Pourquoi les gouvernements se comportent-ils souvent de manière irresponsable ?

Il en va évidemment tout autrement concernant le gouvernement. Quand le gouvernement fait quelque chose, il n’a pas à gagner de l’argent ; presque toujours, le gouvernement entreprend de perdre de l’argent, et propage ses pertes sur vous et les autres contribuables. Il n’y a pas de compétition pour maintenir les prix bas, puisque le gouvernement crée un monopole. Le service de poste géré par le gouvernement ne permettra pas à quelqu’un d’autre de distribuer des courriers prioritaires. S’il le faisait, le service postal du gouvernement ferait faillite en une semaine. Il peut maintenir son statut uniquement en étant un monopole. Il n’y a pas non plus d’incitations pour offrir une prestation efficace ou pour vous servir correctement. Après tout si vous n’aimez pas ces prestations, que pouvez-vous faire ? Vous ne pouvez pas aller recourir à un distributeur privé de courrier parce que cela n’est pas permis. Vous devez passer par le gouvernement ou ne pas avoir de service du tout et ils le savent. C’est pourquoi les fonctionnaires du gouvernement sont si souvent cyniques. C’est pourquoi la bureaucratie est toujours inefficace et gaspilleuse ; l’argent qu’elle utilise n’est pas son argent, mais le votre. Si une personne dépense de l’argent qu’il a gagné lui-même, il fait généralement attention à la manière dont il le dépense parce qu’il sait à quel point il est difficile de l’acquérir (et s’il dépense sauvagement, alors il est à court d’argent et c’est son problème pas le nôtre). Mais si c’est un fonctionnaire du gouvernement et qu’il a des millions de dollars à dépenser, il ne sera pas aussi prudent, il sera même probablement imprudent. Seriez-vous aussi prudent dans la dépense si vous aviez soudainement un million de dollars provenant du travail des autres ? Même si vous l’utilisiez à mauvaise escient ou si vous le jetiez par la fenêtre vous sauriez que vous pourriez taxer les gens et obtenir encore davantage de cette façon.

Mais beaucoup de gens ne voient pas cette différence. Ils ne voient pas que quand un Président de société achète un yacht, personne d’autre n’est taxé pour l’aider à le payer, mais que quand un Président des Etats-Unis acquiert un yacht, les contribuables auront à le payer jusqu’au dernier boulon et à la dernière vis.

Est-ce que cela en vaut la peine ?

Parfois, le service que vous avez en retour de vos impôts peut en valoir la peine. Peut être que le Président mérite ce qu’il gagne. Peut être que les parlementaires le méritent également, quoiqu’en ce moment, beaucoup de gens semblent largement préoccupés par la dépense publique. Parfois, la police en vaut la peine : cela dépend de là où vous vivez, du besoin que vous avez et de l’efficacité à laquelle ils vont répondre à ces besoins. Néanmoins, beaucoup d’autres services ne valent pas ce que vous payez. Plus particulièrement les innombrables bureaucrates dans les milliers d’agences du gouvernement qui imaginent de pléthoriques réglementations à travers lesquelles ils peuvent estropier votre entreprise et vous faire crouler sous la paperasse inutile et vous extirper de votre porte-monnaie l’argent qu’ils utilisent pour vous contrôler. Ils peuvent ne pas tout connaître de votre entreprise, mais ils peuvent toujours vous forcer à la diriger à leur manière.

Ainsi en arrive-t-on à cela : il y a des producteurs et des non-producteurs. Les gens produisent de différentes manières : nouveaux biens de consommation, nouvelles versions d’anciens biens, services, inventions, idées ; aussi bien les ouvriers que les chefs d’entreprise sont des producteurs, chacun à leur manière. Les non-producteurs, dans l’ensemble, sont les bénéficiaires des dépenses du gouvernement, financés par votre travail.

Évidemment, cela met en place un fardeau plus lourd sur le dos des producteurs. S’ils sont comprimés encore plus, la production destinée à l’échange finira par cesser et nous serons dans un état splendide d’égalité dans la misère. Il est grand temps que cette manie pour l’égalité prenne fin, sinon nous serons tous en effet égaux, dans la misère et dans la famine.

Source : John Hospers, On Being Equal, 1980

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