Fonds de sauvetage de l’eurozone

Fonctionnement et montants en jeu ; implications pour le Royaume-Uni du sauvetage portugais

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Fonds de sauvetage de l’eurozone

Publié le 27 mars 2011
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Les chiffres se succèdent mais ne se ressemblent pas quant au coût que représenterait pour le Royaume-Uni le sauvetage financier du Portugal. Les tabloïdes citent 6,8 milliards d’euros, tandis que sur la B.B.C. Robert Peston déclarait que le Royaume-Uni ne participerait que via le F.M.I. voire pas du tout.

Accrochez vos ceintures car nous allons maintenant tenter de comprendre ce qui se trame actuellement.

Tout d’abord, soyons clairs, aucun type de sauvetage ne coûtera le moindre cent directement au Royaume-Uni (mis à part les contributions déjà en cours de paiement au F.M.I.). Le Royaume-Uni deviendrait par contre garant d’un éventuel sauvetage par le Mécanisme Européen de Stabilité (M.E.S.) auquel l’adhésion du Royaume-Uni fut ratifiée par le gouvernement Labour lors de leurs dernières heures au pouvoir. Le mécanisme de fonctionnement de ce fonds est le suivant: la Commission Européenne emprunte sur les marchés financiers (mettant ainsi le budget de l’U.E. en gage afin d’obtenir un taux plus avantageux) et prête ensuite aux Etats Membres en difficulté (qui auraient dû proposer aux investisseurs des taux d’intérêts de remboursement bien plus élevés s’ils avaient emprunté eux-mêmes directement sur les marchés financiers). Pour l’instant, l’Irlande est seule à avoir puisé dans ce fonds (M.E.S.). La Grèce, elle, n’a reçu de l’argent que du F.M.I. et de l’autre fonds de sauvetage européen – celui auquel ne participent que les pays membres de la zone Euro – à savoir le Fonds Européen de Stabilité Financière (F.E.S.F.). Puisque le Royaume-Uni contribue au budget de l’U.E., il garantit une certaine partie – 13,6% pour être exact – des prêts contractés par le M.E.S. et prêtés à tout E.M. à sauver. Même s’il ne s’agit donc pas de contributions directes, le principe a de quoi inquiéter les contribuables anglais, tenus de souscrire à la dette des pays de l’Eurozone. C’est un peu comme si vous deviez souscrire au crédit hypothécaire de votre voisin…

Deuxièmement, analysons l’importance des dettes en question. Le sauvetage du Portugal est estimé à 60-70 milliards d’euros, certaines publications ayant fait état de 100 milliards d’euros (ce chiffre ne cesse de fluctuer et est donc difficile à prédire). Si le Portugal a besoin de 70 milliards et que le sauvetage se conçoit sur la base de ce que fut le sauvetage irlandais (soit un tiers pris en charge par le F.S.F.E., un autre par le M.E.S. et le dernier tiers par le F.M.I.) alors il en coûterait au R.-U. au total 4,25 milliards d’euros: 3,2 milliards d’euros (13,6% du tiers de 70 milliards) via le M.E.S. et 1,05 milliard d’euros via sa participation au F.M.I. Si ce sauvetage ne représentait « que » 60 milliards d’euros, il en coûterait toujours 3,7 milliards aux contribuables du R.-U. Et généralement bien plus encore aux contribuables dont les pays font partie de l’Eurozone.

Vous suivez toujours? Désolé pour l’utilisation de tous ces acronymes, mais on traite de politique européenne, rappellez-vous!

Troisièmement, les hypothèses ci-dessus supposent qu’on active et utilise le M.E.S. – auquel souscrit le R.-U. pour rappel. Si les dirigeants européens décident de se tourner uniquement vers le F.M.I. et le F.S.F.E. le scénario serait bien différent (beaucoup moins coûteux pour les contribuables anglais).

La grande question est donc: « Est-ce que l’on fera appel au M.E.S. pour sauver le Portugal? ». Pas un mot de Robert Peston là-dessus lorsqu’il affirmait sur la B.B.C. que le R.-U. ne serait pas impliqué dans une opération de sauvetage de la péninsule ibérique. Sur son blog en revanche, il semblait suggérer que le M.S.E. ne serait utilisé que lorsque le F.S.F.E. aurait été épuisé (ce qui ne serait pas le cas lors du sauvetage du Portugal).

C’est un scénario possible et qui limiterait fortement les dettes anglaises, mais ce scénario se base sur des suppositions assez osées. Les dirigeants européens sont actuellement embarqués dans de très difficiles négociations quant à la manière d’augmenter la capacité du F.S.F.E. (contenant officiellement 440 milliards d’euros mais bien moins en réalité) afin de convaincre les marchés financiers que l’Eurozone a les moyens de sauver l’euro. Un accord est toujours bloqué par la Finlande où, à l’approche des élections nationales, il semble que l’opposition des citoyens à la souscription aux dettes d’autres pays ne soit pas si facilement écartée d’un revers de la main qu’ailleurs en Europe.

N’impliquer que les F.S.F.E. et le F.M.I. dans un plan de sauvetage ruinerait le F.S.F.E. Et si les marchés financiers suspectent que ce fonds s’assèchent, l’Euro pourrait bien dégringoler. C’est pourquoi de nombreux dirigeants européens voudront plus que probablement faire largement appel au M.E.S. (qui ne possède pour l’instant que 37,5 milliards d’euros).

En outre, le M.E.S. est bien plus rapide à mettre en action car les décisions se font à la majorité ce qui n’est pas le cas pour le F.S.F.E. pour lequel l’unanimité est requise. L’exemple de la Finlande (et de la Slovaquie qui refusa jadis de prendre part au sauvetage de la Grèce) montre toute l’importance de cette différence. Ergo, on peut raisonnablement soupçonner fortement que le M.S.E. sera utilisé.

Le fait que Peston ait omis ceci dans la discussion est surprenant. D’autant plus que cette problématique illustre à merveille tellement d’aspects importants de la crise en cours dans l’Eurozone…

Quatrièmement, les tabloïdes anglais ont écrit aussi sur ce qui arriverait si les fonds du M.E.S. étaient complètement épuisés: il reste pour le moment 37,5 milliards d’euros dans ce fonds, dont 5,17 milliards apportés par le Royaume-Uni. Il est toutefois très peu probable que ce montant soit totalement affecté au sauvetage portugais car le coût de ce dernier sera partagé par le F.M.I. tout d’abord et, plus que probablement, par le F.S.F.E. ensuite. Nos estimations précédentes sont donc bien plus probables.

Beaucoup d’incertitudes subsistent donc encore. Le temps nous le dira.

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