Du producteur au consommateur ?

Le salon du livre 2011 a semblé moins intéressé que les années précédentes par les livres numériques

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Du producteur au consommateur ?

Publié le 23 mars 2011
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Le Salon du Livre, qui s’est tenu du 18 au 21 mars à Paris, a semblé moins intéressé que les années précédentes par les livres numériques, si l’on en croit Brieuc Benezet, le directeur des Éditions Ellipses, dans un entretien paru le 17 mars sur Atlantico. Ce format de livre est encore présenté comme étant révolutionnaire, car peu cher à fabriquer, ne nécessitant aucun stock, et pouvant être vendu directement. L’avenir dira ce qu’il en est, pour l’instant on ne peut que constater que son chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter, et qu’en 2010 Amazon a vendu, selon ses dires, plus de livres numériques que de livres papier.

D’un point de vue économique, il est un fait qui reste surprenant : les numériques sont vendus pratiquement au même prix que les papiers, alors même qu’étant nettement moins chers à fabriquer leur prix devrait, lui-aussi, être moins élevé. Cette non répercussion de l’augmentation de la productivité sur le prix du produit pourrait être un frein à son développement, mais cela montre aussi qu’il existe un public prêt à payer un prix similaire pour un article différent, preuve que la question du prix de vente n’est pas la seule en jeu. En revanche, ce qui reste encore cachée aux yeux du public, c’est la révolution qui est en train de s’opérer dans le domaine du livre.

Aujourd’hui il y a cinq acteurs à se partager les produits de la vente d’un livre. L’auteur, qui écrit le livre. L’éditeur, qui met le livre en forme. L’imprimeur, qui crée l’objet livre. Le diffuseur, qui porte le livre de l’éditeur chez le libraire. Le libraire, qui vend le livre au client. Chaque acteur intervient à un moment donné, entre la création initiale et la lecture finale. Chaque acteur ne gagne pas assez pour survivre décemment. L’auteur touche 5% de droit d’auteur, quand les éditeurs daignent le payer. L’éditeur reçoit entre 10 et 15%. Le coût d’impression est d’environ 20 à 25% du prix du livre. Le diffuseur reçoit 25%, et le libraire de 30 à 35%. Ainsi, le prix du livre est tellement morcelé que personne ne gagne vraiment, et surtout pas l’auteur.

La révolution qui est en train de s’opérer, c’est qu’avec les livres numériques il n’est plus besoin d’imprimeur, ni de diffuseur, ni de libraire, les éditeurs peuvent vendre directement les livres sur leur site. Ils peuvent aussi le faire avec le format papier, mais cela est encore très peu développé, sauf chez les petites maisons d’édition qui ont besoin d’étendre leurs marges pour survivre.

Allons plus loin. Avec Internet ce n’est pas seulement l’éditeur qui se rapproche de ses clients, c’est aussi l’auteur. L’auteur peut désormais vendre directement ses livres, après les avoir fait imprimer, et gagner ainsi non plus 5% de droits d’auteur mais 70 à 75%. La chaîne du livre, patiemment constituée depuis le 19e siècle, est en train de se transformer. En 2010, un auteur américain réputé, John Edgar Wideman, a décidé de passer à l’auto-publication, à la fois pour être maître de ses livres, et aussi pour gagner plus d’argent. La plate forme Lulu.com est un puissant vecteur de cette transformation. Les libraires, déjà mal en point, commencent à se faire du souci. Il est vrai que l’on en trouve d’excellents, mais aussi beaucoup qui ne font que mettre sur leurs tables les best-sellers assurés ; alors pourquoi venir chez eux ? De même pour les diffuseurs, qui ont un rôle complètement méconnu du grand public. Reste les éditeurs, dont le travail n’est pas toujours sérieux, dont la valeur ajoutée se cherche parfois, et qui ne traite pas toujours très bien leurs auteurs.

Au-delà du format, papier ou numérique, la révolution qui est en train de s’organiser concerne donc la relation entre l’auteur et le lecteur. Et cette révolution, comme bien souvent, c’est la technique qui la mène. Le paysage de la chaîne du livre est en train de se reconfigurer et il n’est pas encore possible de savoir ce qu’il va émerger de cette recomposition.

Comme pour les légumes et autres produits de la ferme, nous sommes en train d’assister à un début de raccourcissement de la chaîne des ventes, avec un passage, pour l’instant modeste, mais néanmoins réel, à une relation directe entre le producteur et le consommateur. La vente directe, qui se fait de plus en plus valoir dans l’agriculture, commence donc à prendre aussi de l’ampleur dans la culture.

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  • Les éditeurs (et les majors pour la musique) sont souvent tres critiqués et bien souvent à juste titre. Mais personnellement je crois qu’ils peuvent induire dans bien des cas une valeur ajouté conséquente :
    – ils font le tri. En laissant passer parfois des pépites, c’est vrai, mais ils font un tri selectif difficile, laborieux et aussi partial ce qui peut etre considéré comme un avantage si on connait l’éditeur : On sait ainsi que tel éditeur dénichera tel type de talent.
    – ils sortent des auteurs de l’ombre. C’est un talent qu’ils ont. Il savent reconnaitre le talent et parfois lui suggerer d’orienter son travail pour qu’il se révèle.

    L’inconvénient est que cette ingérence peut aussi altérer le talent pour ceux qui sont déjà sortis de l’ombre et qui ont déjà fait leur preuve allant meme jusqu’à dénaturer le travil de l’auteur. C’est souvent ce qui est décrié.

    Que se passera t’il pour le livre si les éditeurs disparaissent ?

    Regardons ce qui s’est passé pour la musique :
    Les majors ont révélés les Beatles, Elvis, les Stones, Mickael Jackson … Ils les ont parfois aidé dans leur travail au niveau matériel, promotionnel, et meme parfois artistique. Ils ont su les faire rester ensemble par moment …

    Aujourd’hui, à moins d’être très curieux et d’avoir du temps, il est difficile pour le musicophile de trouver de nouveaux auteurs de qualité. En effet les majors affaiblies financierement, ne prennent plus aucun risque et ne révèlent plus grand chose.
    Pourtant, ces auteurs à talent existent, c’est certain. Il n’y a aucune raison qu’ils aient disparu. Mais ils leur manquent peut etre un éditeur ou un mescene pour se faire connaitre du grand public qui n’a pas toujours le temps, la curiosité (et peut etre aussi la competence) pour detecter des talents.

  • Parmi les acteurs à se partager les produits de la vente, il ne faut pas oublier l’Etat, qui s’octroie sans vergogne à peine moins de 50% du prix du livre : il faut bien financer le mécénat étatique et les « artistes » officiels. A propos du dirigisme culturel, voir : http://blog.turgot.org/index.php?post/Kerros-Haro….

  • Moi aussi, je crois fortement en l’avenir de l’auto-édition en France… car la vague a déjà fait ses preuves ailleurs au USA par exemple ! En effet, tout le monde écrit ou aimerait le faire. Le monde évolue à grande vitesse et le nombre des livres auto-édités a dépassé en 2009, le nombre de livres édités…! et si le XXIème siècle littéraire se jouait sur le web ? et si l’auto-édition était la voie la plus intéressante à long terme ? car il ne faut pas oublier que c’est une vrai démocratisation de l’écriture ! justement, des personnes qui écrivent, il y en a beaucoup…et les maisons d’éditions qui ont pignon sur rue et qui croient avoir le monopole des publications, depuis 150 ans préfèrent parfois publier des auteurs connus pour ne pas couler ! tout est basé sur le business ! Nous les petits écrivains de l’ombre, on n’a du mal encore à se faire connaître mais je crois que le XXIème siècle va marquer ce tournant, cette révolution comme cela s’est déroulée pour la musique ! les maisons d’éditions classiques peuvent très bien publier des navets, ça peut arriver car tout est relatif, tout jugement à l’instant T aussi est à relativiser ! et puisque nous discutons enfin objectivement, ….. il se peut qu’en auto-édition, il existe aussi des livres magnifiques ! Non ? d’après vous ce n’est pas possible ? Rien n’est impossible ! et puis un succès c’est tellement aléatoire, tu peux avoir du succès aujourd’hui et être oublier demain…. l’inverse est aussi vrai…. car tout évolue… rien n’est figé…Voilà ! j’ai sciemment fait le choix de me faire publier par thebookedition.com… pour le moment c’est le plus avantageux et très moderne : C’est écologique (les livres ne sont publiés qu’à la commande), pas de contraintes d’achat (il n’y a pas de stockage de livres, ni d’obligation d’achat pour l’auteur), et intéressant (tu peux avoir jusqu’à 20 à 25 pour 100 du prix de vente au lieu de 1 à 3 pour 100 chez les éditeurs classiques). par ailleurs, le livre devient visible et accessible via le net…. et cela permet de faire une diffusion qui dépasse les frontières….

    Je crois foncièrement en l’avenir de l’auto-édition en France ! le seul problème c’est que les gens ne sont pas tous encore prêts et synchronisés pour acheter les choses via le web ! Moi je préfère largement l’auto-édition et ne compte pas changer d’avis ! j’incite même tous ceux qui écrivent à se renseigner et à se faire connaître…Je crois que les lecteurs humanistes et ouverts savent où se situent les vrais talents ! L’auto-édition est la voie royale ! Elle présente de nombreux avantages !

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