Quelle souveraineté défendre en Côte d’Ivoire ?

Se libérer d’abord des excès d’un État fort et totalement irresponsable

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Quelle souveraineté défendre en Côte d’Ivoire ?

Publié le 9 mars 2011
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Dans la cohue des slogans, des écrits, des revendications, des manifestations, des déclarations politiques qui se bousculent actuellement en Côte d’Ivoire, le mot souveraineté revient incessamment. Le problème ivoirien ne serait plus figé entre deux hommes, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, il se situerait au niveau des pressions extérieures exercées par la dite « communauté internationale ».

On ne peut certes nier les interférences externes qui ont contribué à la détérioration et à l’enracinement des positions radicales entre les deux camps adverses. Cependant, cette souveraineté fragile, voire inexistante face au reste du monde et singulièrement face à l’ancienne puissance coloniale n’est pas un fait nouveau dans le pays et aucun leader politique ivoirien ne s’y est vraiment attaqué depuis les indépendances. Alors même que le président Gbagbo se présentait dans ses discours comme un fervent défenseur de la souveraineté de son pays, dans ses actes, il n’en a rien été.

La souveraineté enflamme et mobilise sans pourtant être analysée dans sa globalité. En effet, l’article 31 de la constitution ivoirienne dit que « La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Le peuple c’est l’ensemble des individus qui s’engagent librement à construire une nation avec des droits égaux et des responsabilités égales pour tous. Les droits et les responsabilités constituent le réseau d’interactions sociales qui rendent chaque individu souverain au moment où il entre en société. Le peuple est souverain mais ce sont les individus qui exercent cette souveraineté. Cette souveraineté interne qui place l’individu au centre du pouvoir est, quant à elle, totalement occultée. En Afrique, l’État décide et les populations se soumettent. Si l’État décide mal, il place les responsabilités à l’extérieur en occultant les fragilités internes. Ce n’est pas de sa faute puisqu’il est soumis à des pressions étrangères. Il suscite alors de la compassion de la part de ses populations qui, ainsi, acceptent mieux leur propre soumission. Qu’en est-il de la souveraineté des Ivoiriens à l’épreuve de la crise ?

Une population ivoirienne totalement étranglée

D’évidence, cette souveraineté qui était pratiquement inexistante avant les derniers conflits électoraux a été réduite à néant. Alors que les dirigeants devraient avoir le souci du bien être de leurs populations dont ils ne sont que les serviteurs, ils cautionnent et organisent un environnement pratiquement insupportable qui rend le quotidien infernal.

Sans être exhaustif, on constate que les banques sont fermées ; les assurances ne fonctionnent plus ; les chèques ne sont plus acceptés dans le pays ; les liquidités manquent ; le gaz domestique est difficile à trouver et les files d’attente s’allongent devant les stations services dans l’espoir d’une hypothétique livraison ; une pénurie de carburant se profile. À Abidjan, comme dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles, des barrages multiples jonchent les rues, contraignant les habitants soit à rester chez eux, soit à affronter l’arrogance de ces « gendarmes » improvisés qui freinent les déplacements ; les gens sont assassinés et violentés par toutes les forces en présence y compris l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire. Ces violences semblent dangereusement glisser dans le quotidien, le seul problème semble de savoir comment manipuler l’information pour imputer ces exactions à un camp ou à l’autre, de manière à influencer le monde et surtout le panel de médiateurs africains qui parcourt le monde pour concocter une proposition de sortie de crise. Les entreprises ferment, le chômage technique croît de manière inquiétante, les commerçants des quartiers les plus touchés par les confrontations de rue sont pillés, le petit commerce informel, poumon économique des « petits » est entravé par les menaces et les violences. L’esprit d’entreprise est réduit à néant, l’économie est à genoux, la vie intellectuelle étouffée.

Ces scènes chaotiques ne sensibilisent nullement les politiciens qui, figés dans leurs orgueils quasi psychiatriques, attendent que la mission de médiation de l’Union africaine leur dicte une solution qui a toutes les chances d’être rejetée et contestée lorsqu’elle sera rendue publique. D’évidence, les deux camps savent que sans entente sur une solution de partage du pouvoir, le pays sera ingouvernable car la moitié de la population n’est pas prête à accepter Alassane Ouattara à la présidence et l’autre moitié refusera Laurent Gbagbo à ce poste suprême. Un camp ne peut rien faire sans l’autre et pourtant on attend en comptant les morts.

Quelle souveraineté en Côte d’Ivoire ?

Face à cette indifférence atterrante, il est important de ne pas se laisser emporter dans les artifices d’une communication qui tente de centraliser le problème vers l’unique responsabilité de la communauté internationale. Elle existe certes mais n’occultons pas d’analyser le principal nœud qui étrangle le pays et anéantit la souveraineté du peuple ivoirien : un État bicéphale défaillant prêt à étrangler son peuple pour justifier sa résistance à des causes fabriquées et narcissiques. Quel est l’intérêt d’être souverain face à des puissances externes si vous êtes capturés dans « les geôles » de votre propre pays ? L’urgence, pour les populations ivoiriennes, est de se libérer d’abord des excès d’un État fort et totalement irresponsable. Les intellectuels et la société civile dans son ensemble devraient dans l’immédiat focaliser leur action autour de la revendication d’un partage du pouvoir pour mettre fin aux tueries et libérer le peuple de Côte d’Ivoire. Après cette étape, l’urgence serait de réclamer au plus vite un cadre institutionnel décentralisant le pouvoir, favorisant l’initiative privée et protégeant les droits de propriété et les libertés individuelles pour que les populations puissent reprendre en main leur propre vie et leur souveraineté.

C’est à travers ces mesures libérales que l’État de Côte d’Ivoire pourrait progresser et gagner la crédibilité qui lui permettrait de s’imposer sur l’échiquier international pour conquérir sa souveraineté face au reste du monde. Ce n’est pas dans le chaos que l’on peut s’imposer. Quand on a créé le désordre, on se met soi-même en situation de faiblesse. Une position souveraine se construit à travers une vision politique, ça ne s’improvise pas dans l’urgence. La Côte d’Ivoire a trop longtemps été gouvernée sans vision. Les conséquences sont cruelles mais non irréversibles si les dirigeants cessent de naviguer à vue et prennent enfin la mesure de leur responsabilité face à leurs populations.

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  • Ayez au moins la décence de prendre partie au lieu d’écrire dans le vent !
    Le problème, démoralisant du reste, c’est le journalisme « intellectuel » ! On écrit pour paraitre brillant en donnant ce qui n’est finalement qu’une opinion superficielle sur le buzz du moment. Où est l’investigation ? quels sont les références preuves d’une recherche ? Est –on plus éclairé à la lecture de cet article ? Si oui et sur quoi ?
    Quel est son but ? De nous faire oublier, par exemple, que pour une simple » crise électorale » l’union européenne a lancé sur ce pays un embargo sur les médicaments ? Le saviez- vous au moins?
    « Crise poste électorale » ? Les spin-docteurs ont gagné on ne parle plus de coup d’état ayant débuté en 2002…comme ils sont forts…mais le journalisme « intellectuel » leur facilite tellement la tâche.
    Au moins sur LCI, BFM, TF1…on n’est que dans la propagande, comprenez un « Partriot act » malsain qui ne dit pas son nom.

    Salutations

  • Qui prend des mesure non libérale, personne, Gbagbo nationalise des secteurs en faillites, (pour cause de sanctions absurdes, illégales et innommable des impérialistes occidentaux certes). Nationaliser des secteurs clefs pour les sauver n’est en aucune façon la trace d’un régime anti-libéral.
    et puis n’inversons pas tout, un homme élu par son peuple , proclamé par les juges suprême de son pays, doit faire face à un autre qui souhaite coûte que coûte et avec des appuis aussi puissant que destructeur, prendre le pouvoir, alors qu’il ne bénéficie pas de l’appui majoritaire du peuple, et ce depuis 10ans voire plus… alors STOP à toute cet Absurdité.

    Ce qu’on oublie complaisamment c’est que la moitié de l’électorat a voté pour Laurent Gbagbo. Et qui sait ce que ferait l’électorat PDCI si les élections étaient à refaire aujourd’hui, échaudé qu’il est par la découverte de la réalité de l’axe RDR-rebelles. D’autant plus que chaque fois que le chef politique des rebelles ouvre la bouche, il fait perdre à Alassane Ouattara de sa crédibilité. Ne se rend-il donc pas compte que les chefs d’Etat africains sont « allergiques » aux rebelles ? Je mets d’ailleurs au défi la communauté internationale d’exiger de nouvelles élections entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara pour solder enfin le contentieux électoral et mettre fin à ce « festival de l’absurde » !
    Sauf si l’objectif délibéré était de conduire le pays à la guerre, guerre civile cette fois, afin de justifier l’intervention extérieure ! A ce moment-là, ce qui paraît absurde aujourd’hui sera logique et rationnel demain.

    Pathétique de cynisme et de myopie !
    En attendant, il est évident que ce qui se joue en Côte d’Ivoire aujourd’hui est d’une importance capitale pour le devenir de nos enfants en Afrique et donc nous interpelle tous. A nous de savoir relever le défi à l’entame du deuxième cinquantenaire de nos indépendances.
    http://www.lepost.fr/article/2011/03/07/2427550_pierre-sane-cote-d-ivoire-la-logique-de-l-absurde.html
    Pierre Sané, ancien Secrétaire général d’Amnesty International et ancien Sous-directeur général de l’UNESCO, est président d’Imagine Africa

    • « Pathétique de cynisme et de myopie ! », j’ai l’impression que vous illustrez parfaitement le théorème de projection. Pauvre analyse qui fait s’interroger sur les institutions dont les noms sont évoqués (Amnesty International, UNESCO) pour la rendre crédible.

      Cynisme, que de défendre un dictateur, putchiste depuis qu’à la fin de son mandat il est resté en poste au mépris de toute règle en se gardant bien pendant des années d’organiser une élection, et qui lâche ses chiens de guerre sur les opposants. Eut-il été réélu pour de vrai que ça ne justifierait pas ces méthodes.

      Myopie, que de négliger le problème, le seul. Qui est qu’être président représente un pouvoir et une masse financière démentielle, qui ne peut que déchainer les convoitises et la violence pour s’en emparer (soi-disant, peut-être même en toute foi bonne ou mauvaise, pour le bien général et mieux que l’ennemi – intérieur et extérieur). Dans ce genre de pays, il n’y a pas et ne peut pas y avoir d’élu du peuple, tout au plus peut-il y avoir un élu de 51% de la population, mais un peuple ce n’est pas ça. C’était vrai avant Gbagbo, ça restera vrai après.

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