L’effondrement du business-model politique

La société de l’information constitue une opportunité pour les sans-grades et une vraie menace pour les cancrelats politiciens.

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L’effondrement du business-model politique

Publié le 7 mars 2011
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C’est lundi et c’est l’effervescence : toute la sphère médiatique (blogs y compris) bruisse du prout retentissant qu’a fait un sondage mettant Marine Le Pen en première position. Et comme c’est absolument sans intérêt parce que parfaitement prévisible, je vais vous entretenir d’autre chose.

On pourrait par exemple évoquer, le sourire en coin, un magnifique reportage de Pravda 2, la chaîne de télévision publique française en charge d’éduquer les masses comme les chaînes privées mais avec l’argent des autres.

Il s’agit du magnifique vol plané informationnel diffusé le 28 février dernier, dans Complément d’Enfumaged’Enquête, qui voulait expliquer aux téléspectateurs ce que sont les Anonymous, groupe mystérieux dont les activités, à en croire le travail de propagande grossière de la chaîne, consistent à récolter des numéros de cartes bancaires, hacker des sites divers et glandouiller sur internet pour des causes futiles voire pédonazies (il eut été étonnant de n’en point arriver là, vous en conviendrez).

Et ça n’a pas loupé, Anonymous n’a pas trop apprécié le maquillage putassier de la réalité par les branquignoles de la télé publique et ils l’ont fait savoir.

Ce qui est intéressant, dans ce cas d’espèce relativement typique, est le décalage de plus en plus faible entre les moyens dont dispose les médias du XXème siècle et ceux du XXIème pour diffuser une information.

On se rend compte en effet que l’audience des Anonymous est parfaitement comparable à celle d’une chaîne de télé publique, que les réalisations des uns se comparent sans rougir aux réalisations des autres. On est de plus en plus loin des petites réalisations miteuses et floues d’adolescents mal dans leur peau.

On notera aussi que ce qui est vrai pour le groupe Anonymous l’est aussi dans d’autres domaines : la distribution de musique et sa création ne nécessitent plus des moyens financiers, matériels ou médiatiques importants. La récolte d’informations locales et leur diffusion est à la portée de tous et de chacun. Les effets spéciaux numériques, le cinéma amateur (de la réalisation au montage, en passant par les effets sonores ou autres) est de plus en plus accessibles à tous.

Ces éléments, en eux-mêmes, ne surprendront pas l’internaute moyen : chaque personne régulièrement connectée à internet constate par elle-même, tous les jours, qu’entre les producteurs traditionnels de médias et d’informations et les producteurs occasionnels et non-professionnels, la frontière devient de plus en plus mince, au grand dam des premiers, d’ailleurs.

Jusque là, c’est, quasiment, du constat d’évidence.

En revanche, c’est lorsqu’on s’essaye à établir la liste de tous les domaines de production, de traitement et de diffusion de l’information qu’on se rend compte d’une tendance générale lourde qui est en train de modifier très profondément la société humaine dans des rapports que peu estiment à leur juste proportion.

Car s’il en va ainsi des industries du loisir (cinéma, musique), il en va de même des médias d’information, de diffusion, et bien évidemment, des appareils d’état et des politiciens.

Depuis les années 90, on a assisté à la montée en puissance des grognements et des tentatives désespérées des différents domaines pour conserver leurs prérogatives. Grognements qui ont fini par se traduire par des lois et décrets ad-hoc, inutiles et déjà dépassés : le copyright va tomber, la propriété intellectuelle aussi. Ce n’est qu’une question de temps.

Les entreprises spécialisées dans la musique ont montré les crocs les premières. Elles furent rapidement suivies par les majors du cinéma, puis, de façon plus générale, par les grands groupes de diffusion de loisirs.

Collapse Petit-à-petit sont venus se greffer à ces luttes les couinements plus ou moins forts des professions dont le business-model est appelé, lui aussi, à changer de façon radicale : les photographes et les journalistes ont rapidement suivi, tentant à la fois d’expliquer qu’ils sont pour l’émergence de la vérité, la liberté d’expression, mais aussi pour des « labels de qualité » des sites, une sorte de droit à diffuser sur internet. Bref : la liberté de s’exprimer, oui, mais de façon parfaitement encadrée. La bonne blague.

Et de façon rapide sont venues à ces revendications s’ajouter celles, de plus en plus pressantes, des élus et administrations, de juguler les flux, de les contrôler : l’information qui circule vite et sans frein, c’est très gênant pour leur carrière. La transparence des informations d’état, tout savoir d’une personne qui se veut publique, c’est … totalitaire, voyons ! D’où l’avalanche récente de textes pour fliquer internet et ralentir la course vers un état qui ne pourra plus cacher ses exactions, qui devra rendre des comptes, sur absolument tout : les cancrelats n’aiment pas la lumière.

Eh oui, comme le fait notablement remarquer Anonymous, internet n’oublie pas et ne pardonne pas. De nos jours, n’importe qui peut retrouver rapidement la masse des affaires louches, des combines et des magouilles, les coupures de presse concernant chaque élu, chaque personnalité importante. Chaque petite phrase idiote, chaque vidéo infamante, chaque dérapage, chaque contradiction d’un homme ou d’une femme publique peut être porté facilement et rapidement à la connaissance de tous, en échappant complètement au musellement discret par la subvention doucereuse de la presse traditionnelle.

Tant et si bien que si l’on couple cette faculté de savoir précisément de quel bois se chauffent nos politiciens à celle de s’organiser et de diffuser des informations supplémentaires, les canaux d’information alternatifs que sont twitter, facebook, les médias en ligne, les simples SMS ou mails, les téléphones mobiles et les smartphones constituent de véritables armes pour déposséder les dirigeants de leurs sinécures trop longtemps profitables. Je ne crois pas avoir besoin d’illustrer ce dernier point compte tenu des récentes révolutions arabes.

Il est d’ailleurs piquant de noter que cette société de l’information galopante, c’est l’exemple même de réussite capitaliste qui ronge les petites et grandes compromissions. Les bobos et gauchos sont tous frétillants à l’idée de voir les pays se révolter contre leurs tortionnaires, mais oublient pudiquement que ce serait impossible sans internet, sans la révolution numérique, sans ces téléphones mobiles produits en masse par le capitalisme, sans ces ordinateurs peu chers conçus par les ingénieurs du Nord et assemblés par les petites mains du Sud.

On assiste en réalité à l’effondrement silencieux, inexorable et complet des business-models basés sur le contrôle millimétré de l’information, sur ses coûts d’appropriation, de traitement et de diffusion.

Dans les années 80 et 90, les politiciens ont compris qu’ils devaient se positionner comme des produits marketing. Des petits malins comme Séguéla ont fait leur beurre de cette réalisation et ont parfaitement réussi à transformer les hommes politiques en bêtes de communication, dont chaque mot, chaque posture était longuement préparée et calculée parce que dans un cadre qu’ils contrôlaient.

Mais la machine s’est emballée : de nos jours, les politiciens ne sont plus que des communicants charismatiques mais vides. Et ils ne comprennent pas pourquoi, petit à petit, la démocratie, les médias, le pouvoir leur échappe lentement, comme du sable dans une poignée d’enfant.

Mur de BerlinC’est pourtant simple : le pouvoir de ces hommes ne tenait que parce que les gens y consentaient. Ils n’y consentaient que parce qu’ils croyaient aux bobards et sophismes qu’on leur fournissait. Et ceux qui n’y croyaient pas se croyaient seuls car ils ne pouvaient en parler. À présent, les gens parlent. Ils échangent comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

Et c’est précisément pour cela qu’importent fort peu les sondages à la con sur Marine Le Pen ou les autres bouffons pathétiques qui tentent de décrocher la timbale : lentement, mais sûrement, l’avenir se fera sans eux.

Comptez sur eux pour que la transition soit douloureuse. Ils ont beaucoup à perdre.

Mais ils perdront.
—-
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  • C’est dommage de polluer un bon article avec un paragraphe qui semble faire l’éloge du capitalisme et de l’esclavagisme moderne.

      • Je faisais référence à ce paragraphe:
        «Il est d’ailleurs piquant de noter que cette société de l’information galopante, c’est l’exemple même de réussite capitaliste qui ronge les petites et grandes compromissions. Les bobos et gauchos sont tous frétillants à l’idée de voir les pays se révolter contre leurs tortionnaires, mais oublient pudiquement que ce serait impossible sans internet, sans la révolution numérique, sans ces téléphones mobiles produits en masse par le capitalisme, sans ces ordinateurs peu chers conçus par les ingénieurs du Nord et assemblés par les petites mains du Sud.»

        Bien sûr qu’on se réjouit que le système actuel s’autodétruise, mais comme c’est lui qui a créé le problème ce n’est pas un argument pour le soutenir.

    • Il faudrait savoir. Le capitalisme c’est la liberté de contrat entre adultes libres et responsable. L’esclavagisme, c’est le contraire : l’exploitation par la contrainte violente. Les deux sont mutuellement exclusifs.

      • Le problème avec le mot «capitalisme» c’est que tout le monde a sa propre définition. Tu y vois de la liberté, j’y vois un système ploutocratique.

        • Non non, il s’agit bien du respect, et de la liberté d’usage, de la propriété privée. Pas que pour les ploutocrates, aussi pour les plus pauvres des pauvres, cf. « Le Mystère du Capital ». Mais la définition que vous avez adoptée est bien celle répétée jusqu’à plus soif par les ignorants de l’EdNat et des médias (je ne vous mets pas dans cette catégorie là, leur propagande a invévitablement un effet, voilà tout), donc, elle prend un peu, jusqu’au jour où nous aurons libéré l’école et l’information. Ce qui, justement, est en train de se passer.

          • Puisque vous associez capitalisme et propriété privée je suppose que vous considérez que «capitalisme d’État» est un oxymore ?

            • Le capitalisme d’état, c’est l’argent gratuit des autres employé pour faire ce que certains veulent au détriment de tous sans prise de risque et sans responsabilité finale. Si ça, c’est du capitalisme, alors Kadhafi est humaniste.

        • Confondre ploutocratie et capitalisme, c’est la tarte à la crème des fondus du pouvoir, ces gens pour qui « acheter » n’est qu’un synonyme de « corrompre », un gros mot odieux.
          C’est stupide.
          En ploutocratie, ils y a des gens qui imposent leur volonté ; ces gens sont les plus riches, mais ça pourrait aussi bien être les « mieux nés », les plus diplômés ou les blonds chauves, ça ne changerait rien pour le régime, dont le mot clef c’est « -cratie » : pouvoir.

          En régime capitaliste, les riches n’impose pas leur volonté, ils négocient et cèdent quelque chose en échange de ce qu’ils obtiennent.

          Si le riche Tartempion veut ta maison, ta femme ou ton champs :
          En ploutocratie il les prends et point barre, que ça te plaise ou non.
          En régime capitaliste il va falloir qu’il te convainque et te donne quelque chose qui de ton point de vue vaut plus que ce que tu lui cède.
          Si tu n’es pas capable de faire la différence entre les deux situations…

          Au passage n’oublie pas le capital monstrueux que représente la puissance publique. Même si officiellement ce n’est pas son pognon, un élu représente un réel ploutocrate, pour le coup. Parce que lui, il est riche et ce qu’il te donnera en t’expropriant de ton lopin, il l’aura pris dans ta propre poche et celle de tes voisins.

          • Ploutocratie ne signifie pas forcément que les riches ont le pouvoir absolu. En effet actuellement seul l’État a le pouvoir d’expropriation, mais ce sont les riches qui possèdent la majorité du pouvoir économique, surtout depuis que l’État ne peut plus créer de monnaie.

  • Oui, ce n’est pas un terme qui aide à comprendre le sens et à clarifier la pensée. Préférer interventionisme, dirigisme, nationalisations, mercantilisme, etc., qui sont plus précis et ont des sens clairs.

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