Partenariat public-privé, danger

Un lifting marketing pour une recette éculée : l’économie subventionnée

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Poignée de mains négociation accord (Crédits Lucas, licence Creative Commons)

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Partenariat public-privé, danger

Publié le 6 janvier 2011
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Même si le sujet n’est pas aussi médiatique que l’hiver ou que la crise de l’euro, la décennie qui vient s’annonce placée sous le signe des partenariats public-privé, qui se déclinent sous le doux acronyme de PPP aussi bien en français qu’en anglais, ce qui est bien agréable pour les traducteurs. Et des deux côtés de l’Atlantique, politiciens et économistes mainstream ne jurent que par ce nouvel outil de management de l’investissement dédié à l’intérêt général. Trains, éoliennes, aéroports, immobilier public… Rien n’échappe plus, désormais, aux PPP.

 

PPP, un lifting marketing pour une recette éculée : l’économie subventionnée

Le principe est simple : imaginons que pour voir le jour, un équipement nécessite un investissement de 7,8 milliards d’euros, mais que les recettes d’exploitation de cet équipement ne puissent effectivement rentabiliser qu’un investissement de 3,8 milliards. Sous le nom ronflant de PPP, des décideurs publics vont, s’ils souhaitent que l’investissement se fasse à tout prix, octroyer une subvention de 4 milliards, et laisser le privé se débrouiller pour rentabiliser les 3,8 milliards restants.

Loin d’être une innovation, le PPP n’est qu’une énième variation sur le thème de la subvention de l’État à des activités jugées officiellement prioritaires, stratégiques, d’intérêt général, ou que sais-je encore. Sans parler des motifs inavouables, que Wikileaks finira bien par mettre à jour. J’aurai donc dans la suite de cet article une définition assez large du PPP.

Les chiffres cités plus haut ne le sont pas au hasard : ce sont ceux qui seront effectivement appliqués à la ligne de train à grande vitesse Tours-Bordeaux, qui mettra la capitale d’aquitaine à 2 h 15 de Paris, hors jours de grève, de neige, et de panne de caténaires. J’ai déjà évoqué le non-sens que représentait cette décision dans une note de l’an dernier.

Mais abordons le PPP sous un angle plus général.

Certains me diront que je devrais au contraire me réjouir de l’extension des PPP, puisque grâce à cet outil, au lieu d’assumer seuls les risques inhérents à certains investissements publics, créant de facto de nouveaux monstres nationalisés, l’État ou les collectivités locales favorisent l’émergence d’entreprises à la gestion privée pour remplir des missions autrefois dévolues au vieux service public vermoulu et notoirement peu efficient.

 

Le PPP, moteur du mal-investissement

Il s’agit là d’un contresens majeur : grâce au racket opéré sur le contribuable, le PPP rend possibles des investissements qui n’auraient pas vu le jour sans la subvention. Si ces investissements ne couvrent pas leurs coûts par les flux purement volontaires et privés qu’ils génèrent, c’est que la valeur qu’ils créent est insuffisante. Eh oui, si le bobo parisien devait payer à son vrai prix le voyage entre la capitale et la gare Saint-Jean, sans doute le niveau des réservations ne serait pas le même. Autrement dit, quoiqu’en disent les idolâtres du TGV, gagner 50 minutes sur le trajet Tours-Bordeaux a sans doute une valeur très limitée.

Le PPP crée une incitation, pour les entreprises privées, à privilégier des investissements PPP au lieu d’investissements purement privés. En effet, grâce à la subvention, si le partenaire privé se débrouille bien, avec un investissement de 3,8 milliards, il peut espérer une génération de flux financiers qui auraient nécessité 4 ou 4,5 milliards d’investissement dans un projet non subventionné. Pourtant, le projet à 4 ou 4,5 milliards purement privé aurait au final eu une rentabilité incomparablement supérieure à celle du projet à 7,8 milliards tous coûts confondus.

Le PPP permet donc de donner tant au privé qu’à l’État l’illusion qu’ils réduisent leur facture en étant subventionnés par leur partenaire. Il est donc un terrible instrument de génération de mal investissement. Le contribuable perd non seulement le capital investi par l’État dans le PPP, et l’économie perd en plus la part privée de l’investissement qui aurait pu être investie dans des projets à l’intérêt économique, et donc sociétal*, incomparablement supérieur.

*Rappelons qu’une activité économiquement rentable sans aide de l’État est une activité qui crée davantage de valeur pour des clients qu’elle ne consomme de ressources pour des producteurs, elle est donc par nature incroyablement bénéfique d’un point de vue sociétal ; contrairement à une activité non rentable qui est destructrice nette de valeur. Donc 1000 entreprises peu spectaculaires mais rentables ont une valeur économique très supérieure à un TGV ou un aéroport subventionnés, quoiqu’en disent les professionnels de l’aménagement bureaucratique du territoire.

Naturellement, les 1000 ou 2000 PME qui auraient vu le jour grâce au non-prélèvement de quelques milliards destinés au financement d’une ligne TGV (ou d’un aéroport, d’un palais des congrès, ou que sais-je encore) sont moins spectaculaires que l’équipement public dont on parlera longtemps dans les journaux. Mais il n’en reste pas moins que même si la presse bruisse des fantastiques opportunités économiques créées par la nouvelle infrastructure, celles-ci seront toujours par nature inférieures économiquement à celles qui seraient nées de décisions purement privées.

 

Les PPP : lorsque le plus mauvais côtoie le pire

Naturellement, tous les partenariats publics privés ne se valent pas dans l’aberration. Certains sont simplement mauvais, d’autres carrément catastrophiques.

Ceux qui induisent uniquement une subvention à l’investissement, mais qui au-delà du versement initial, ne coûteront que les intérêts du remboursement de la dette ainsi souscrite au contribuable, sont les moins nocifs ; quoique cumulés, l’encours de dette générée n’en sera pas moins considérable.

Mais la plupart induisent, outre une prime initiale, une subvention plus ou moins déguisée au fonctionnement. Et là, le danger de disruption économique devient majeur, en ces temps d’incertitudes sur le financement de la dette publique.

Dans le cas de la LGV, cette subvention est constituée par celles octroyées à la SNCF, qui paiera au consortium partenaire de l’État un droit de passage. Que la SNCF soit en cessation de paiement, ce qui finira par arriver, et Vinci – le partenaire de la LGV – sera le bec dans l’eau. Mais il existe d’autres formes de PPP plus insidieux qui génèreront encore plus de coûts pour les contribuables futurs. Ainsi, tous les champs éoliens ou les équipement photovoltaïques, financés par un rachat de l’électricité produite à un tarif très supérieur au prix de revente du courant, rachat lui même refinancé par un racket des contribuables figurant sur ses factures d’électricité, constituent des myriades de quasi-PPP qui ne disent pas leur nom.

Le PPP consiste à opérer une ponction sur le contribuable pour permettre à un parasite privé de gagner de l’argent sur son dos, c’est-à-dire le vôtre, cher lecteur. Le PPP est l’outil tendance de cette forme moderne du capitalisme socialisé, ou kleptocratie.

Et lorsque l’État s’aperçoit que dans un élan trop partenarial, il a trop forcé sur la gabelle de ses assujettis, il réduit la manne versée à son parasite, pardon, partenaire. Celui ci glapit, gémit, vitupère contre le mauvais coup porté à sa filière… Ainsi, ces derniers temps, plusieurs représentants du lobby français des énergies prétendument renouvelables couvrent d’opprobre ce gouvernement qui ose réduire brutalement le tarif de rachat subventionné de l’électricité photovoltaïque. Tel le porc à qui le fermier coupe la stabulation, le producteur subventionné grogne quand on lui réduit son engraissage.

Ces gens ont bâti des business plans basés sur la capacité de l’État à vous racketter pour faire leur fortune : ne les plaignez surtout pas. Ce qui leur arrive, en toute trivialité, ils l’ont bien cherché.

Évidemment, ces personnes brandissent le chantage à l’emploi. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seront supprimés, vous dit-on ! Mais lorsque l’on calcule le coût par emploi créé dans les secteurs subventionnés et qu’on le compare avec les coûts de création d’un emploi privé, on constate que les emplois subventionnés sont toujours une très mauvais affaire. Divers calculs (en Espagne, en France – cités par R. Prudhomme, PDF) estiment que le rapport entre emplois détruits par la ponction publique et emplois créés par cette ponction est compris entre 1,6 et 2,2…

 

Vers un écroulement généralisé ? Que faire de nos PPP ?

Mais de fait, la multiplication d’investissements qui ne sont rentables que du fait de l’inter-pénétration entre investissements privés et subventions publiques porte en germe une menace pour l’économie dans son ensemble : que l’État, s’écroulant sous le poids de ses dettes, doive arrêter du jour au lendemain toute forme de subvention de fonctionnement aux investissements privés ainsi suscités, et les faillites en cascade s’enchaîneront comme les bourdes dans un discours politique.

La faillite des énergies renouvelables en Espagne, où le gouvernement doit cesser faute d’argent ses subventions massives, donne un avant-goût de ce qui pourrait arriver sur une échelle plus large en cas de choc financier majeur : licenciements, familles incapables de rembourser leur banque, marasme.
Notez que l’emploi du terme menace est impropre : l’arrêt d’une situation anormale serait, à long terme, une opportunité de rebâtir une économie sur des bases saines.

Mais à court terme, des centaines de milliers de licenciements à gérer, dans une économie qui n’aurait plus les moyens d’écoper les voies d’eau de l’UNEDIC et des autres Titanics sociaux fort sollicités par ces chocs, ne serait pas sans causer quelques troubles à un État régalien réduit à peau de chagrin par sa paupérisation rampante (que voulez vous, il faut bien financer les PPP). Et le désordre, quoiqu’on en dise, est très mauvais pour l’entrepreneuriat.

Toutes proportions gardées, le remède de cheval d’un arrêt quasi total et immédiat de toute subvention à l’économie a déjà été appliqué, en Estonie, au lendemain de la chute du communisme, en 1991 ; et l’Estonie ne s’en est pas trouvée plus mal, bien au contraire. Mais à la sortie de 46 ans de joug communiste, un peu de vache enragée et d’adaptation forcée en plus ou en moins, de façon temporaire, ne faisait pas de différence, et la plus grande partie de la population était prête à l’accepter. Pas sûr que la thérapie du choc soit politiquement acceptable dans nos pays habitués au confort ouaté de l’État-providence cachant soigneusement son état de faillite. Lorsque l’État ne parviendra plus à minimiser l’importance des voies d’eau dans sa coque budgétaire, il est à craindre que les bénéficiaires de ses largesses s’enferrent dans des attitudes de déni et protestent massivement contre l’arrêt de leur stabulation publique.

Quoiqu’il en soit, un moratoire sur les nouveaux PPP est indispensable. Quant aux PPP existants, le spectre d’une faillite des États souverains ne nous donne plus guère le temps de préparer une sortie aussi ordonnée que possible… D’où l’urgence de s’y atteler très vite.

 

Séparer le capitalisme de l’État

Dans une économie où la séparation du capitalisme et de l’État serait aussi cardinale que celle des églises et du secteur public, la faillite de l’État serait moins probable, car moins de mal-investissements seraient finançables ; même si elle ne serait pas sans conséquence pour le secteur privé, elle serait comestible par la force de renouvellement du capitalisme d’investisseurs libres et innovants. Mais dans une économie où la multiplication des subventions, qu’on les nomme PPP, PAC, ou contribution au service public, a créé une toile d’araignée d’entreprises dépendantes d’injections d’héroïne publique, pardon, de subventions, pour vivre. Et l’état de manque consécutif au manque d’État risque de porter un choc fatal à un corps social déjà sérieusement décomposé par des années d’impéritie publique, fiscale et budgétaire.

Si l’État, en dépit du bon sens, veut absolument que des aménagements non rentables voient le jour, qu’il l’assume et qu’il les finance intégralement par l’impôt. Public, privé : zéro interpénétration ! L’inefficacité congénitale de l’État limitera sa capacité à multiplier les investissements les plus imbéciles, et la nécessité de se faire réélire obligera tôt ou tard les politiciens à faire attention à la facture fiscale. La multiplication des PPP n’est qu’un moyen de masquer le coût réel de l’ineptie publique, mais en cas d’accident financier, la chute de l’économie n’en sera que beaucoup plus brutale.

Repris d’Objectif Eco avec l’aimable autorisation de Vincent Benard.

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