Le retour gagnant de l’or ?

La crise a-t-elle fait prendre conscience d’un indispensable retour à la responsabilisation

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Le retour gagnant de l’or ?

Publié le 21 décembre 2010
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Lentement mais sûrement, il refait son apparition dans les analyses économiques. L’étalon-or, que les gouvernements ont abandonné il y a près d’un siècle, semble être redevenu le Graal permettant de sortir des crises monétaires à répétition que nous connaissons depuis… près d’un siècle. Curieuse coïncidence, non ?

À la mi-novembre, l’éditorialiste James Grant a chanté les louanges de l’étalon-or dans les colonnes du New York Times. Voici ce qu’il écrit :

Laissez les économistes s’étrangler : l’étalon-or classique, le seul qui était en place de 1880 à 1914, c’est ce dont le monde a besoin maintenant. Dans son utilité, son économie et son élégance, il n’a jamais existé de système monétaire comme celui-là.

Cet éloge est venu s’ajouter aux propos ambigus du président de la Banque mondiale. Le 7 novembre, Robert Zoellick écrit, dans une tribune que lui accorde le Financial Times, qu’il faudrait mettre sur pied un Bretton Woods II, ajoutant que :

Le système doit aussi envisager d’utiliser l’or comme point de référence international des attentes du marché vis-à-vis de l’inflation, la déflation et les futures valeurs des cours.

Face aux commentaires que sa déclaration suscita, Robert Zoellick effectua une volte-face remarquable en déclarant, deux semaines plus tard :

Je ne pense pas qu’on puisse retourner à un système de taux de change fixe comme l’est l’étalon-or standard. […] Je ne suis pas partisan d’un retour au 19e siècle, lorsque l’offre de monnaie était couplée à l’or.

En France, l’économiste Philippe Simonnot plaide, depuis longtemps, pour un retour à l’étalon-or. L’histoire et la crise que nous traversons nécessiteraient un “retour vers le futur”, un ré-ancrage des devises nationales au précieux métal.

On oublie trop souvent que la monnaie n’est qu’une marchandise comme les autres. En des temps très anciens, plusieurs matières premières ont servi d’intermédiaires : le blé, le sel ou le thé. L’or et l’argent, deux métaux précieux, se sont finalement imposés en raison de leurs qualités intrinsèques. L’or est rare, inaltérable et facile à travailler. À cette époque, l’unité monétaire est le poids : on compte en grammes d’or, en onces ou en kilos. Sur ce système de mesures sont venues se greffer les premières monnaies nationales. Les gouvernements ont fait leur intrusion dans le système monétaire en créant des dollars (= un vingtième d’once d’or) ou des livres sterling (= un quart d’once d’or). C’est l’époque de l’étalon-or classique : chaque monnaie dépend de l’or et les taux de change sont fixes. Ils dépendent du marché, pas du gouvernement.

Mais petit à petit, les monnaies sont devenues des instruments puissants pour les gouvernements. En obtenant le monopole de création monétaire, ils peuvent ainsi contrôler l’inflation. Quitter l’étalon-or permet de créer de la monnaie à cours forcé, autrement dit, à volonté. Voilà pourquoi la dette explose dans tous les pays du monde : la quantité globale de monnaie n’est plus liée à la quantité (forcément finie) des stocks d’or existant sur la planète. Avec Bretton Woods (1944), on instaure le Golden Exchange Standard : le dollar se substitue à l’or comme monnaie de référence, mais il y reste accroché, au taux fixe de 35 dollars l’once.

Vint alors l’endettement croissant des États-Unis et l’ouverture d’une nouvelle ère monétaire, décidée en 1971 par Richard Nixon. Le président des USA déconnecta l’or du dollar, permettant à la monnaie américaine d’envahir le monde à grande vitesse. Les dollars dévalués s’éparpillaient pendant que l’or dormait dans les coffres de Fort Knox. Aujourd’hui, les économistes pointent du doigt la déresponsabilisation de tous les acteurs du système monétaire. Les banques centrales prêteuses en dernier ressort, incitent les banques à prendre des risques ; le FMI dernier recours contre les banqueroutes d’États, incite les gouvernements à dépenser ; et puis surtout les taux de change flottants qui permettent à chacun de fabriquer de la monnaie à partir de rien, sans aucune discipline, pour financer des politiques toujours plus gourmandes en moyens. Bref, depuis l’abandon de toute référence métallique, l’argent tombe du ciel. Et la crise inflationniste est là pour nous rappeler que le système se portait mieux sans l’intervention, à tout bout de champ, des gouvernements.

Que pourrait apporter un retour à l’étalon-or ? Assurément davantage de stabilité, pour un système qui en a bien besoin. Les banques ne pourront plus prendre de risques non calculés car, pour éviter la faillite, elles devront couvrir toute leur monnaie par de l’or. Pas du papier sorti des rotatives de la Banque nationale.

Les temps sont-ils en train de changer ? La crise et ses répercussions sur les dettes souveraines a-t-elle fait prendre conscience d’un indispensable retour à la responsabilisation ? Il faudra qu’un gouvernement fasse preuve de courage, pour agir avant la grosse catastrophe. Aux États-Unis, la Fed a enclenché la planche à billets pour une nouvelle dose de quantitative easing. Mais la Federal Reserve a désormais intérêt à se méfier de son nouveau tuteur. Le député républicain Ron Paul vient d’être nommé à la tête de la sous-Commission parlementaire sur les dépenses internes. Avec ce “chien de garde”, la Fed a de quoi s’inquiéter. Depuis des années, Paul réclame un audit de la banque centrale américaine, et son livre End The Fed a été un best-seller. Cette nomination politique représente, mine de rien, un événement de taille aux États-Unis, à l’heure où un sondage Bloomberg nous apprend que de plus en plus d’Américains demandent la suppression de la Fed.

De même, l’empressement des dirigeants européens à renflouer les caisses de la BCE et à instaurer un fonds d’urgence devrait aussi interpeller tous les démocrates. L’euro, cette construction politique, “doit être maintenu à tout prix“, fût-ce en modifiant unilatéralement le tout frais Traité de Lisbonne. Le subterfuge durera-t-il encore longtemps ? La Slovaquie évoque déjà son retrait de l’eurozone, 35% des Français veulent retrouver le franc, un Allemand sur deux est nostalgique du deutsche mark, tandis que les agences de notation continuent de dégrader ou de faire peser des menaces sur les pays de la zone euro. Le décalage de plus en plus flagrant entre les bureaucrates européens et la population de l’Union ne laisse pas présager d’une évolution positive. Le sauvetage des banques et celui de l’euro seront toujours assurés, en dernier ressort, par les citoyens.

L’ère des banques centrales et de l’expansion aveugle du crédit est-elle révolue ? Nous sommes, soyons-en sûrs, à un tournant de l’histoire monétaire. L’or, qui a servi de monnaie à l’humanité pendant plus de cinq millénaires, mérite sans conteste d’être réhabilité. Il suffit de jeter un oeil sur l’évolution de son cours pour en être convaincu.

PS : grâce à Wikileaks, on apprend que les grandes éminences de ce monde étaient conscientes, dès début 2008, de l’insolvabilité systémique des banques. Le plan de recapitalisation massive se profilait déjà, mais à l’époque (comme aujourd’hui d’ailleurs), on préfère siffler l’air de Ray Ventura.

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  • L’étalon or? Donc la croissance va dépendre de la découverte de nouvelle mine d’or? C’est sidérant, le problème des politiques monétaire ne se résous pas en fixant ad vitae aeternam la valeur de la monnaie, mais en respectant des règles simples: libre variation avec les monnaies étrangères, création monétaire limité pour rester entre 4 et 6% d’inflation. La politique de l’étalon or a coûté une guerre mondiale à la France.

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