L’obsession de la consommation

La croyance pernicieuse selon laquelle la consommation serait la clé d’une économie saine

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L’obsession de la consommation

Publié le 13 décembre 2010
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Par Steven Horwitz.

Consommateurs au supermarché (Crédits Luc Legay, licence Creative Commons)
Consommateurs au supermarché (Crédits Luc Legay, licence Creative Commons)

L’une des erreurs économiques les plus pernicieuses et les plus répandues est la croyance que la consommation est la clé d’une économie saine. Nous entendons cette idée tout le temps dans la presse populaire et dans les conversations de comptoir, en particulier en période de ralentissement économique. Il se dit des choses comme : « Eh bien, si les gens pouvaient juste commencer à acheter davantage, l’économie repartirait » ou « si seulement nous pouvions mettre plus d’argent entre les mains des consommateurs, nous sortirions de cette récession. » Cette croyance dans le pouvoir de la consommation est aussi ce qui a guidé une grande partie de la politique économique, notamment aux USA ces deux dernières années, avec son cortège sans fin de plans de relance.

Cette croyance est un héritage d’une pensée keynésienne erronée. En réalité, la production, et non la consommation, est la source de la richesse. Si nous voulons une économie saine, nous devons créer les conditions dans lesquelles premièrement les producteurs peuvent réussir le processus de création de richesse pour que les autres consomment, et deuxièmement les ménages et les entreprises peuvent s’engager dans l’épargne nécessaire pour financer cette production.

Il est tentant de dire que cela revient à savoir « si c’est la poule qui a fait l’œuf ou l’œuf qui a fait la poule » : après tout, à quoi bon produire des choses s’il n’y a personne pour les consommer ? Le moyen de sortir de ce cercle est de reconnaître que nous ne pouvons consommer que si nous avons produit et vendu quelque chose afin d’acquérir les moyens de se livrer à la consommation. Commencer l’analyse avec la consommation suppose que l’on a déjà acquis les moyens. Contrairement à cette analyse donc, la richesse est créée par des actes de production qui réorganisent les ressources de façons qui génèrent plus de valeur pour les gens, comparativement à d’autres arrangements. Ces actes sont financés par de l’épargne provenant de ménages s’abstenant de consommer.

Disposer davantage de ressources entre les mains des consommateurs grâce à un plan de relance échoue précisément parce que la richesse ainsi transférée doit venir en fin de compte des producteurs. Cela est évident lorsque les dépenses sont financées par l’impôt, mais cela est tout aussi vrai pour le déficit budgétaire et l’inflation. Avec des dépenses « financées » par le déficit, la richesse provient des achats d’obligations d’État par des « producteurs ». Avec l’inflation, elle vient proportionnellement de détenteurs de devise nationale (obtenue par des actes de production) dont le pouvoir d’achat est affaibli par l’excès d’offre de monnaie. Dans aucun de ces cas l’État ne crée de la richesse. La consommation non plus. La nouvelle capacité de consommer trouve toujours son origine dans les actes antérieurs de la production. Si nous voulons une véritable relance, nous devons libérer les producteurs en créant un environnement plus favorable pour la production et ne pas pénaliser l’épargne qui les finance.

La faute à Keynes ?

Historiquement, c’est le keynésianisme qui a mis l’accent sur la consommation en économie. Avant la révolution keynésienne la croyance standard parmi les économistes était que la production était la source de la demande et qu’encourager l’épargne et la production constituait le moyen de générer de la croissance économique. C’était comme cela que l’on comprenait, de manière plus ou moins correcte, la loi de Say. Comme J-B. Say lui-même l’a écrit au début du 19° siècle:

« [C]e n’est point favoriser le commerce que d’encourager la consommation ; car il s’agit bien moins de donner l’envie de consommer que d’en procurer les moyens ; et nous avons vu que la seule production fournit ces moyens. Aussi, ce sont les mauvaises administrations qui excitent à consommer ; les bonnes excitent à produire ».

Bien sûr, « exciter la production » ne nécessite pas de signifier davantage que laisser les producteurs libres de rechercher des opportunités de profits comme ils l’entendent, dans le cadre juridique standard libéral classique. Cela ne signifie pas que l’État devrait avantager artificiellement les producteurs, pas plus qu’il ne devrait encourager la consommation.

La grande ironie est que la gauche fait souvent valoir que le capitalisme équivaut au consumérisme. Ses partisans pensent que les défenseurs du libre marché croient que davantage de consommation favorise la croissance économique. Les libéraux sont donc chargés de jouer le rôle de l’épouvantail idéologique qui justifie le consumérisme que la gauche considère comme abrutissant et gaspilleur des ressources. Ce que les critiques de gauche ne saisissent pas, c’est que les économistes n’ont jamais vu la consommation comme moteur de la croissance économique et de la prospérité jusqu’à ce que les critiques keynésiennes de l’économie de marché gagnent du terrain.

Grâce au keynésianisme, la manipulation des éléments du revenu global (la consommation, l’investissement et les dépenses publiques) est devenu le centre d’attention de la politique macroéconomique et du développement économique. C’est le cadre théorique keynésien qui a conduit à l’élaboration des statistiques pertinentes sur le revenu national et qui induit implicitement les arguments en faveur de davantage de consommation.

Depuis plus de 150 ans les défenseurs du libre marché voyaient la consommation comme détruisant la richesse, et l’épargne et la production comme la créant. Ils n’ont jamais fait valoir que « stimuler la consommation » était le chemin vers la prospérité. Par conséquent, ils ne peuvent pas être accusés de justifier la « culture de la consommation. » Et c’est la même chose pour des auteurs du 20° siècle comme Mises et Hayek.

Si les critiques de gauche veulent dénoncer la concentration de l’économie moderne sur la consommation, ils devraient se tourner vers les interventionnistes keynésiens.

Article paru originellement sur http://www.UnMondeLibre.org.

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  • Excellent billet qui rappelle les fondamentaux économiques trop souvent négligés par les politiques (en particulier en définissant clairement ce que sont la création et la destruction de richesses).

    Cet article donne les clés pour une sortie de crise rapide, indispensables au pays européens ou occidentaux gangrenés par le socialisme larmoyant, l'état-providence et des montagnes de dettes.

    A diffuser largement, surtout auprès des plus jeunes, pour un véritable nivellement par le haut !

    • Absolument, et chaque lecteur qui apprécie peut diffuser auprès de ses connaissances qu'il juge susceptibles d'être intéressées.

  • Sacré article. Concis et percutant.

  • Raisonnement manichéen absurde.

    Que les hommes cessent de se nourrir et nous pourrons être ainsi certains que moins de richesses seront détruites, mais plus aucunes créées.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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