House divided : Hoover vs. Roosevelt ?

Une situation claire a émergé des dernières élections américaines : celle d’une division politique radicale

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House divided : Hoover vs. Roosevelt ?

Publié le 4 décembre 2010
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Par Henri Hude

Une situation claire a émergé des dernières élections américaines : celle d’une division politique radicale. Ce n’est ni de la rhétorique ni du sensationnel. C’est de la réalité vraie. C’est sérieux et c’est grave.

 

Une Amérique polarisée

Je ne parle pas de ces divisions vives, mais normales et tolérables, qui font la vie d’une communauté politique confrontée à des grands choix : isolationnisme ou participation au concert des nations, entrée en guerre ou neutralité, déségrégation et droits civils, détente ou affrontement, indépendance énergétique ou environnement, etc.

Le degré de division actuelle est probablement sans précédent, même si ce sera sans doute moins sanglant, depuis la guerre de sécession (1861-1865).

Un auteur bien informé avait déjà publié un livre lucide, il y a deux ans, intitulé The Second Civil War. How Extreme Partisanship Has Paralysed Washington and Polarized America.

C’est aussi l’opinion de Newt Gingrich, homme politique et historien. Dans son livre To Save AmericaPour sauver l’Amérique, il écrit que le compromis n’est plus possible, ni durable, et que ce pays ne fera pas l’économie d’une période de haute tension intérieure, s’il veut éviter la paralysie. L’année 2012 et la suivante seront très chaudes aux États-Unis.

 

Un choix politique clair

En quoi consiste cette division ? Deux propositions politiques sont en présence :

  1. Continuer et intensifier une politique social-démocrate, Obama marquant une troisième étape de ce mouvement historique, après celles de Roosevelt (années 1930), et de Kennedy-Johnson (années 1960)
  2. Mettre fin à cette politique et revenir à la philosophie américaine classique, à « la formule qui marche »

 

Reagan avait donné un premier coup d’arrêt en ce sens, et les efforts de Clinton avaient pu être bloqués, mais George Bush a laissé aller les choses par faiblesse, et cela ne peut plus durer. Même si ce n’est pas dit nettement, il s’agit de savoir s’il faut, ou pas, répudier la logique de compromis social-démocrate, et tolérer un glissement progressif vers le « socialisme ». Il s’agit de savoir s’il faut, ou pas, revenir à la politique américaine classique en refermant la parenthèse du New Deal, ouverte par la victoire de Franklin Roosevelt sur le président Herbert Hoover en 1932.

Il est peut-être significatif que la collection « The Americain Presidents », chez Times Books, qui ne comportait pas de volume consacré à Hoover, jugé invendable, ait décidé en 2009 de consacrer un volume de la série, plutôt bienveillant, à la personnalité et à la carrière d’Herbert Hoover. Mes citations de Hoover dans ce qui suit sont tirées de ce livre (William Leuchtenburg, Herbert Hoover, 2009).

Comme le système des contrepoids (checks and balances) caractérise les institutions américaines, la paralysie est probable, au mieux une collaboration bipartisane minimale, jusqu’aux prochaines élections. Si le choix des électeurs en 2012 n’est pas assez net, la paralysie peut s’éterniser. Et comme pour investir, les patrons ont besoin de prévoir les conditions, notamment fiscales, de leur action, il est probable qu’il n’y aura pas de reprise américaine nette avant que le choix ait été fait.

 

Obamacare

Le débat se focalise sur la création de jobs, la réduction des dépenses publiques, les réductions d’impôts, et sur la loi d’assurance maladie.

La grande presse française a fait l’éloge du président Obama pour sa grande loi, appelée ici Obamacare, qui était censée mettre enfin les iniques États-Unis au niveau de la très juste Europe. Si notre presse voulait être réellement informative, elle essaierait de faire comprendre la raison de l’extraordinaire impopularité de cette loi auprès des trois quarts de la population, autrement qu’en expliquant que les Américains sont un peuple de parfaits égoïstes et de demeurés incapables de reconnaître leur intérêt le plus évident.

Quand on écoute ici les débats sérieux sur le sujet, on voit bien qu’il ne s’agit pas de priver les gens d’assurances sociales, et de vouer les pauvres à la misère. Comment un candidat à des élections ouvertes dans une démocratie pourrait-il se présenter avec un produit aussi invendable ? Il s’agit de rendre autant que possible au marché les fonctions d’assurance, sociales ou autres, tout simplement parce que la démocratie américaine, c’est le capitalisme, et que le capitalisme, ici, c’est la démocratie.

Il ne s’agit pas non plus de dissimuler certaines difficultés spécifiques au marché d’assurance de la santé, comme celle des « conditions préexistantes », mais de trouver des solutions adaptées, en cohérence avec la logique générale du système.

 

L’histoire se retourne

La grande dépression de 1929 a été mise sur le compte de la politique trop traditionnellement capitaliste du président Hoover. Les innovations de Roosevelt (intervention de l’État, augmentation des dépenses publiques, grands travaux, assurances sociales d’État, etc.) ont été accueillies avec enthousiasme, comme si elles avaient sauvé l’Amérique. Et même si les remèdes de Roosevelt n’ont pas eu d’effet, le peuple y a cru, a pris patience et a voté pour lui avec constance et fidélité.

Au contraire, la dépression de 2008 est mise sur le compte de la social-démocratie usée, qui érode « la formule qui marche », et qu’il faut maintenant brider pour relancer la démocratie, c’est-à-dire le capitalisme. La dépression actuelle était déjà là, bien entendu, quand Barack Obama a succédé à George Bush. C’est pourquoi il serait absurde de l’imputer au président actuel.

Mais ce n’est pas ce que fait le courant dominant de l’opinion (Tea Party et également, il faut bien le dire, le mainstream du peuple américain), qui se définit comme conservateur, et met les deux partis dans le même panier.

 

La mise en cause des deux partis

Aux Démocrates, les conservateurs reprochent d’avoir eu l’initiative d’une politique au fond socialiste. Ils ne sont plus si éloignés de penser comme Herbert Hoover qui maintenait, dans sa vieillesse, que « les buts de Kennedy étaient mauvais » et que sa politique « promouvait un socialisme déguisé en État-providence ».

Il ne fallait pas mettre seulement le petit doigt dans l’engrenage de la logique socialiste. Et pour refuser le mélange toxique entre des logiques incompatibles, Hoover ajoutait qu’« il suffisait d’une goutte de typhoïde dans un tonneau d’eau pour rendre malade tout un village ». (Leuchtenburg, 156)

Au lieu de se moquer des ces propos politiquement incorrects, et de ce qu’ils ont de manifestement excessifs, il faut essayer de comprendre comment, rétrospectivement, ils semblent aujourd’hui prophétiques à un très grand nombre d’Américains.

Aux Républicains, les conservateurs reprochent d’avoir validé ces politiques boiteuses et le glissement vers le socialisme, en acceptant des décennies de compromis. Ce mainstreamconservateur n’est pas un groupuscule fascisant. La presse française est grotesque quand elle s’installe sur cette ligne. Le courant dominant ne fait que relever la philosophie traditionnelle de l’Amérique et grouper derrière elle une grande partie du peuple : les Républicains, aiguillonnés par le Tea Party, unis aux Démocrates conservateurs, et ralliant la majorité des Indépendants.

On le voit, il ne s’agit plus des oppositions habituelles entre modérés des deux bords, tous d’accord sur le principe du compromis social-démocrate introduit par Roosevelt, mais il s’agit de revenir à la philosophie économique traditionnelle de l’Amérique et à sa culture, qui ont fait sa grandeur, et qui seules peuvent conférer leur stabilité tant à son libéralisme politique qu’à son leadership dans le monde.

Je ne dis pas que c’est là ce qu’il faudrait faire en France ou en Europe. Je dis que nous avons besoin d’une classe médiatique qui arrête de penser par clichés et de raconter n’importe quoi. Comment peut-on espérer changer le monde avec efficacité, si on est incapable de le connaître avec objectivité ?

 

Retour sur le New Deal

La politique conservatrice (de rupture) se réclame le plus souvent de Ronald Reagan, et elle reproche à George Bush II sa timidité et son infidélité à la doctrine républicaine. Le « conservatisme compatissant » de ce dernier (compassionate conservatism), était, disent-ils, un bon produit électoral right in the middle, mais en voulant absurdement donner à tout le monde la pleine propriété d’une maison, y compris à ceux qui ne pouvaient pas la payer, Bush a préparé une énorme crise du crédit.

Ce n’était pas là, assurément, un conservatisme sérieux. Pour le Tea Party, Bush agissait en somme en homme du New Deal. Comme l’écrit le même Newt Gingrich dans Sauver l’Amérique, la thèse la plus révolutionnaire, aujourd’hui, c’est 2 + 2 = 4.

Jusqu’à une date récente, les critiques du New Deal étaient considérés comme des vieilles barbes. Chacun admettait qu’il fallait rechercher un bon compromis entre l’action du marché et celle de l’État. Les libertariens étaient considérés comme des excités dont la droite avait honte.

Aujourd’hui, on se demande sérieusement si le compromis social-démocrate n’était pas un monstre incohérent, et surtout s’il était juste, et s’il était démocratique. On se dit que le statut de l’intervention étatique dans le domaine de l’économie ou de l’assurance (de la solidarité) était, peut-être, celui d’un parasite : sans force propre et ne vivant que de l’organisme qu’il débilite et, à la fin, tue.

Ce n’est pas que les conservateurs prônent l’égoïsme. La self-reliance n’est pas le chacun pour soi, mais ils estiment que le marché peut faire mieux que l’État, y compris en matière de solidarité. La démocratie suppose un dynamisme des individus que détruit la logique d’assistanat. De toute façon, la première forme de solidarité, c’est la création de jobs, laquelle, à l’évidence, n’est pas le rôle de l’État. Or, la création de jobs suppose que le capitalisme n’est pas étouffé par l’État, ni dénaturé par la corruption que permet l’étatisme.

Au-delà des références à Ronald Reagan, il s’agit bel et bien (même si cela n’est pas dit) d’une rupture avec la politique inaugurée en 1932. En somme, les conservateurs pensent qu’Herbert Hoover avait raison. J’en dirai plus demain.

 

Les causes profondes de la crise de 1929

Hoover a toujours soutenu que la crise était le résultat du dérèglement massif des monnaies et du crédit par la Première Guerre mondiale. « Sans la guerre, nous n’aurions pas eu la crise. »

Hoover n’a pas consacré moins de 24 volumes en trente ans à la justification de son action et à la critique de la politique social-démocrate – sans parler d’une biographie inédite de Roosevelt, que ses proches l’ont dissuadé de publier. Il n’a jamais digéré son renvoi en 1932. « Democracy is a harsh employer », disait-il. (L., p.147)

Selon lui, la cause profonde de la crise de 1929 ne se trouvait donc pas dans une fièvre de spéculation passagère, contre laquelle il avait multiplié les avertissements (L., p.148). Une crise normale aurait suffi à guérir cette fièvre, en crevant les bulles spéculatives.

Indépendamment des effets durables de la Grande guerre, la cause de l’exceptionnelle durée de la dépression se trouvait en Europe : dans ses divisions, ses guerres, ses armements, ses mercantilismes, ses protectionnismes nationaux et coloniaux, et dans la contagion de tous ces vices aux Etats-Unis, à la suite de la catastrophique élection de Roosevelt.

 

Récrire l’histoire économique ?

Comme il ne mourut qu’en 1964, il aurait pu soutenir aussi, dans sa logique, que le monde n’était sorti de la crise, après 1945, que grâce à la restauration du libéralisme.
En Europe, après la Seconde Guerre mondiale, le compromis social-démocrate était peut-être utile, puisque politiquement inévitable, compte tenu des préjugés indéracinables à l’époque. Mais les vraies causes des Trente Glorieuses étaient la paix dans l’ordre libéral américain (et le dynamisme démographique). La social-démocratie n’avait pu que freiner la croissance et préparer une dépression future.

De même, dans la logique de Hoover, le monde entier n’aura commencé à sortir de la misère, après la chute du communisme, qu’à partir du moment où le leadership américain aura progressivement fait adopter partout une politique économique libérale.

Mais Hoover n’a pas raisonné ainsi. Au lieu de tirer avantage de la situation, il s’est surtout montré critique d’une politique américaine encore trop peu libérale à ses yeux.

 

Le bouc émissaire de l’Amérique et l’aubaine des Démocrates

L’historien William Leuchtenburg, auteur d’une œuvre considérable sur la période allant de 1914 à 1940, cite dans sa récente biographie de Hoover les souvenirs de l’essayiste Russel Baker.

La tante de ce dernier, écrit Lichtenburg, l’avait clairement informé : « Les gens mouraient de faim à cause de Herbert Hoover. Ta mère est au chômage à cause de Herbert Hoover. Les hommes s’entretuaient à cause de Herbert Hoover et leurs enfants orphelins étaient envoyés en masse à l’orphelinat … à cause de Herbert Hoover. » (L., p.149)

Et il faut se rappeler que l’extraordinaire succès de la chanson Who’s Afraid at the Great, Bad Wolf reflétait, en 1933, la satisfaction que Hoover ne fut plus à la Maison Blanche.

Quand on est parvenu à diaboliser ainsi un adversaire, ou quand il a réussi lui-même à se diaboliser ainsi, et quand, en plus, le malheureux se défend avec une maladresse obstinée, et un complet manque d’humour, il devient pour ses rivaux une véritable aubaine.

Roosevelt n’a affronté électoralement Hoover qu’une seule fois dans sa vie, mais le pauvre homme avait laissé un souvenir tellement ineffaçable, que l’astucieux FDR a toujours délibérément ignoré ses autres compétiteurs. Dans toutes les élections suivantes, il n’a jamais fait campagne que contre le seul Herbert Hoover. Et ça a toujours marché.

Avec bonne humeur, un partisan de Roosevelt a noté :

« Nous devrions être éternellement reconnaissants à Herbert Hoover, qui nous a fourni pendant douze ans notre ticket de cantine. » (L., p.149)

 

Conclusion ?

Si la social-démocratie n’est qu’une fausse bonne solution, puisqu’elle finit par détruire le capitalisme démocratique, et si le capitalisme actuel fabrique à la fois de la richesse et de la pauvreté, de l’ordre et du désordre, alors, le capitalisme démocratique peut-il ou non prendre en charge le problème de la pauvreté, sans le nier, et sans recourir à la social-démocratie, mais en améliorant l’efficience du marché ?

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  • Les mesures prises pour permettre l'accès à la propriété des plus pauvres n'ont -elles pas été initiées sous Clinton ?

    ici, vous faites porter le chapeau à G. Bush

    C'est vrai qu'il n'a rien fait pour stopper ce dispositif qui allait déclencher le séisme que vous savez .

    • Bush a essayé de limiter les monstres Fanny et Freddy mais le congrès a voté contre ces changements.

      Le problème de Bush, c'est qu'il a augmenté le poids de l'Etat de façon énorme.

      L'accès à la propriété des pauvres, a été fait sous Carter, e renforcé sous Clinton, mais les origines du crédit par refinancement date des lois anti trust des années 20, qui interdisaient aux banques d'être présdentes dans plusieurs états.

  • Les commentaires sont fermés.

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