Sécurité sociale : le dernier coup de pelle. Sur la nuque.

Le trou catastrophique de la Sécu pousse le gouvernement à étudier la fin de son monopole…

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Logo Assurance Maladie (Tous droits réservés)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Sécurité sociale : le dernier coup de pelle. Sur la nuque.

Publié le 3 décembre 2010
- A +

C’est grâce à un backlink de Nicolas que je suis tombé, fort surpris, sur cet article du Point qui évoque, stupeur et hallucination, la possibilité d’un débat sur les principes même de fonctionnement de la Sécu…

Première constatation à la lecture de la production du Point : on frôle d’assez près la bonne pignouferie avec le procédé habituel d’appeau à troll en chapeau d’article. On y évoque en effet de privatisation de l’Organisme Tentaculaire de Prélèvements Sociaux En Echange De Remboursements Toujours Plus Médiocres, sans plus y revenir dans le corps de l’article. En effet, ce dernier parle en réalité de la fin du monopole de la Sécu, ce qui est encore autre chose.

Il en va d’ailleurs de même avec l’article de Slovar sur Marianne2 où l’on parle beaucoup de fin de monopole et finalement, pas du tout de privatisation de la Sécu.

Car en pratique, la perte du monopole de l’assurance santé par les caisses régionale d’assurance maladie n’est pas synonyme d’une privatisation.

Privatiser, très clairement, ce serait vendre les activités (en tout ou partie) à des fonds privés, c’est-à-dire transformer les structures de droit public (ou supposées telles) en structures de droit privé, recaser les fonctionnaires ou modifier / casser leurs contrats pour les transformer en contrats de droit privé ; ce serait changer la façon dont la comptabilité de ces organismes est tenue pour avoir une réelle comptabilité de groupe privé (avec, notamment, des comptes de bilan, et une clarté comptable que la Sécu n’est pas franchement en mesure de proposer actuellement).

Casser le monopole, en revanche, revient essentiellement à laisser aux salariés le choix de l’endroit où seront versées toutes leurs cotisations sociales (celles camouflées en patronales, et celles officiellement salariales), sans forcément changer le statut public de la sécurité sociale, ni même abroger l’obligation d’assurance maladie en vigueur actuellement.

J’imagine déjà les fines remarques de certains notant que « oui mais bon, casser le monopole et privatiser, in fine, c’est pareil » … Sauf que non : dans une privatisation, il y a, très clairement, une vente officielle, calculée et calculable, un transfert d’une richesse de la collectivité étatique vers le privé ; il y a même un prix attaché à une privatisation : une fois l’opération achevée, l’état n’a plus la compétence d’agir directement dans la nouvelle société, et en contrepartie, les caisses publiques se sont remplies d’euros sonnants et trébuchants. Même des privatisations partielles (EDF, France Télécom) se sont traduites directement par cet état de fait.

Si l’on supprime simplement le monopole de la Sécu, il n’y aura pas de création d’une entité privée, il n’y aura pas d’argent qui tombera dans les caisses de l’état.

D’ailleurs, on ne voit pas comment, en pratique, on pourrait réellement privatiser la sécu : cette entité n’existe pas et n’est donc, de facto, pas vendable. Il n’y a qu’un conglomérat de caisses, qui sont, de surcroît, dans un flou juridique savamment entretenu, penchant d’ailleurs vers le droit privé (sauf quand ça n’arrange pas le pouvoir en place). L’état n’en est ni actionnaire, ni patron, puisqu’il s’agit d’une direction paritaire dévolue aux syndicats. Bien sûr, le bazar est hautement politisé ce qui rend toutes ces remarques d’autant plus confuses et l’intervention permanente des politiciens dans l’édifice de papier aura largement contribué à l’entropie bordélisante des régimes, cotisations et résultats fort mitigés obtenus.

Bref : on voit mal comment privatiser un truc pareil, surtout s’il est … déjà privé.

Maintenant, on peut s’interroger sur les motivations qui pousseraient l’actuel gouvernement à se lancer dans la fin du monopole de la Sécu. Les articles évoquent surtout le « comment » bien plus que le « pourquoi » : en substance, on diminuerait la part collective, et on augmenterait les latitudes pour la part individuelle de l’assurance santé. En pratique, le gouvernement recherche une façon de « diversifier les modes de financement« .

La raison est, finalement, évidente : tout ce foutoir collectif pisse de l’argent par tous ses pores, et les prestations fournies sont de plus en plus médiocres. Pire : les dettes s’accumulant, l’état, à force de les prendre à sa charge, s’enfonce encore plus vite dans le purin dans lequel il barbotait déjà confortablement depuis trois décennies sous les bravos d’une foule heureuse de s’en foutre.

Sécurité sociale

Eh oui : privatiser, c’est l’horreur absolue, et casser le monopole, c’est une abomination. Toucher à l’édifice sociale collectif Que Le Monde Nous Envie, c’est, disent certains – toujours les mêmes – se préparer des années de tarifs élevés avec des remboursements médiocres, de pauvres laissés sur le bas côté, une médeussinadeuvitesse, etc, etc.

Ce n’est pas comme si le système actuel coûtait un bras, offrait des remboursement médiocres (3€ la paire de lunettes, mes cocos), laissait les pauvres sur le côté ou divergeait rapidement vers une médecine à dix-huit vitesses dans laquelle un ministre ou un cadre supérieur sera effectivement nettement mieux traité qu’un SDF à la CMU.

Là encore, j’entends la petite musique du « Il faut certainement améliorer le système, ce n’est pas le principe qui n’est pas bon, c’est la mise en œuvre » et patati, patata dans le genre « Tous ensemble, on peut y arriver » qui ferait rire si le comique de répétition à ce sujet n’était pas usé jusqu’à la corde : cela fait des dizaines d’années que tous les gouvernements tentent d’améliorer le système, avec des résultats qu’on peut qualifier de minables. Cela fait des décennies que la mise en œuvre foire. Quant au principe de base, il est vicié par nature : un bien gratuit payé par tous, c’est l’assurance que chacun va en tirer le maximum possible pour le minimum d’effort, avec le résultat qu’on observe : trous, gabegies, fraudes.

En réalité, tout l’édifice de Sécurité Sociale, colosse aux pieds d’argile, n’a jamais été pensé pour être équilibré ; le but était purement politique : offrir une impression de soins gratuits. C’est important, l’impression, c’est avec ça qu’on se fait élire. Et ça a marché tant que la croissance (démographique et économique) a camouflé les trous. Et ça a merdé grand format dès qu’il n’en fut plus question : les trous existaient toujours, mais il n’y avait plus l’argent des autres gratuit pour les cacher.

How institutions appear & how they really are

Maintenant, il faut être lucide deux secondes : puisqu’après tout, on nous serine que ce système est excellent, qu’il est quasi-performant à quelques bricoles près, la perte du monopole ne signera pas son arrêt de mort. Qui voudrait se passer d’un système pas cher et efficace ? La peur panique qui semble s’emparer de certains à l’idée d’une fin de monopole ne peut pas venir du fait qu’ils savent très bien que la Sécu est inefficace et coûteuse. C’est obligatoirement lié à leur altruisme : ils ne veulent pas que des gens soient laissés sur le bord de la route de l’assurance !

… Comme maintenant, quoi.

Et pour continuer dans la lucidité, puisqu’apparemment, il ne faut s’employer qu’à trouver des patchs pour cette noble institution pétrie de bonnes intentions, comment compte-t-on s’y prendre pour responsabiliser le citoyen ? Comment faire pour que celui qui prend un risque avéré, délibérément, ne devienne pas un coût pour la collectivité ? Roselyne, si te me lis, comment s’assurer que ce gros organisme ne soit pas systématiquement en pleine collusion avec les lobbys pharmaceutiques ? Pourquoi un si beau système Que Le Monde Nous Envie Mais Ne Nous Copie Jamais transforme-t-il des médecins en fonctionnaires, organise-t-il la pénurie avec des numerus clausus, favorise-t-il l’abandon des zones rurales ?

Si on doit le panser pour tout ces petits soucis, le monstre va ressembler à un gros ruban de sparadrap déroulé trop vite.

La réalité, toute crue, c’est que le gouvernement est à court de solutions pour rafistoler ce bordel. Fin du monopole ? Privatisation ? Libéralisation ? Pensez-vous sérieusement que la Sécu survivrait à la faillite de la France ?

La question de la fin du monopole ne se posera pas dans ces termes : le trou est de plus en plus gros (et les rafistolages ou ponctions nouvelles n’y changent rien), et l’argent est de plus en plus difficile à trouver.

En général, lorsque le trou est assez grand, on file un dernier coup de pelle, bien vigoureux, sur la nuque, et on recouvre le cadavre…

Sur le web

Voir les commentaires (11)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (11)
  • Le monopole de la sécurité sociale n'existe plus… depuis 1992 une directive européenne permet à n'importe quel français s'il le souhaite de quitter la sécu pour s'assurer dans une société privée d'un autre pays.

    Mais ceci est soigneusement caché.

  • même "Quitter la sécu" s'est réveillé pour l'occasion 🙂

    http://quitter_la_secu.blogspot.com/

  • Vous dites que l’on peut quitter la sécu. Je souhaite quitter cet organisme qui me ponctionne mon travail sans retour (indépendant) alors je vous serai reconnaissant de bien vouloir m’aider à quitter la sécu sans risque. Merci

    • oui si vous êtes salarié, il faudra convaincre votre patron, j’ai pour part convaincu une de mes salariées… pas facile car la sécurité sociale c’est un tabou dans l’esprit français, écouter à ce sujet le D° REICHMAN aller sur son site

  • Juste un commentaire : les personnes travaillant pour la sécurité sociale ont un contrat de droit privé, aussi étonnant que cela puisse paraitre.

  • c’est déjà fini le monopole, le débat est terminé… Il faut maintenant que le tabou soit simplement levé car des compagnies privées, certes non françaises proposent la même chose que la sécurité sociale. la ou le RSI me demandait 4000 € par trimestre, j’en paie 1250 …

    • @bruno : 1250 Euros seul et sans enfant. Faites le devis pour 4 personnes, vous déchanterez vite….
      Amariz : 1000 Euros par mois minimum pour des garanties très limitées, nécessitant une mutuelle pour lunettes, optiques et dépassements honoraires.
      Finalement idem….
      Le monopole est toujours la 20 ans plus tard et les libéraux anarchistes n’ont rien gagné durant ces 20 ans, que procès, huissiers, mises en liquidation, épouse partie avec les biens, et suicides….
      Une nouvelle page FB:
      Quitter la sécu le monopole n’est pas aboli
      https://www.facebook.com/Quitter.secu.monopole.pas.aboli/posts/242961815873393

    • Réponse du ministère le 10/12/13:

      « Texte de la réponse
      L’assujettissement aux régimes de sécurité sociale des personnes exerçant une activité en France n’a pas été remis en cause par la Cour de justice de l’Union européenne. Les assurances comprises dans un régime légal et obligatoire de sécurité sociale sont expressément exclues du champ des directives CEE 92/49 et CEE 92/96 sur l’assurance. La Cour de justice a confirmé à plusieurs reprises que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence qu’ont les Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et ainsi à leur faculté d’instituer des régimes légaux obligatoires de sécurité sociale. Examinant la situation de régimes français de sécurité sociale, la Cour a confirmé dans son arrêt Garcia (affaire C-238/94) la non-application de la directive 92/49/CEE à ces derniers. L’arrêt Podesta ne portait pas sur les directives « assurances » mais sur l’application ou non de l’égalité de traitement entre les sexes à un régime français de retraite complémentaire obligatoire en répartition. La mise en libre concurrence de l’assurance maladie ne concerne donc que l’assurance complémentaire et facultative. Il est donc du devoir de chacun de rappeler que notre système de sécurité sociale est non seulement conforme à la réglementation européenne mais encore qu’il constitue la meilleure garantie d’une protection sociale de haut niveau, solidaire et durable pour tous. La France a fait le choix d’une sécurité sociale solidaire protégeant l’ensemble de la population. La contrepartie des droits reconnus à tous les résidents en France est l’obligation pour tous de cotiser à ce socle commun de protection sociale. »

  • Question posée par les députés: arrêt PODESTA….
    Le gvmt a répondu a la question

    « M. Damien Abad attire l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les régimes français de sécurité sociale. Toute personne qui travaille et réside en France est obligatoirement affiliée au régime de sécurité sociale dont elle relève : régime général des salariés, régimes de non-salariés ou régimes spéciaux. Et à ce titre, elle est assujettie aux cotisations de sécurité sociale correspondante, à la CSG et à la CRDS. Pour améliorer sa protection sociale, chacun peut bénéficier de couvertures complémentaires auprès d’entreprises d’assurance, de mutuelle ou d’institutions de prévoyance ou également, depuis 1994, d’organismes assureurs établis dans un autre État de l’Union européenne. Aux termes de l’arrêt n° C-50-99 du 25 mai 2000 (Podesta) de la Cour de justice de l’Union européenne, les régimes français de sécurité sociale ne sont pas des régimes dits « légaux », c’est-à-dire incluant l’ensemble de la population dans le même régime, mais des régimes dits « professionnels », c’est-à-dire regroupant les assurés selon leur profession. À ce titre, les régimes français de sécurité sociale sont soumis aux dispositions des directives européennes n° 92/49/CEE et n° 92/46/CEE, entièrement transposées dans le droit national par la loi n° 2001-350 du 19 avril 2001 ratifiée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, et se trouvent en concurrence avec les sociétés d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance françaises et européennes. Or, en France, ces couvertures professionnelles ou individuelles complètent la sécurité sociale, elles ne peuvent s’y substituer. Qui plus est, le refus de cotiser à la sécurité sociale expose l’employeur comme le travailleur indépendant à des sanctions pénales et pécuniaires. Il lui demande comment dans ce cadre peut s’exercer la liberté sociale d’un Français qui souhaite contracter une assurance maladie et une assurance indemnité journalière auprès d’une société d’assurance européenne au lieu et place du régime français et que ne soit plus prélevée sur son salaire la part salariale de la cotisation d’assurance maladie, la CSG et la CRDS, voire même ajouter au salaire brut la part patronale de la cotisation d’assurance maladie. »

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

7
Sauvegarder cet article

Les milieux financiers découvrent tardivement les faiblesses du modèle chinois, pourtant perceptibles depuis une décennie. C’était prévisible pour tout observateur de la démographie, des mécanismes de développement et du communisme.

On peut penser notamment aux dettes souscrites en contrepartie de faux actifs, par exemple pour la construction de logements, alors qu’il y a de moins en moins de jeunes pour les occuper ou d’infrastructures redondantes, faisant momentanément la joie des bâtisseurs. Je me doutais bien que ces dettes sortira... Poursuivre la lecture

Un article de Anthony P. Mueller. 

La politique sous toutes ses formes, en particulier celle des partis politiques, est l'ennemi juré de la liberté, de la prospérité et de la paix. Pourtant, où que l'on regarde, le renforcement du gouvernement est invoqué comme la solution.

Rares sont les voix qui affirment qu'une autre voie est possible. Peu d'entre elles s'expriment en faveur de l'anarchocapitalisme et d'un ordre social libertarien.

Il est assez courant aujourd'hui d'annoncer avec assurance le verdict selon lequel l'anarch... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles