Freakonomics

Pourquoi les dealers de crack vivent-ils avec leurs mères

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Freakonomics

Publié le 26 novembre 2010
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Levitt considère que l’économie est une science qui a beaucoup avancé dans la recherche d’outils pour répondre aux questions sur les faits qui se posent dans notre société mais qui se trouve orpheline de questions intéressantes.

Steven D. Levitt est un économiste assez étrange. Goûtant peu les mathématiques et les problèmes financiers ou macro-économiques qui préoccupent et occupent ceux de sa profession à travers le monde, il préfère appliquer les outils de l’économie aux affaires les plus courantes. Stephen Dubner, journaliste au New York Times – qui, selon Levitt, possède la tête qui manque aux autres journalistes avec lesquels il avait discuté dans sa vie -, l’a aidé à mettre noir sur blanc quelques-unes de ses trouvailles sous une forme très divertissante dans un ouvrage qui a été à la tête des livres, hors fiction, les plus lus aux États-Unis.

Levitt considère que l’économie est une science qui a beaucoup avancé dans la recherche d’outils pour répondre aux questions sur les faits qui se posent dans notre société mais qui se trouve orpheline de questions intéressantes. De sorte qu’il en pose quelques-unes. Comme, par exemple, pourquoi les dealers de crack vivent-ils avec leurs mères, les lutteurs de sumo trichent-ils, est-il vrai que c’est l’argent qui fait gagner les élections ?

Parmi toutes les réponses, la plus polémique est la réponse à la question sur la cause de la diminution de la criminalité aux États-Unis durant les années ’90. Car Levitt ne pense pas que la cause fondamentale ait été la loi sur les armes ou les nouvelles méthodes policières que lança l’ancien maire de New-York, Rudolph Giuliani, mais bien la législation sur l’avortement, en 1973. Le raisonnement est simple : la décision du Tribunal Suprême des États-Unis dans l’affaire Roe vs. Wade a eu comme conséquence pratique de faciliter et de rendre bon marché l’avortement, le rendant accessible aux moins fortunés. Or c’est parmi ceux-ci que se rencontrent les plus hauts indices de criminalité. Vingt ans après, ces enfants pauvres non désirés, parmi lesquels se seraient trouvés un grand pourcentage de délinquants n’étaient simplement pas nés, ne pouvant, par conséquent, pas entamer une carrière de criminel à l’âge où il est le plus fréquent de le faire. Cette hypothèse semble être renforcée par le fait que les États qui avaient légalisé l’avortement, de leur côté, quelques années auparavant, virent leur taux de criminalité diminuer avant les autres États.

Sans doute, le plus intéressant de Freakonomics concerne l’éducation des enfants. Levitt part des conclusions de Judith Rich Harris dans Pourquoi nos enfants deviennent ce qu’ils sont, qui assurent que les parents influent sur leurs enfants par les gènes, mais que leurs tentatives de les éduquer pour former leur personnalité ne contribuent que modérément à celle-ci, contrairement à l’influence des compagnons de classe ou de jeux. Comme « mesurer » la personnalité est assez compliqué, Levitt se limite au rendement scolaire, en recherchant des corrélations entre les résultats des enfants lors des premières années, où l’on note moins les influences d’autres facteurs, et différentes caractéristiques des parents. Ce qu’il trouve semble donner raison, au moins en partie, à Harris : les corrélations avec les bonnes notes concernent les parents en tant ce qu’ils « sont » et non ce qu’ils « font ».

Le premier chapitre est le plus amusant du livre, qui traite de diverses études sur les pièges et tromperies. Par exemple, Levitt démontre statistiquement que les lutteurs de sumo trichent. Dans ce sport, où le classement d’un lutteur est crucial pour ses gains, il y a six tournois importants dans l’année, où chaque participant réalise quinze combat. Montent dans le classement ceux qui gagnent plus de la moitié des combats. Les chiffres montrent que, quand s’affrontent dans le quinzième combat un lutteur qui a déjà gagné huit combats contre un autre qui n’en a gagné que juste sept et qui nécessite d’une ultime victoire, ce dernier gagne un nombre disproportionné de fois. Cela pourrait être à cause du désintérêt de la part de celui qui est déjà assuré de son classement, mais l’économiste a des raisons et des données pour négliger cette objection.

Les idées abstraites que les lecteurs de Freakonomics peuvent extraire du livre sont que les incitants – économiques, sociaux et moraux – ont une importance cruciale jusque dans les aspects les plus triviaux de la vie, que la corrélation n’implique pas nécessairement causalité, que « le sens commun » peut se tromper, que les grands effets peuvent être provoqués par de petites causes lointaines dans le temps et que les experts que nous consultons peuvent employer les avantages que leur procure leur plus grande connaissance pour leur propre bénéfice, et non pour celui de leurs clients.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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