En finir avec la TVA sociale

Une mesure aussi dangereuse que vaine

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En finir avec la TVA sociale

Publié le 26 novembre 2010
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Les thuriféraires de la TVA sociale lui prêtent de multiples vertus : faire contribuer les importations au financement de nos régimes sociaux et porter remède à leurs déficits, lutter contre les délocalisations, améliorer la compétitivité des entreprises et même augmenter le pouvoir d’achat.

Hélas, aucune de ces supposées vertus ne résiste à l’examen.

Faire payer les « méchants » produits étrangers ?

L’idée est simplissime. Pour lutter contre la concurrence des produits étrangers, il suffirait de basculer les cotisations sociales payées par les entreprises sur une TVA « sociale » payée par les consommateurs. On le répète à l’envi :

« les produits étrangers seront mis à contribution pour financer nos régimes sociaux » et, pour être plus précis, « Les T-shirts chinois financeront notre protection sociale ».

Cette rengaine sonne malheureusement faux.

La science économique comme le bon sens nous enseignent que ce ne sont pas les produits qui paient la TVA mais les consommateurs. La vieille sagesse fiscale le dit :

« si vous mettez un impôt sur les vaches, ce ne sont pas les vaches qui paient les impôts ».

La TVA « sociale » ne change en rien le fait que la même facture sociale sera toujours payée par le même nombre de Français.

Lutter contre les délocalisations ?

La TVA « sociale » se veut aussi une arme anti délocalisations, en abaissant le coût de revient des biens produits en France et en ne faisant plus porter tout le coût de la protection sociale sur le travail.

Transférer la totalité des charges sociales payées par les entreprises (210 milliards) supposerait de porter la TVA à 52%. Personne ne se risque à une telle proposition. Tout au plus propose-t-on de troquer quelques points de cotisations patronales contre 2 à 4 points de TVA.

Imaginer qu’une réduction aussi marginale des coûts salariaux changerait la donne dans une comparaison avec les salaires chinois ou tunisiens relève de l’illusion. Surtout, qui ne voit qu’une telle manipulation – qui s’apparente à une dévaluation (renchérir les produits importés, alléger le coût des exportations) – est dérisoire par rapport aux variations des changes : plus ou moins 20% pour la parité euro/dollar en 2010.

Diminuer le coût du travail ?

Indiscutablement, la TVA « sociale » constitue une diminution du coût du travail. C’est ce que voit l’entrepreneur. Mais globalement, à dépenses constantes, toute baisse des charges ne peut être qu’un transfert de charges.

Ce que voit l’économiste, et ce que devrait voir le politique, c’est que la non répercussion de la baisse des charges sur les prix entrainera de fortes tensions sociales pour obtenir des augmentations de salaires.

Si elles sont obtenues, elles annihileront pour nombre d’entreprises les effets positifs d’une baisse de coût du travail. S’ils ne le sont pas, la TVA sociale « amputera » le pouvoir d’achat au profit des entreprises.

Renflouer la Sécurité Sociale et moderniser son financement ?

Alléger les charges sociales des entreprises pour les transférer sur une TVA « sociale » serait, dit-on, un moyen de cesser de taxer le travail pour financer une sécurité sociale qui, devenue universelle, devrait être, selon certains, totalement ou partiellement financée par l’impôt.

Affirmer cela, c’est ignorer la nature et l’histoire de notre protection sociale.

Le travail n’est pas taxé. Les personnes au travail paient des services au travers de leurs cotisations. Les cotisations patronales ne sont que des cotisations salariales payées par l’employeur. Fiscaliser la sécurité sociale, comme on le propose, serait parachever son étatisation et rompre avec le modèle social français qui, historiquement, est celui d’assurances sociales obligatoires payées par des cotisations.

S’il est légitime de vouloir transférer une partie des charges sociales vers l’impôt, ce doit être uniquement pour clarifier les comptes en distinguant ce qui relève de la solidarité nationale (comme les allocations familiales) et ce qui relève de la logique assurantielle. Et la CSG est le véhicule naturel de tels transferts.

Augmenter le pouvoir d’achat ?

En proposant de répercuter une partie des baisses de charges sur le salaire direct, la TVA « sociale » a même été présentée un temps comme un moyen d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Or dans l’hypothèse parfaite selon laquelle les entreprises répercuteraient intégralement la baisse des charges sur leurs prix, l’opération au mieux serait neutre globalement pour les consommateurs. Au surplus, il faudrait pour cela rétablir une forme de contrôle des prix.

En fait, le succès actuel de la TVA « sociale » est lié à l’idée de baisse des charges salariales. Bonus pour les entreprises, malus pour les salariés. Si on ajoute la hausse partielle des produits importés (qui représentent jusqu’à 40% de la consommation des Français), la TVA « sociale » conduit bien à une baisse du pouvoir d’achat et à la régression sociale.

S’inspirer de l’Allemagne ou du Danemark ?

A l’appui de la TVA « sociale », on met volontiers en avant l’exemple de l’Allemagne qui, en 2007, a augmenté sa TVA de 3% dont 1 point consacré à la baisse des cotisations sociales. En fait, l’Allemagne n’a fait que suivre l’exemple de la France qui, en 1995, avait aussi augmenté sa TVA dans les mêmes proportions, pour remettre en ordre ses finances publiques et baisser les charges des entreprises.

L’analyse économique nous dit qu’il s’agit là de microdévaluations compétitives aux effets limités et temporaires.

Il y a presque 20 ans, le Danemark a adopté une TVA « sociale ». Nous n’avons pas pour autant été envahis par des produits danois devenus moins chers.

Au final, on peut certes vouloir augmenter la TVA pour renflouer les caisses d’un État trop endetté, mais il serait orwellien de faire mentir les mots : la TVA « sociale » n’a rien de social. Au contraire.

Maurice Lauré, le père de la TVA, expliquait au milieu des années 1990 que

« le recours à une TVA sociale destinée à gommer des coûts salariaux serait une mesure aussi dangereuse que vaine... ».

Article repris du site de l’Institut Turgot avec l’aimable autorisation d’Henri Lepage

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  • Il faut avoir le courage d’abandonner la proie pour l’ombre lorsque la proie n’est plus que l’ombre d’elle-même. Râler ne sert à rien. Contre un système injuste, contre des politiques qui confisquent et abusent du pouvoir au nom d’une soi-disant démocratie on essayait de trouver des solutions. La clérocratie en est une ! Osez !

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