La Mariannoïde

Les mouvements sociaux sont l’occasion de mesurer l’objectivité réelle des quotidiens

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Buste Marianne (Crédits marycesyl, licence Creative Commons)

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La Mariannoïde

Publié le 25 octobre 2010
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Franchement, pour certains Français, subir les blocages, les pénuries, les humeurs contrariantes des autres, ce n’est pas tous les jours drôle. Heureusement, la presse nous procure parfois ces quelques minutes de franche rigolade qui compensent un peu. Le mieux, évidemment, c’est quand elle le fait sur un malentendu…

Ce petit instant inopiné se produit actuellement : pour quelques quotidiens nationaux, il est difficile de rester strictement journalistique, factuel, et ne pas se laisser emporter par l’enthousiasme tourbillonnant des événements.

Comme on s’y attend naturellement, ça pétule joyeusement du côté de l’Humanité, et ça se trémousse gentiment de l’édito côté Libération. Jusque là, rien d’anormal : ces journaux, officiellement ancrés à gauche, ne font en rien mystère de leur attachement à une vision sociale calibrée au micromètre près; ils ne pouvaient guère jouer sur le registre du bêtement fidèle et se sont déjà totalement lâchés : on ne compte plus les articles où sont détaillés les combats, les luttes, les réquisitions et les actions vigoureuses qui donnent tout leur charme aux mouvements démocratiques et citoyens du Laissez-Moi Vous Brailler Ma Haine.

Moins attendu sont les petites bulles festives que laisse passer, dans un instant d’égarement, le quotidien Le Monde : certes, habitué des pignouferies de presse, il n’est pas totalement inconcevable qu’une fois encore, le journal de référence d’une partie de la gauche pastel laisse tomber pour quelques articles toute prétention à la neutralité journalistique et se laisse, lui aussi, emporter par les élans joyeux d’une description très favorable des événements qui ont lieu actuellement.

Il n’en reste pas moins que l’avalanche d’articles roses-bonbon constatée ces derniers jours laisse songeur.

On trouve ainsi, au milieu de résultats de sondages évidemment en faveur du mouvement, des articles sur la motivation des manifestants qui – bien sûr ! – ne faiblit pas, ou de palpitants diaporamas dans lesquels on découvre que toute la population ou presque — ne chipotons pas pour quelques millions d’individus réfractaires — se rejoue mai 1968, juillet 1789 et mai 1981 en même temps. Mieux, la prise de la Bastille, si elle n’est pas prévue, reste dans les esprits et les accents révolutionnaires de certaines illustrations ne laissent finalement aucun doute sur la tendresse éprouvée par les journalistes du quotidien pour tout le foutoir qui s’empare du pays actuellement.

Les Mariannoïdes

Bien sûr, le quotidien tente gentiment de camoufler ses sympathies derrière de petits articulets rappelant que tout ceci finirait par coûter un pont (notez l’emploi du conditionnel de rigueur journalistique, ici), mais se reprend bien vite en proposant à lire d’extraordinaires morceaux de bravoure rhétorique et sociologique : citoyens, contribuables, lecteurs, dormez tranquille, ces petites kermesses humanistes et bon enfant, en réalité, sont des guérillas sociales, durables et pacifiques.

Eh oui madame ! La voiture incendiée, les cabines téléphoniques pétées, les magasins pillés, c’est, en réalité, un dommage collatéral de cette guérilla pacifique.

Les milliers de kilomètres de bouchons, des centaines de tonnes de gasoil cramés en pure perte ou les millions d’heures de travail perdues en attente de trains qui ne passeront pas, c’est le résultat évident de cette guérilla durable.

La tension palpable entre les générations, la crise qui perfuse lentement à toutes les strates de la population, les salariés précaires du privé qui subissent les exactions des salariés fonctionnaires du public, c’est la conséquence logique et attendue de cette guérilla sociale.

Comme disait en substance ce gros rigolo de Staline, on ne fait pas d’omelette syndicale sans casser les œufs de ceux qui ne sont pas d’accord avec vous.

Il n’en reste pas moins, malgré l’insistance feutrée mais compacte et un tantinet répétitive des journaux engagés et autres, que le paysage est cependant un peu différent de celui qu’ils tentent de brosser avec un pinceau de plus en plus large.

En effet, si, dans leurs rêves humides, Marianne 2010 est une belle jeune fille juchée sur les épaules d’un bellâtre, qui manifeste bruyamment son désir de s’occuper maintenant de sa retraite qui tombera, bon an, mal an, en 2057, la réalité est bien sûr plus subtile et la figure de proue de la République fait de plus en plus penser à une mutante, mélange improbable de tendances antagonistes et de technologies honteuses qui auraient mal tourné.

Parce qu’à bien y regarder, on est bien plus proche de la Mariannoïde que de la figure esthétique de Delacroix : en 2010, l’égérie boit constamment de l’alcool de prunes, à chaque virage et dans chaque descente. L’augmentation drastique des levers de coude pour s’en enfiler bruyamment des litres et des litres donne le tournis.

Et quand elle ne carbure pas à l’huile d’amendes dures, elle se shoote à la taxocaïne non coupée, multipliant dans un manège incontrôlable les domaines où l’on pourra lui ponctionner sauvagement la bourse ; elle semble rechercher dans les paradis artificiels de déclarations aussi rigolotes qu’improbables la consolation d’un nième échec devant un nouveau budget aussi fantaisiste que déconnecté de la réalité.

Mariannoïde est très malade : elle est atteinte, simultanément, de myopie pathologique, de schizophrénie, d’Alzheimer et de Parkinson. Elle cumule ainsi

  • une mémoire de poisson rouge ne lui permettant absolument pas de se rappeler ce qu’elle fut jadis ni ce qu’elle fit la veille au soir,
  • une incapacité chronique à voir plus loin que ses frontières, refusant ainsi toute solution qui fonctionne pourtant bien dans le reste du monde
  • une agitation frénétique et incontrôlable dès qu’on lui fait part de ses problèmes
  • un désir violent d’en découdre avec la moitié d’elle-même qu’elle ne peut pas piffrer tout en souhaitant dans le même temps un retour à l’ordre, le tout saupoudré d’une volonté de vivrensemble pathétique et larmoyante pour laquelle elle serait prêt à enfoncer de grosses pompes cloutées dans sa propre gueule si elle venait à, finalement, penser autrement.

Ce tableau, pourtant clair à regarder plus loin que la presse, n’y transparait malheureusement pas.

En réalité, la presse ne joue depuis bien longtemps plus son rôle : en fait d’informer, les journaux français ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, et ne fournissent plus d’analyse de fond. Ils n’en ont plus le temps, plus les moyens puisque plus de lectorat : la pluie de subvention a réussi plus efficacement à les castrer que toute forme de censure, et l’introspection, la prise de recul et la critique ne seront plus admises que si elles débouchent sur les lieux communs qui permettent de continuer, justement, à toucher la manne étatique.

Cependant, fournissant régulièrement des tribunes à toute une panoplie de branleurs et de clowns à roulette, ils constituent à la fois une source de rigolade épisodique et un point de repère stable dans le chaos ambiant, phare de médiocrité posé sur un roc d’immobilisme dans un monde qui se passe de plus en plus de leurs services.

A bien y réfléchir, c’est pas mal, dans ces temps de marasme.
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