Des économistes arriérés

Dans un billet paru sur Le Monde, quatre économistes dans le vent nous expliquent doctement que les États ne sont pas allés assez loin dans les dépenses, les déficits et la dette

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Des économistes arriérés

Publié le 19 septembre 2010
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La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n’a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. D’ailleurs, on en a un exemple frappant avec l’hilarant texte paru dans Le Monde il y a quelques jours et qui montre le désœuvrement et la misère intellectuelle dans laquelle se vautrent avec un délice surprenant certains de nos fonctionnaires-chercheurs.

Ainsi, le pouvoir magique du keynésianisme et de la fuite en avant par la dette et les politiques à base de poudre de perlimpinpin n’est pas remis en cause. En Europe, au contraire, les États, sous la pression de ces intellectuels de gauche n’ayant jamais vécu que par et pour la création de dette, les institutions européennes et internationales appliquent avec une vigueur renouvelée des programmes d’endettements cataclysmiques camouflés en réformes millimétriques. On se souviendra du 9 mai dernier où la BCE, pour satisfaire aux impérieuses exigences des gouvernants à préserver la capacité d’endettement et d’enfoncement de la Grèce, aura jeté aux orties toute prétention à la moindre vertu financière.

De même, les pouvoirs publics ont dû partout improviser des plans de relance massifs et keynésiens, et même parfois nationaliser temporairement des banques. Et bien sûr, nos fins économistes ne veulent surtout pas arrêter cette bonne habitude : le logiciel social-démocrate est toujours le seul présenté comme possible, malgré ses échecs patents.

Fondé sur un paradigme qui présuppose la nécessaire intervention de l’État en tout domaine parce qu’il en sait plus que chacun des Hommes qui le compose, il prône de réduire les inégalités, les fractures sociales, le chômage, la pauvreté, moyennant un petit chèque (en blanc) régulier, qui se traduit par toujours plus de dépenses publiques. Pour donner le change, on va prétendre privatiser les services publics (comme La Poste en France, hum non c’est pas encore fait disons non la SNCF… heu non plus alors, alors la retraite par capitaliseuh non finalement ou les assurances santé bon bref, vous voyez bien ce qu’on veut dire) et accroître la concurrence en tout temps et en tout lieux tout en instituant force oligopoles et barrières aux entrées de marché grâce à un capitalisme d’État (crony capitalism) totalement débridé. Vache de concurrence, hein. Moralité, probité, objectivité, tout ça.

D’après nos économistes improvisés, l’Union européenne serait prise dans un piège institutionnel : les déficits publics auraient explosé à cause de la crise financière. Qu’ils aient été assez monstrueux avant même le déclenchement de la crise ne leur pose pas de problème. Que la crise résulte des montages basés sur de l’endettement, et que les États aient été déjà endettés avant cette crise ne provoque aucune remise en question de leur modèle de pensée ; ils se contentent donc d’aboutir au lieu commun entendu partout, dans toute la presse, tous les pensums pénibles d’altercomprenants à la mode qui paraissent en librairie, dans tous les discours politiques des socialistes de droite et des socialistes de gauche : la crise a provoqué les déficits.

Que ce soient les déficits, répétés et incontrôlables, qui aient provoqué la crise, c’est im-pos-si-ble !

Et voilà nos frétillants chercheurs de continuer sur leur lancée : pour eux, les États doivent emprunter pour se financer, avec une lourde insistance sur le doivent, parce que comprenez-vous bien, les États, qui ont des armées, la puissance nucléaire et décident unilatéralement de la loi et des règlement en vigueur, sont contraints d’emprunter : ils ont un véritable flingue sur la tempe et ne peuvent envisager aucune autre solution que l’emprunt pour se financer.

Établir un budget équilibré, c’est im-pos-si-ble !

Conclusion de nos économistes d’opérette : « Les marchés ont donc la clé du financement des États. » Bah oui : le dealer de coke est responsable de l’accoutumance au produit, est responsable de l’idée qu’en snifer, c’est la solution, est responsable de la diminution de l’effet à mesure que l’habitude est prise, est responsable des tous premiers rails reniflés à la va-vite, est responsable des vols que le drogué commet pour se fournir en dope. Le cocaïnomane, lui, est une victime, et seulement ça, bien sûr. Le schéma socialiste traditionnel de rejet de la responsabilité est, là encore, parfaitement cohérent.

Et puisqu’il faut enfoncer le clou jusqu’au bout, ils continuent donc, de moins en moins cohérents : les États se retrouvent à la fois forcés par les méchants marchés à s’endetter encore plus, et à la fois coincés dans des plans drastiques et bien souvent aveugles de réduction des dépenses publiques. Pour le coup, le mot aveugle est bien choisi : rien, dans les démarches entreprises dans les pays en difficulté, ne démontre une quelconque vision d’avenir, une réelle direction. À l’instar d’un aveugle qui se débattrait dans une piscine de confiture de groseilles, les gouvernants font des ronds et battent des bras, s’enfoncent un peu en faisant des bulles, mais ne se rapprochent pas vraiment du bord.

Notons tout de même qu’on arrive à la conclusion que, malgré ces plans drastiques et des dépenses publiques gravement amputées, on continue pourtant à créer des déficits colossaux. Ça donne soit une idée du risible de l’ampleur des réductions de dépenses, ou, a contrario, de la taille déraisonnable des emprunts contractés.

Devant ce constat, cependant, pas de changement pour nos économistes à roulettes.

Vouloir une gestion saine d’un État, c’est im-pos-si-ble !

Puis, trottinant sur le chemin fleuri du marxisme déguisé, ils embrayent sur la perte démocratique de la construction européenne face à la dictature des marchés, qui font rien qu’à embêter les États qui sont tout pauvres et sans défenses, mais on l’a déjà dit.

En tant que citoyen lambda, je suis atterré de voir que des économistes prônent sans rire ni plus ni moins qu’un retour à l’économie planifiée, des nationalisations massives et une augmentation débridée de la régulation, méthodes dont les succès retentissants en Europe de l’Est et au-delà, dans les pays d’Amérique du Sud, en Chine ou au Cambodge, auraient pourtant dû en écarter l’idée même. D’autres choix doivent être discutés. La crise a mis à nu la fragilité des évidences répétées à satiété par les décideurs et leurs conseillers. Il faut interroger ces fausses évidences, mal fondées scientifiquement. Ces économistes doivent donc assumer leurs responsabilités.

La plupart des « experts » qui interviennent dans le débat public le font pour rationaliser les politiques actuelles de dépenses effrénées, ou pire, quand ils publient dans Le Monde, pour reprocher qu’on n’aille pas encore plus loin dans la dette, la dépense, l’emprunt, et l’écrabouillage systématique des générations futures sous le coup de politiques de court-terme effrayantes d’irresponsabilité.

Bien évidemment, sur la fin de leurs pirouettes gauchistes, ils concluent sur la nécessité d’une refondation de la pensée économique, dont aucune esquisse n’est fournie dans la blague qu’ils nous infligent, en s’excusant presque de l’avoir fait avec cette dernière saillie :

Issus d’horizons théoriques très différents, nous avons souhaité favoriser l’expression publique des nombreux économistes qui ne se résignent pas à voir un schéma « néolibéral » réaffirmé et jugent qu’il faut changer le paradigme des politiques économiques en Europe.

En termes d’horizons différents, on trouve donc des chercheurs-pas-trouveurs d’un CNRS qui suçote vigoureusement de l’argent public, un clown d’ATTAC dont le positionnement n’a jamais été franchement du côté libéral, et un économiste issu d’une émanation de Science Pipo dont la production, ces dernières années, n’a pas spécialement été marquée par une moisson de philosophes, économistes, journalistes et penseurs de droite.

Effectivement, ça claque niveau différence : on dirait un camaïeu de rouge, du gros, qui tache.

Quant au fameux et fumeux schéma « néolibéral », on en attend encore la définition, tant ce terme fourre-tout n’aura servi que de repoussoir à toute la ribambelle de socialistes en peau de lapin qui veulent faire perdurer leur propre modèle social-démocrate, parfaitement défini, lui, et dont le track-record est particulièrement minable.

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