Le budget français de 2013 ou comment tuer la croissance

Quelle ironie : le candidat qui faisait campagne pour la croissance contre l’austérité s’apprête aujourd’hui, en tant que Président, à infliger aux Français un choc fiscal historique et ainsi tuer le peu de croissance française qui restait.

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Le budget français de 2013 ou comment tuer la croissance

Publié le 2 octobre 2012
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Quelle ironie : le candidat qui faisait campagne pour la croissance contre l’austérité s’apprête aujourd’hui, en tant que Président, à infliger aux Français un choc fiscal historique et ainsi tuer le peu de croissance française qui restait.

Par Emmanuel Martin.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.

Le budget de rigueur 2013 dévoilé vendredi constitue « l’effort le plus important depuis 30 ans », selon… M. Hollande lui-même. Dans la droite ligne de son prédécesseur et de la défense de la « règle d’or », le président socialiste a l’intention de réduire le déficit à 3% l’an prochain (contre 4,5% en 2012) afin de ne pas être « dans la main des marchés ».

Bien sûr, les investisseurs de marché peuvent être satisfaits de cet apparent sérieux du président socialiste. Bien sûr, l’Allemagne peut être soulagée de voir que « Flamby » est finalement revenu à la « réalité » de la nécessité de la lutte contre les déficits, après ses invectives électorales.

Sauf que la réduction des déficits n’est pas la clé du problème de la France en soi : c’est la façon dont le gouvernement y parvient qui compte. Ainsi, derrière la rhétorique d’un budget « courageux et responsable », ou encore « de conquête », la réalité est que ce budget est essentiellement basé sur des augmentations d’impôts (24 milliards €) – et non des réductions de dépenses (10 milliards ?). Dans un pays où la dépense publique représente plus de 56% du PIB et la dette publique explose à présent près de 90% du PIB, un gouvernement « responsable » aurait lancé un effort sérieux de réformes visant à réduire le niveau des dépenses publiques.

Ainsi, la pression fiscale totale passera de 44,9 à 46,3% du PIB tandis que les dépenses publiques seront « stabilisées » à 56,3% du PIB. Les recettes de l’impôt sur le revenu devraient augmenter de 25% (de 59 milliards à 73 milliards). Une nouvelle tranche d’imposition à 45% est créée au dessus de 150.000 €, avec bien sûr toujours le fameux taux de 75% pour les revenus (du travail seulement) au-dessus de 1 million. Cette progressivité plus agressive n’est pas une bonne recette pour les incitations à investir et à créer. Le statut de l’auto-entrepreneur sera rogné. La nouvelle fiscalité sur les plus values de revente de parts d’entreprise (60,5 % !) sera une puissante incitation pour les entrepreneurs à ne plus lancer de projets d’entreprise. Les entrepreneurs se rebellent d’ailleurs avec un nouveau collectif qui proteste contre cette fiscalité anti-croissance : « les Pigeons » (http://defensepigeons.org). Les recettes de l’impôt sur les sociétés devraient augmenter de 30% à 52 milliards (en particulier du fait du rabotage des déductions fiscales des grandes entreprises sur charges d’intérêt).

On voit difficilement comment les problèmes de chômage élevé (qui a récemment atteint 10%) et de manque de compétitivité dû au coût du travail seront résolus par une telle politique (surtout après que le gouvernement l’été dernier a choisi de réduire l’âge de la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans et augmenté le salaire minimum national).

Aujourd’hui, le gouvernement maintient que la plupart de l’effort fiscal sera supporté par les ménages riches et les grandes entreprises. Mais, premièrement, derrière la rhétorique de « lutte des classes », l’on sait bien que de frapper les riches revient, en fin de compte, à frapper les pauvres – parce que les riches investissent moins ou partent. Ensuite, il s’avère en outre que, d’après un syndicat des impôts, 16 millions de foyers fiscaux (sur 36 millions) seront touchés par une augmentation d’impôts, étant donné le gel du barème de l’impôt. Le plafond du quotient familial est réduit de 2.300 à 2.000 €, ce qui nuira aux familles de la classe moyenne qui paient l’impôt sur le revenu. La nouvelle taxation des dividendes et de l’épargne va pénaliser les épargnants pauvres et de classe moyenne. Une mesure prise cet été par le gouvernement a déjà réduit le pouvoir d’achat des « travailleurs » : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.

La masse salariale de l’État est « gelée » à 80 milliards – et non pas réduite. Même la réduction du budget d’un Ministère aussi peu prioritaire que celui de de la Culture est risible (de 2,54  à 2,43 milliards d’euros – soit à peine 110 millions… de différence). Effectivement, 12 300 emplois seront supprimés dans les différents ministères. Mais 11 000 nouveaux emplois publics seront créés (en plus des 6 800 déjà créés cet été). La règle du non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite mise en place par M. Sarkozy a été supprimée. Même quand il est affirmé que les programmes publics seront réduits (mais Jean-Marc Ayrault n’en a pas mentionné un seul au cours d’une émission TV jeudi soir), il est difficile de voir où seront trouvés les 10 milliards.

Une étude récente du NBER [1] par Alberto Alesina, Carlo Favero et Francesco Giavazzi constate que les ajustements budgétaires axés sur les dépenses sont « associés à des récessions mineures et de courte durée, et dans de nombreux cas pas de récession du tout » tandis que « les ajustements fondés sur l’impôt » sont associés à « une récession profonde et prolongée ». Il est grand temps que la France rationalise son administration (par suppression de couche dans son « mille-feuilles ») et réduise ses dépenses publiques. M. Sarkozy était sans doute un grand dépensier faisant exploser la dette publique d’environ 30% (ce qui affaiblit les critiques de l’opposition aujourd’hui), mais l’effort de rationalisation des dépenses publiques avec la Revue générale des Politiques Publiques était un bon début. M. Hollande l’a écarté.

Enfin, notons l’habituelle hypothèse optimiste quant à la croissance l’année prochaine : 0,8% alors que les économistes prévoient 0,3%. 0,1% signifie tout de même 1 milliard. Comme il est évident que le choc fiscal étouffera l’économie, les prévisions de croissance du gouvernement de 2% pour les prochaines années sont un gag.

Après près de quarante ans de budgets en déficit, le fait que la France se soit enfin tournée vers la responsabilité budgétaire a pu paraître comme une bonne nouvelle. Mais c’est le type de chemin vers la responsabilité financière qui importe, et, malheureusement, M. Hollande a choisi « l’austérité avec plus d’impôts et pas de réforme ». La France étant un acteur incontournable dans la crise actuelle de l’Euro, ce budget éminemment pro-récessif, s’il est voté, ne pourrait-il signifier la fin proche de l’Euro ?

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Sur le web.

  1. « The output effect of fiscal consolidations », NBER Working paper No. 18336.
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  • La situation est encore plus noire que vous la décrivez malheureusement.

    Le choc fiscal de 20 milliards annoncé à la rentrée, suit les annonces de 7 milliards de prélèvements supplémentaires de l’été. Cela suit également les inventions fiscales multiples du gouvernement Fillon, déjà estimé à 25 milliards. Même en faisant semblant de ne pas voir le tour de passe-passe des faux 10 milliards d’économie de la fonction publique, on est donc très loin de la règle des 3 tiers …

    Je dois de plus ajouter que cette règle des 3 tiers est encore une façon tronqué de présenter les choses. Comme on le voit plus haut, le service publique fait plus de 50% du PIB, mais on ne lui attribue avec « justice » qu’un tiers de l’effort au lieu de la moitié qui lui reviendrait pour un effort égal pour tous ! De plus, il faut bien comprendre qu’à moyen terme, les salarié du privé et les entreprises sont dans le même bateau. Les hausses d’impôts et de cotisations des entreprises se ressentiront donc dans un an au niveau des augmentations absentes et des embauches, de la même façon que l’on a payé les 35 heures avec quelques années de modération salariale.

    Bref, nous avons désigné un pipoteur en chef, spécialiste de la sémantique à notre tête et nous en récoltons le résultat. Il fait n’importe quoi en noyant le poisson en permanence.

  • Pression ficale à 46,3 % et dépenses publiques à 56,3% du PIB.

    Je ne comprends pas pourquoi le déficit n’est pas de 10% du PIB alors?
    Quelqu’un peut il me donner l’explication?

    • L’Etat a d’autres recettes, comme les dividendes des entreprises publiques, et n’oubliez pas l’endettement.

    • Est-ce qu’il n’y aurait pas aussi un truandage sur les mots (prélèvements vs cotisation vs impôts vs taxe ou que sais-je) ?
      En gros on met un joli nom et on oublie de le compter dans les prélèvements obligatoires…

    • Tour de passe-passe : une partie des recettes des administrations publiques ne sont pas des « prélèvement obligatoires ».

      • C’est ce que je me demandais, par exemple une carte grise, ça ne doit pas faire partie des prélèvements obligatoires. D’un autre coté, la SNCF doit rentrer dans les 56.3 % de dépenses.

  • Et l’Eurogroupe ne dis rien ?!!!
    Schauble au secours !!!!

  • Le slogan de Porcinet aurait du être « La récession et le mensonge, c’est maintenant ! »

  • Un vent de révolte commence a souffler sur la France depuis vendredi sous deux effets :

    1. L’alignement des revenus du capital sur ceux du travail, qui est un grand principe du budget est une hérésie économique même aménagée.
    2. L’état avait promis de faire un effort d’1/3, en fait son budget augmentera l’année prochaine pour passer de 370 à 371 Milliards d’Euro.

    C’est un schisme monumental qui vient de se passer et certainement une erreur fatale pour ce pays. Pour ma part je m’inquiète des conséquences car quand les élites économiques ont rompu avec les élites politiques dans l’histoire, la suite n’a toujours été qu’incertitude voire chaos.

    Il est grand temps que nous sortions de l’ombre pour éviter le pire. L’état doit montrer qu’il a à corps l’intérêt général et qu’il est honnête et sérieux dans sa démarche à défaut d’être compétent.

    Hors les collusions d’intérêts sont manifestes au sommet de l’état. Puisque l’ensemble de la classe politique française et les hauts fonctionnaires tirent des avantages personnels de cette dépense publique.

    Des symboles forts doivent être envoyés au peuple. Alors que c’est l’existence même de notre état qui est en jeu et avec lui le ciment de notre nation, les enjeux sont trop élevés pour que l’on ne nous assure pas que les réformes sont conduites honnêtement.

    Il est grand temps que les fonctionnaires de catégorie A prouvent que c’est bien l’intérêt de la France qu’ils servent.

    Il est temps que nous réclamions que les retraites des fonctionnaires de catégorie A soient alignées sur les retraites privées. Et que le personnel politique renonce irrévocablement à son statut de fonctionnaire dès le deuxième mandat.

    Ces exigences sont fondamentales pour fonder tout projet de réforme.

  • Le budget de la culture et de la communication, c’est plus de 7,4 milliards, « en baisse de 2%, ce qui témoigne de la participation du ministère à l’effort général de redressement des comptes publics mais aussi de choix politiques clairs et affirmés, blablabla … »

  • Les commentaires sont fermés.

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