La médecine est-elle encore libérale ?

Pourquoi le système de santé en France est en crise ? Comment remettre sur pieds un régime en voie de décomposition ?

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Médecine (Crédits : Adrian Clark, licence CC-BY-ND 2.0)

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La médecine est-elle encore libérale ?

Publié le 30 novembre 2016
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Par Jacques Garello.
Un article de la Nouvelle Lettre

Médecine (Crédits : Adrian Clark, licence CC-BY-ND 2.0)
Médecine (Crédits : Adrian Clark, licence CC-BY-ND 2.0)

Après les médecins urgentistes, puis les généralistes, voici les infirmiers, le personnel de soins et les étudiants en manifestation contre le sort que leur réserve le ministère de la Santé. Ce n’est qu’un nouvel épisode de la lente agonie de notre système public. Livré à la désorganisation, à l’absentéisme, puis aujourd’hui à la compression des budgets. Derrière tout cela, deux causes principales : manque de personnel qualifié, mauvaise gestion. La solution ? Libérer la médecine et l’hôpital.

La situation de notre système de santé

Un article récent de l’IRDEME (Emploi 2017, 2 novembre) fait le point de cette situation. En l’an 2000, la France était considérée par l’OMS comme le pays au meilleur système de santé de l’OCDE. Aujourd’hui tous les critères convergent : c’est la déroute. Les effectifs de personnels de santé pour 1 000 habitants sont parmi les plus faibles et les hôpitaux publics sont obligés de recruter bon nombre de médecins étrangers, souvent des Africains.

Pour 1 000 habitants, il y a en France 3,4 médecins et 7,7 infirmiers, à comparer avec la Suisse, qui culmine à 3,8 et 14,1, ou les États-Unis ou la Suède, et même avec les Allemands (3,7 et 9,7). Seule la Grande Bretagne, empêtrée dans son National Health Service, fait moins bien pour les médecins (2,4) mais mieux pour les infirmiers (9,1).

La France se caractérise encore par un surcroît de prescriptions et de consommation de médicaments. Les médecins prescrivent en moyenne 4,5 médicaments par ordonnance, contre 0,8 dans les pays scandinaves. En antibiotiques, par exemple, la France est à 41 % au-dessus de la moyenne européenne.

La médecine est-elle encore libérale ?

L’explication du déclin est à deux vitesses. D’une part, la médecine a été socialisée par le monopole de la Sécurité sociale, la liberté des honoraires n’existe pas, et l’État a bloqué le secteur à honoraires libres et les dépassements d’honoraires. Si on y ajoute la fiscalité personnelle, on comprend que la profession libérale ne tente plus qu’une grosse moitié des praticiens (130 000 sur 230 000) ; ils cherchent à se salarier et à travailler en free lance affectant souvent une partie de leur temps libéré à des missions humanitaires.

La désertification médicale est devenue un drame dans de nombreux départements ruraux. D’autre part, la socialisation a entraîné l’irresponsabilité généralisée, puisqu’on s’est écarté de la logique assurancielle pour lui préférer la redistribution (les bien-portants payent pour les malades). Du côté des patients comme des prescripteurs, il n’y a aucune modération de la consommation médicale.

Le poids du public

Le dysfonctionnement du système de soins a pour foyer principal l’hospitalisation publique. Sa gestion est grevée par le statut du personnel : l’emploi à vie incite à l’irresponsabilité, qui se traduit par une moindre productivité, une moindre cohésion et un absentéisme record. Cette mauvaise performance du secteur public est due principalement à deux éléments : la structure de l’appareil hospitalier français, et le fait que le personnel soit fonctionnarisé.

Les hôpitaux publics sont de trop faible taille pour être rentables et offrir des prestations et des équipes de qualité. Un tiers des hôpitaux publics a moins de 30 lits (contre 9 % des privés) et la distance moyenne à l’hôpital est de 35 km (contre 100 en Suède !). Ce mitage hospitalier est ruineux. Dans les hôpitaux publics, les directeurs sont paralysés dans leur gestion et ont affaire à des syndicats extrêmement revendicatifs : « mission impossible » dit Philippe François de l’IFRAP. Une comparaison des deux secteurs, en termes de personnel, est très révélatrice : pour 1.000 lits, il y a au total 30% de personnel médical ou technique en plus dans le secteur public et trois fois plus d’administratifs.

La mesure détaillée de ce sureffectif du public par rapport au privé montre qu’il représente : 59 % pour les infirmiers spécialisés, 21 % pour les infirmiers non spécialisés, 49 % pour les aides-soignants, 251 pour le personnel administratif ! La tendance est inverse pour les personnels techniques (6 employés pour 1 000 lits dans le public et 15,6 dans le privé), mais est-ce une bonne chose ?

Cela n’empêche pas le ministère de la Santé publique de pénaliser les hôpitaux et cliniques privés : au lieu d’aligner la gestion du public sur le privé, on fait l’inverse. La solution est évidemment dans la privatisation et la concurrence : un système de soins performant, moins coûteux, à la portée de tous, et des praticiens et soignants de qualité.

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  • Et c’est pas fini !! Pour les soins dentaires, la fonctionnarisation est en marche avec l’arrivée de « diplômés » des écoles privées espagnoles, portugaises et roumaines; va y avoir du sport au vu des formations proposées (notamment, un nombre certains de ces diplômés n’ont jamais exercé en bouche !!). La SS se fout de la prévention , de la qualité des soins; ce qu’elle veut, c’est baisser les coûts en pensant que l’étatisation lui permettra d’y arriver; de plus, el le ne pousse pas la logique au bout c-a-d rendre tous les professionnels de santé fonctionnaires !!!

  • Il n’y a un autre élément que vous ne prenez pas en compte la mauvaise distribution du personnel parmi les hôpitaux avec des hôpitaux locaux en sous effectifs entrainant un épuisement du personnel (d’où un certain nombre d’arrêt maladie avec émergence de pathologies musculo tendineuses que l’on ne voyait pas auparavant) et une mauvaise prise en charge des patients dont, par exemple, les toilettes sont parfois faites l’après midi ou à moitié faite !

    Il y a aussi un autre problème : on parle qu’il y a dans l’ensemble trop de lits par malade mais en pratique vous ne trouvez jamais de place pour hospitaliser un patient rapidement !

    Et réjouissez vous ! l’hôpital s’exporte en ville avec des projets de maisons médicales pluridisciplinaires qui semble être la panacée pour nos autorités sanitaires dont les praticiens seront payés par l’hôpital ou les mairies avec installation d’internes pour les attirer dans des endroits qui n’attirent plus personnes… succès garanti. Au lieu de libérer les médecins libéraux, on exporte des systèmes couteux !
    On fait miroiter aux internes que c’est vraiment super les pôles de santé. Du coup pensant bien vivre sans trop s’épuiser, ils y vont en masse. Un non sens : ils vont retrouver les travers de l’hôpital en médecine de ville alors que les internes de médecine générale ne veulent plus entendre parler des hôpitaux lorsqu’on les a en stage. Pour justifier tout cela on se garde bien de rendre attractive la médecine générale libérale.

    Pour le mésusage des antibiotiques, le gouvernement a une réponse dans les cartons : on va punir les méchants généralistes (car la consultation est à sens unique n’est ce pas !) en les contraignant dans les prescriptions (ordonnance sécurisé, limitation à 7 jours, indications restreintes,…). Alors que l’on connait les solutions (développement de tests diagnostics, campagne d’information conjointe patients-médecins,…). Car en France lorsqu’il y a un problème, on ne connait qu’une solution : on interdit. Facile et en plus cela peut rapporter de l’argent !

    • J’ajouterais en lisant l’article : « que la profession libérale ne tente plus qu’une grosse moitié des praticiens (130.000 sur 230.000) ; ils cherchent à se salarier et à travailler en free lance affectant souvent une partie de leur temps libéré à des missions humanitaires… La désertification médicale est devenue un drame dans de nombreux départements ruraux. D’autre part, la socialisation a entraîné l’irresponsabilité généralisée, puisqu’on s’est écarté de la logique assurancielle… »

      C’est assez hallucinant, qu’outre l’obsession anti-fonctionnaire caractéristique du forum (pour une philosophie qui prône l’individualisation, autant de généralisation sur une catégorie de la population, c’est lamentable), sur ce type d’article, on ne mentionne même pas le lien entre la féminisation du corps médical et la baisse des effectifs des professions libérales (la féminisation n’est pas un mal à condition de le prévoir, ce qui n’a pas été fait dans le numerus clausus, pas une seule fois cité dans l’article).
      On parle ici des déserts médicaux, mais si, comme les fonctionnaires, on mutait d’office le personnel médical dans les zones en tension, le problème ne se poserait même pas. Sujet tabou, on ne peut à la fois abolir le fonctionnariat sans en assumer les contre-parties.
      Et de grâce, on peut tout à fait critiquer le système public sans comparer des patates et des poireaux. Un peu de rigueur. L’hôpital public doit tendre vers une continuité des services jour et nuit sur tout type de pathologie sans parler des coûts, là où une clinique est beaucoup plus libre de choisir ses horaires et ses pathologies. Même entre les hôpitaux publics, ces types de comparatifs sont absurdes.

      • Merci de ne plus comparer la sacrée « mission de service public [jour et nuit] » des hôpitaux publics avec le « libre choix d’horaires et de type de pathologie » des cliniques privées ! Ceci est faux : la plupart des cliniques privées participent à la mission de service public…en particulier pour les urgences. D’ailleurs, vouloir tout faire en tout temps est inepte et assez piètre en efficacité et en résultat…

      • Désolé « Tigrou » vos informations sont fausses:
        -Les cliniques ne sélectionnaient pas les malades, ce sont les contraintes réglementaires qui leur ont fait évoluer »de force » avec une nomenclature inepte: une suture=20€ et pour assurer un service public interdiction pour les chirurgiens de faire des DP.
        -Au pays des 35 h les femmes médecins comme leurs collègues masculins ne veulent pas travailler 70H/Semaine;
        -Enfin il n’ y a personne pour aller dans les déserts sans crèches ni services de proximité!
        Pour le reste lisez mon livre et écouter Mardi prochain mon émission sur l’Hôpital Sud Radio à 18h
        Cordialement

  • IL vous suffira de lire mon article »L’Hôpital doit maigrir » et d’écouter le 6 Décembre à 18h Sud Radio »L’Hôpital est-il malade » pour voire que vous avez 100% raison;
    J’en parle aussi dans mon livre (Ed L’Harmattan) »Chirurgie chronique d’une mort programmée
    . »
    B.KRON
    Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie

  • Deux observations :
    1 – L’augmentation constante au fil du temps, de la proportion d’administratifs (directeurs, sous-directeurs et agents administratifs) dans les hôpitaux publics, qui représentent une part non négligeable de la masse salariale budgétaire.
    2 – Le formatage des « directeurs » issus de l’ENSP (École Nationale de Santé Publique) à « administrer » (toujours plus) l’hôpital public ; cf. l’adage : « Les hôpitaux fonctionneraient beaucoup mieux s’il n’y avait pas les malades (… et les médecins) ».

    Au cours de ma carrière hospitalière (35 années), j’ai vu :
    – passer une petite dizaine de directeurs généraux. En gros, durée moyenne de séjour d’environ un peu moins de 4 ans ;
    – dont un ex-pilote de chasse, en emploi réservé (anomalie bien française, source de [in]compétence ?) ;
    – dont un autre, déplacé (promu, en fait, à un poste plus prestigieux) à la suite de malversations évidentes à retentissement budgétaire…

    Enfin, que dire de ces délégués syndicaux, omniprésents, déchargés de travail, mais vraiment très agressifs.

  • Encore une fois, je le répète, comme disait Bernard Debré, dans les années 70, il y avait à l’hopital Cochin, à Paris, un directeur et deux sous-directeurs. 30 ans plus tard, 1 directeurs et 12 sous-directeurs….. Lesquels ont forcément secrétaires et autres « collaborateurs » ….

  • L’article et LES commentaires sont unanimes, ils sont surtout le résultat De cette monstruosité lhospitalocentrisme DE SIMONE Weil sous l’égide de Giscard on crea des hôpitaux dont on ne sait plus quoi faire. Barrot fut un des fossoyeurs de la médecine libérale
    Il est souligné aussi la surconsommation de médicaments qui sur le plan comptable participe au déficit abyssal

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