Notre culture est-elle menacée par le libre-marché ?

Ne cherchons pas à détruire les échanges qui ont réussi à créer nos cultures spécifiques. La construction, l’engagement et les prises d’initiatives sont à la base de l’enrichissement culturel.

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Notre culture est-elle menacée par le libre-marché ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 novembre 2016
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Par Frédéric Jollien.

Notre culture est-elles menacée par le libre-marché ?
By: Jose Losada – FotografíaCC BY 2.0

Il suffit de lire les grands titres des ouvrages exposés dans nos librairies pour comprendre que la mondialisation, ou le processus économique de libre-échange mondial, est accusé de tous les maux. L’un d’entre eux, particulièrement mis en avant par les conservateurs, est l’affaiblissement de la spécificité des cultures et la standardisation mondiale. On accuse le marché de détruire nos valeurs, nos cultures régionales au profit d’une culture de masse superficielle fondée sur le profit.

Dans son livre False Dawn : The Delusions of Global Capitalism, Jeremy Tunstall définit la thèse de l’impérialisme culturel comme « l’opinion selon laquelle la culture authentique, traditionnelle et locale dans de nombreuses parties du monde est détruite par le dumping aveugle de grandes quantités de produits commerciaux et médiatiques superficiels, principalement provenant des États-Unis ». Mais au-delà des auteurs anti-capitalistes que l’on retrouve communément sur nos étalages, c’est généralement une opinion partagée par bon nombre de citoyens.

La richesse des échanges

Assis dans son bar irlandais favori, le citoyen français, vêtu de ses habits de coton chinois, sirotant son vin espagnol dans son verre fabriqué en Pologne se plaint de la musique pop américaine diffusée par des hauts-parleurs japonais. Il a bien l’intention de voter des subventions en faveur de la culture locale ou d’obliger les médias à diffuser des groupes locaux car il en a « marre de cet envahisseur culturel ». Mais demandez-lui quels sont ses groupes et chanteurs préférés et il détournera le regard.

Nos cultures locales ne constituent rien d’autre que le produit des multiples échanges passés. Nos menus autochtones sont garnis de fruits et légumes qui ne se trouvaient pas en Europe avant la fin du XVIIe siècle. Notre langue est généralement un croisement des multiples échanges effectués avec d’autres tribus, d’autres peuples. Notre musique locale se joue sur des instruments qui ont été développés, inventés ou fabriqués dans d’autres contrées. Notre littérature s’écrit sur du papier inventé en chine et nos chiffres sont arabes. Définir notre culture ne fait que très peu de sens tant la culture est le fruit de milliers de croisements historiques et d’une multiplicité de spécificités.

Amélioration des cultures locales

En plus de son hypocrisie, l’idée protectionniste se trompe dans son jugement. Le libre-marché a amené, au contraire, une amélioration substantielle des cultures locales.

L’art inuit en pierre sculptée ne s’est réellement développé qu’à la fin du XXe siècle grâce au commerce qui lui a permis d’accéder à la stéatite alpine, une pierre facile à sculpter. La musique irlandaise a connu son renouveau avec l’introduction du bouzouki dans les années 70 et l’utilisation de bois africain ou jamaïcain pour ses célèbres flûtes. La beauté des chants diatoniques et dissonants des chœurs bulgares a été reconnue jusqu’à Hollywood où elle a été utilisée dans des blockbusters tels que Troy ou Avatar. La liste pourrait continuer indéfiniment…

Le problème n’est donc pas la destruction supposée des spécificités locales. Elles n’ont jamais été autant diffusées à travers le monde, jamais elles n’ont été autant améliorées qu’aujourd’hui avec l’ouverture qu’offre la multiplicité des échanges. Le problème est la visibilité de la variété, de la liberté de choix offert à tous : les kebabs et les restaurants chinois fleurissent dans nos rues, les pubs irlandais résonnent au son des sessions de musique traditionnelle et les cours de danse africaine ou latino font salle comble. Le libre-marché a amené le cosmopolitisme.

Liberté de choisir

Dans ce monde de liberté de choix, chacun cherche ce qui le passionne, ce qui répond à ses valeurs, à ses goûts et chacun se créé son identité. Personne n’est contraint de faire des choix exclusifs. On peut se rendre aux fêtes locales, chanter dans le chœur du village et danser la salsa brésilienne.

Parallèlement à cette augmentation de l’hétérogénéité, les citoyens se cherchent une spécificité locale, liée à leur terre et à leur communauté de vie. C’est cette dynamique puissante de renfort de leur particularité que l’on retrouve typiquement dans la communauté irlandaise de l’Ulster, en Bretagne et parmi les minorités locales de tous les pays. Comme le dit Tyler Cowen dans son ouvrage Creative Destruction : How Globalization Is Changing the World’s Cultures (2002), la créativité ne se retrouve pas que dans un cosmopolitisme exacerbé mais parfois dans l’affirmation de ses différences spécifiques.

Le libre-marché reçoit de fausses accusations. L’idéologie anti-libérale reflète surtout l’envie de certains de façonner le goût des gens à leurs visions personnelles. Il reproche à un système économique basé sur la liberté de choix de créer un monde différent de leurs fantasmes.

Étrangement, c’est en raison du cosmopolitisme du libre-marché que des gens s’investissent autant pour la culture locale et l’ont grandement améliorée. Les conservateurs devraient glorifier le libre-marché, se féliciter de la diffusion de leur culture à travers le monde et continuer à s’engager à l’améliorer. De même, les « progressistes » devraient cesser de reprocher aux conservateurs leur fierté nationale ; elle est aussi un moteur de créativité.

Ne cherchons pas à détruire les échanges qui ont réussi à créer nos cultures spécifiques. La construction, l’engagement et les prises d’initiatives sont à la base de l’enrichissement culturel, et seule la liberté offre pour cela de véritables incitatifs.

 

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  • Excellent plaidoyer, qui remporte toute mon adhésion.

  • Beaucoup de français ignore à quel point l’influence de notre culture est importante partout dans le monde, nous ne sommes pas la 1ere destination touristique pour rien. Des touristes sont même prêts à venir se marier chez nous, Un récent scandale concernant des mariages de couples chinois (ayant entraîné le suicide d’un maire, sa maîtresse touchant des pots de vin) le prouve.
    Développer ou entretenir nos spécificités culturelles locales est un plus dans ce domaine .
    Nous n’avons qu’un défaut, notre difficultés à maîtriser les langues étrangères, une certaine arrogance aussi parfois, un gros problème de sécurité affaire du réseau roumain …)
    A mon avis, un plan passant par une stratégie sur ce théme, pourrait créer un énorme bassin d’emploi

  • Globalement d’accord avec le fond de l’article. Toutefois la phrase « Définir notre culture ne fait que très peu de sens tant la culture est le fruit de milliers de croisements historiques et d’une multiplicité de spécificités » est simplement fausse. Le contenu d’une culture donnée st évolutif, mais ce n’est pas pour autant que parler de « culture française » n’a pas de sens. On peut très bien définir à gros traits la culture française aujourd’hui, et nous savons grosso modo ce qui en fait partie, ou pas. Les contours de la notion de culture sont flous, évidemment, comme c’est le cas de la plupart des mots et des discours, à des degrés divers (sauf peut-être dans le langage mathématique).
    Ici encore, il faut rejeter à la fois la vision réactionnaire qui fait de la culture une notion éternelle qu’il faut défendre contre les agressions extérieures, et la vision « progressiste » qui, acceptant de fait la définition de la culture comme une notion figée, en conclut qu’elle n’existe pas et que quiconque la défend est xénophobe.

    • Il y a plus de proximité entre la culture Provençale et la culture d’une partie de l’Italie, entre l’Alsace et l’Allemagne. Le pays Basque est transfrontalier. Donc, oui la culture française est diverse, à la fois dans le temps et l’espace. Il est possible de manger un « sorbet » ou de boire un « sirop » (mots d’origine arabes) en admirant une église « gothique » d’un coté et des arènes « romaines » de l’autre, puis de manger des frites (tradition Belge à partir d’une plante d’Amérique du Sud et appelé « french fries » aux USA !), puis de boire un thé. Et je ne parle pas d’apports récents. Comment définiriez-vous la « culture spécifiquement française » ?

    • il faut d’abord simplement rappeler la définition de la culture… en ce qui me concerne la culture français est un fait.elle existe et est ce qu’elle est… mais c’est la somme de toutes les cultures des individus , l’idée est curieuse d’imaginer que tout français posséderait quelque chose en commun qui s’appellerait culture française… la culture française c’est un projet politique mis en oeuvre dans des programme éducatif nationaux! c’est Nos ancêtres sont les gaulois
      par contre, la vouloir changer ou non , c’est de la politique! quant à la réaction ou au progrès, en ce qui me concerne l’idée de progrès est associée à une amélioration…mais on ne sait pas toujours de quoi et pour qui, et la notion de réaction n’est qu’une volonté de ne rien changer, les opposer suppose donc que le changement est toujours un progrès…ce qui me semble curieux…

  • Dans des contrées lointaines les informations écrites arrivés longtemps après les faits ceci étaient peut déformées Puis on créera l’école moderne Après Charlemagne , les faits était toujours encore assez bien conservés , plus tard on créera internet et de l’informations à plusieurs visages. Les cours dans les classes sont actuellement ajoutés ou retrancher ,la vérité de l’enseignements n’est plus la même. Dans chaque changement avec son modernisme , il y a un certain sacrifice. Rien n’est bleu ou bleu ciel mais le choix de recevoir une lettre ne nous appartient plus on suit simplement un mouvement une époque si non vous serez condamné par celles ci a la marginalisations , essayons plus tôt alors dans ce cas de prendre dans ces sociétés (qui changent beaucoup plus vite que celles présidentes) . ce qui nous semble bons pour nous de façon individuelle c’est ce qui devrait préserver notre personnalité individuelle.

  • Ok sur la critique du protectionnisme mais le raccourci « être contre le libre-marché, c’est être pour le protectionnisme » est incorrect. Le libre-marché est devenu une idéologie qui se trouve au cœur d’un capitalisme libéral extrême et théorisé à travers les décennies par les Walras, Hayek, Friedman… Certes les protectionnistes combattent le « libre-marché » mais il est aussi opposé par les mouvements progressistes se trouvant aux antipodes de ces protectionnistes. On peut envisager un monde fait d’échanges entre les peuples sans pour autant qu’il soit dicté par les lois du « libre-marché », avec toutes les conséquences néfastes découlant de celui-ci, que ce soit au niveau social, environnemental, droits humains, etc.

  • il y a une certain nombre de points plutôt subjectifs.
    L’ancienne culture grecque représente un tiers de la civilisation occidentale et, par extension, un tiers de la civilisation universelle, parce que il y a – et il ne peut y avoir qu’ – une seule civilisation. wow… quand ça commence comme ça..ça donne envie de lire le reste.

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