Malaise dans la fonction publique

La fronde récente des policiers, la crise persistante de l’école montrent pourtant qu’il y a urgence à relever le défi de la réforme de la fonction publique, tant ce sujet est porteur de lourds enjeux sociaux et politiques.

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Malaise dans la fonction publique

Publié le 16 novembre 2016
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Par Vincent Feré.
Un article de Trop Libre

Malaise dans la fonction publique
By: ArendCC BY 2.0

Les programmes des candidats à l’élection présidentielle ne sont pas à la hauteur du profond malaise de la fonction publique. La gauche, officiellement, ne soulève pas la question, se posant en défenseur d’un modèle social français qui irait naturellement de pair avec une administration pléthorique, tandis que la droite promet des réductions drastiques d’effectifs, sans jamais préciser exactement où ni comment.

La fronde récente des policiers, la crise persistante de l’école montrent pourtant qu’il y a urgence à relever ce défi porteur de lourds enjeux sociaux et politiques.

 

Fronde policière et malaise enseignant

La grogne policière présente bien des points communs avec le malaise enseignant : perte du sens de leur mission chez les uns et chez les autres – sans que cela soit jamais dit clairement, on dissuade les policiers de s’en prendre aux délinquants pour maintenir la paix sociale et, dans le même but, les enseignants sont souvent priés de « faire garderie » – ; soutien de l’opinion publique – 91 % des Français ont déclaré approuver le mouvement dans la police, et les parents d’élèves s’alarment de la situation inédite dans certains établissements où, à la veille des vacances de la Toussaint, de nombreux postes n’ont toujours pas trouvé preneur, même dans des classes à examen1 ; absence de relais syndical et, plus grave encore, des personnels qui se défient de leurs syndicats – le mouvement policier l’a bien montré – ; réponse inadaptée de la hiérarchie : quelques crédits et équipements supplémentaires pour la police et, dans l’Éducation nationale, la ministre qui décide notamment d’étendre géographiquement les zones de remplacement : en somme une dégradation des conditions de travail en guise de solution au problème !

 

De graves conséquences politiques et sociales

La société a le sentiment que l’État ne remplit plus ses missions – la sécurité et l’enseignement – ou, plus exactement, certaines populations, les moins favorisées, se sentent abandonnées à leur sort, tandis que les plus aisées échappent à l’insécurité et scolarisent leurs enfants dans le privé. Il y a là une fracture sociale et géographique qui produit les effets électoraux que l’on sait.

Mais les policiers et les enseignants eux aussi se sentent exclus, et des études récentes du CEVIPOF ont montré que les deux professions, à des degrés divers, se tournent vers le vote Front national. Est-il par ailleurs impossible qu’un vaste mouvement social de fonctionnaires de terrain ne vienne un jour remettre en cause la fameuse paix sociale dont ils sont censés être les garants ?

Des salariés à statut, paupérisés, victimes du déclassement, n’ayant plus grand-chose à perdre et entraînant dans leur sillage des populations marginalisées : le scénario est-il si improbable ? Ni la gauche ni la droite ne semblent y songer : est-ce une raison pour l’écarter ?

 

Rendre l’État efficace

La réponse politique et syndicale a toujours été, dans le fond, d’un conservatisme confondant en se focalisant sur la seule question des moyens, dans un sens ou dans un autre, sans jamais remettre en cause les structures ni l’organisation.

Or, il faudra bien un jour considérer qu’il y a deux types d’agents publics : les fonctionnaires de terrain, qu’ils soient policiers, enseignants, personnels soignants des hôpitaux, confrontés quotidiennement à la réalité d’une société minée par la pauvreté, la délinquance, la violence et les administratifs chargés, en principe, de faciliter l’accomplissement de leurs missions. Or, depuis plusieurs années au contraire, dans un souci de bonne gestion, on n’a pas cessé de compliquer et d’alourdir la tâche des premiers, les plus nombreux. Et l’administration a trouvé dans cet objectif le moyen de perpétuer, voire de renforcer son rôle et son importance.

Mieux, ou pire, la hiérarchie administrative ne soutient plus les agents de terrain : un policier s’exprimait récemment ainsi : « la hiérarchie très souvent ne nous soutient plus. Nos officiers ne sont plus que des courroies de transmission2 ». Bien des enseignants pourraient souscrire à un tel propos. Plus grave encore, dans l’Éducation nationale en tout cas, les enseignants sont rendus responsables des échecs de l’école par leur propre administration qui se préoccupe en réalité assez peu de l’efficacité du système, trouvant dans l’application des diverses circulaires la raison d’être de son existence. Une grande partie du discours politique sur l’école repose d’ailleurs sur cet unique postulat : les enseignants ne travaillent pas assez. Il se trouve pourtant que le système allemand d’enseignement fonctionne, et mieux que le français, avec deux fois moins d’administratifs : qui le dit ?

Dans le fond, ni la gauche ni les syndicats, qui veulent tenir ensemble leur clientèle ou ce qu’il en reste, n’ont intérêt à poser la question des structures et du management dans la fonction publique. La droite serait par conséquent bien inspirée de dire qu’on fera peu de gains de productivité et donc d’économies sur les personnels éducatifs, policiers et soignants. En revanche, une refonte des structures administratives fondée sur davantage de liberté et de responsabilité serait de nature à rendre l’État plus efficace.

Une manière de réconcilier les agents et la société avec le service public ?

 

Sur le web

  1. La Croix du 19 octobre 2016
  2. La Croix du 24 octobre 2016
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  • L’école « garderie » est une réalité. Le ministère n’a en bouche que les mots creux : « école inclusive ».
    Moyennant quoi on sacrifie les trois quarts d’une classe en ne virant pas le quart perturbateur.
    En conséquence les plus pauvres sont sacrifiés sur l’autel du carriérisme des cadres de l’Education Nationale et du ministre

  • La perte de sens est lié sur de trés nombreux aspects à une politique de la statistique visant à faire croire que nous vivons dans un monde meilleur(réélection oblige), à une décentralisation trés mal gérée qui a multiplié les redondances, impliquant de multiples réunions de coordinations entre des services (nation,région, conseil général,…) et aggravé par le fait que chacun à un compte d’exploitation à défendre incitant à faire du « chiffre » et en envoyant les charges à une autre administration.
    A une hiérarchie coupée de sa base, désireuse de se faire bien voir par chaque degré de l’échelle menant jusqu’au ministère, prenant des décisions (ou refusant de prendre des décisions) pouvant nuire à leur image (et donc leur promotion)
    L’informatisation à conduit à des gains de productivité transformés en contrôle, inspections diverses, réalisation de rapport et compte rendu que plus personne n’a le temps de lire, mais visant à se justifier d’une activité
    Aujourd’hui, dans l’administration, le temps des réunions et de la justification, prend plus de temps et de moyens que le temps de l’action…

  • il se dit qu’employer un seul fonctionnaire, non régalien, obstrue l’embauche de trois personnes du secteur libre

    • Les données selon les pays montre que chaque emploi financé par de la dépense publique détruit entre 1.5 et 2 emplois dans le secteur privé.
      Attention ce n’est pas le statue de fonctionnaire qui créé des chômeurs mais les emplois financés par de l’argent public.
      Si en France nous avons 5.6M de fonctionnaires, il y a aussi 1M de non statutaires (qui démontre clairement que l’on peut réserver le statue de fonctionnaire à un nombre bien plus restreint d’agent de l’état), à cela il faut rajouter les quelques 1M d’employés du secteur associatif rémunéré grace aux subventions de l’état, il y a aussi environ 2M d’employés dans le secteur para-public, et on peut aussi rajouter la moitié des travailleurs du secteur agricole soit 0.5M.

      Nous avons en France près de 10M d’actifs dont le revenu est versé par le contribuable.

      Vous en supprimer la moitié et c’est entre 7.5 et 10 millions d’emplois de créé soit un solde positif de 2.5 à 5M d’emplois.
      .

      • à rajouter les emplois « à vie » majoritairement chez SNCF, EDF, RATP, ORANGE, RENAULT . . . sans oublier les « privatisées » dont les employés conservent les avantages du public . . . et j’en oublie surement,

  • 95 % !! on force sur une certaines propagandes la non !!!
    La population a peur c’est ce qui les aveugles et cette peur les poussent a devenir proches de la police qu’elle imagine comme un protecteur mais cet armes risque bien un jour ou l’autre de ce retourner contre le peuple. La somalie devient pirate par force , une majorité des français préfèrent vivre en délinquance plus tôt que de pauvreté.. Donner leur les moyens de vivre autrement et cela fera une majorité de délinquants en moins .

  • Ne supprimer pas le travail des fonctionnaires mais juste le statuts cela fera 10.000 travailleurs de plus sans savoir d’où ils viennent…

  • Il manque quelque chose dans la ligne qui traite des deux sortes de fonctionnaires : les fonctionnaires de terrain et ? « …Or, il faudra bien un jour considérer qu’il y a deux types d’agents publics : les fonctionnaires de terrain … » et ?

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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