« Captain fantastic » de Matt Ross

Peut-on éduquer ses enfants totalement librement, à partir de ses seuls idéaux, sans prendre en compte la société dans laquelle nous vivons ? Telle est la question centrale de ce film.

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« Captain fantastic » de Matt Ross

Publié le 18 octobre 2016
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Par Johan Rivalland.

captain-fantastic

Je suis allé voir ce film (au titre pas très heureux et que je ne comprends d’ailleurs pas) un peu au hasard, comme cela m’arrive de temps en temps.

Le thème : une famille avec six enfants, vivant à l’écart de la société, dans une forêt du Nord-Ouest des États-Unis, à la manière hippie et selon des principes très libertaires. Jusqu’au jour où l’idéaliste de père se retrouve seul avec ses enfants, la mère étant hospitalisée. Ce qui va occasionner des changements d’autant plus notoires qu’ils vont être amenés par les circonstances à devoir se confronter à la civilisation qu’ils rejettent.

Un film primé à Cannes, Deauville (jury, mais aussi public) et Seattle. Écrit et réalisé par un certain Matt Ross, qui manifestement y projette certains de ses fantasmes de père.

Une situation qui correspond aussi à la réalité de la vie de certaines personnes, qui ont fait le choix de cette vie un peu particulière et en marge de la société.

Le rejet de la civilisation libérale américaine

Certes, Matt Ross se présente comme un pourfendeur de la société « ultralibérale » américaine, et certes sur un plan personnel je ne suis pas du tout un aficionado du monde hippie et de ses modes de vie. Néanmoins, j’ai trouvé que le film, au-delà de ce que le réalisateur aura peut-être voulu faire passer comme message, était finalement assez équilibré.

Au-delà de ce qui peut éventuellement nous troubler dans le mode de vie et d’éducation imprégnés avec vigueur par ce père idéaliste et convaincu, une certaine sympathie se développe malgré tout avec le personnage et avec ses enfants (la magie du cinéma). Et tout ne semble pas à rejeter dans cette éducation menée de manière assez autoritaire mais affectueuse. On éprouve donc une certaine sympathie pour cette famille et son mode de vie un peu particulier.

Puis vient le point d’inflexion, avec la fameuse scène où la famille est invitée à dîner chez l’oncle, la tante et leurs deux enfants. Une confrontation de deux modes de vie et mentalités fortement contrastés. Les uns sont ébahis par la manière d’être et de vivre des autres, et inversement. Deux mondes étrangers.

Mais ce qui est surtout intéressant est la critique sous-jacente de chacun de ces deux mondes : les hippies aux mœurs décalées et relativement inaptes à accepter la manière de vivre et de raisonner des citadins ordinaires ; les citadins ordinaires choqués par la manière d’être de leurs cousins hippies (on les comprend), mais ne valant pas forcément beaucoup mieux sur certains plans (notamment culturel).

Un point de vue relativement équilibré

Contrairement à ce que l’on pourrait donc craindre, de la part d’un adepte des théories de Noam Chomsky, célébré à travers ce père idéaliste, le réalisateur ne semble pas imposer résolument son point de vue ; juste nous faire découvrir une manière de vivre différente et une confrontation de modes de vie très opposés. À travers une vraie intrigue et une vraie situation dramatique.

C’est donc un film qui se laisse regarder agréablement, sans que l’on ait l’impression que l’on cherche à embrigader le spectateur, qui reste libre de ses pensées. Plutôt une bonne surprise, donc, sur ce plan-là.

On perçoit clairement, au contraire, les limites d’un tel mode de vie, difficilement viable au stade de toute une société. Que ce fantasme écolo-altermondialiste-utopiste plaise à certains, pourquoi pas. Libre à eux. Mais il est une évidence que l’on ne peut en aucun cas dupliquer un tel mode de vie à l’ensemble de la société. Ne serait-ce que parce qu’il faudrait bien trop d’espace (qui, paradoxalement, et on le voit dans le film, fait pourtant partie de leurs préoccupations traditionnelles), avec une population de près de 7 milliards d’habitants, pour que ce soit envisageable. Sans compter les conflits, guerres, violences que cela engendrerait.

Nous ne sommes plus au temps de la préhistoire. Et tout le monde ne peut pas non plus atteindre le niveau intellectuel et culturel exceptionnel qu’ont ce père et ses enfants ; cela non plus n’est absolument pas duplicable ni en phase avec les réalités.

En conclusion, un film bien sympathique et qui sort de l’ordinaire, que l’on peut aller voir sans crainte que l’on cherche à vous manipuler ou subir une quelconque propagande. Tout juste une réflexion intéressante et critique à la fois sur notre propre monde et sur les modes de vie alternatifs, qui ne constituent clairement pas la panacée.

  • Captain fantastic, drame américain de Matt Ross, avec Viggo Mortensen, durée 1h58. Sortie nationale : 12 octobre 2016.

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  • La démonstration est faussée dès le début du film: tous les outils indispensables à la vie de cette famille sont issus de la société capitaliste (véhicule, vêtements, et même les canifs et couteaux ultra sophistiqués, sans parler du recours à l’hôpital en cas de maladie grave ou accident, du besoin d’aller à l’université etc etc), ce qui en fait une bande de guignols menés par des parents lettrés mais idiots (car totalement incohérents en voulant donner des leçons au monde entier par l’exemple): on appelle cela des singes savants, espèce malheureusement trop répandue dans nos hautes écoles diverses et variées (et pas seulement en France) qui sélectionnent les têtes bien pleines au détriment des têtes bien faites.

    Si vous voulez voir un film intéressant sur le thème « qu’est ce qu’on pourrait faire de bien pour améliorer cette société? », je vous suggère « Les pépites » qui mérite autrement plus une critique positive sur Contrepoints…

  • Les commentaires sont fermés.

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