L’école publique, instrument au service des élites

L’aggravation des inégalités à l’école n’est pas due au manque de moyens. Elle est due principalement aux défaillances pédagogiques de la machine Éducation Nationale face aux élèves.

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L’école publique, instrument au service des élites

Publié le 30 septembre 2016
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Par Éric Verhaeghe.

By: Frédéric BISSONCC BY 2.0

L’école publique est devenue, au fil des années, le principal instrument utilisé par le gouvernement profond pour légitimer un ordre social inégalitaire. Un rapport du Conseil National de l’Évaluation du Système Scolaire (CNESCO) vient d’en approfondir l’analyse. Une petite incursion dans ce texte permet de mieux comprendre dans quelle mesure le service public de l’enseignement est devenu le premier vecteur, en France, des inégalités.

L’école publique avoue enfin que son organisation produit des inégalités

Il a fallu attendre des années pour obtenir, enfin ! cet aveu : l’aggravation des inégalités à l’école n’est pas due au manque de moyens, ni à on ne sait quelle cause mystérieuse relevant de l’astrologie. Elle est due principalement aux défaillances pédagogiques de la machine Éducation Nationale face aux élèves.

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Autrement dit, l’école publique place devant les élèves les plus difficiles des enseignants de moins en moins aguerris qui transmettent de moins en moins de savoirs. Comme le dit le rapport, la qualité de l’enseignement dans les quartiers difficiles n’est pas la même que dans les quartiers aisés.

La fin du mythe égalitaire

Cette mise au point est salutaire, car elle tue enfin le mythe longtemps maintenu vivant par la machine scolaire sur la parfaite égalité entre tous les établissements scolaires. Officiellement et jusqu’ici, la qualité de l’enseignement était la même dans tous les établissements, dispensée par des enseignants tous de même qualité et de même compétence, selon une méthodologie et une organisation irréprochables.

Enfin ! enfin ! l’école publique reconnaît qu’elle couve des problèmes structurels (l’absentéisme, la politique d’affectation des enseignants, l’incapacité à assurer la sécurité des personnels et des élèves) que non seulement elle ne règle pas, mais qui sont producteurs d’inégalité.

La co-gestion syndicale abordée par allusion

Ce que ne traite pas ce rapport, c’est l’origine même de ces difficultés structurelles, et surtout les raisons pour lesquelles la machine éducative refuse de les régler. Or, au coeur de ce dossier, on trouve d’abord un problème de fond : la co-gestion de l’Éducation Nationale avec le SNES, qui transforme la gestion des ressources humaines en une immense mafia où le syndicat s’engraisse par un commerce d’indulgences simple à comprendre.

Ce commerce d’indulgences repose en effet sur une mécanique bien huilée : tu es un jeune enseignant toulousain nommé à Aulnay-sous-Bois ? Plus tu paieras de cotisations au syndicat, et plus vite tu rentreras dans ta belle province grâce aux mutations qu’on t’offrira ou qu’on fera passer dans des commissions paritaires bidons où l’adhésion syndicale est essentielle.

Et donc… une fois de plus, le discours insupportable de la solidarité et de la lutte des classes montre combien il est toxique pour l’égalité des chances.

La question de l’autonomie des établissements occultée

Une gestion intelligente des ressources humaines à l’Éducation Nationale devrait consister à mettre entre parenthèses la syndicalisation et l’ancienneté comme critères d’évolution dans la carrière, au profit d’une logique de compétence et d’adaptation à l’emploi. Pour parvenir à inverser les valeurs, il faut évidemment remplacer la co-gestion syndicale par une évaluation des enseignants et de leurs pratiques face aux élèves.

L’évaluation signifie la fin de la solitude de l’enseignant dans sa classe, la fin de son despotisme devant les élèves, qui se traduit si souvent par le règne du caprice et l’instauration d’un délit de sale gueule dont les dégâts parmi notre jeunesse sont une évidence. La clé de voûte de ce retour au monde normal s’appelle l’autonomie des établissements, c’est-à-dire le pouvoir du chef d’établissement de recruter son équipe et de la faire travailler dans un projet commun en lui demandant des comptes sur ses résultats.

La résistance des enseignants pose un problème majeur

La fin de l’enseignant tout-puissant sur le destin des élèves ? L’autonomie des établissements et le pouvoir hiérarchique du chef d’établissement ? Il suffit de lire ce passage tiré au hasard du site néoprofs  pour mesurer le chemin qui reste à parcourir :

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Ce genre de conversation, fondée sur le principe de l’individualisme et du refus du collectif, nous prouve là encore que les diatribes anti-individualistes des enseignants cachent des pratiques bien hypocrites…

On regrettera que le rapport du CNESCO ne mette pas les pieds dans le plat en soulignant que l’individualisme des enseignants est la première cause des inégalités sociales dans le système éducatif, et que seule une autonomie des établissements permettra d’inverser la tendance.

Pourquoi la machine éducative laisse l’individualisme enseignant exploser le système

La question reste de savoir pourquoi l’institution, comme disent les enseignants, n’assume pas ses responsabilités en reprenant la gestion de ses ressources humaines en main.

Nous connaissons tous bien la réponse, mais il faut lui donner sa signification politique. En réalité, les enfants de l’élite fréquentent des écoles et des lycées où ces problèmes ne se posent pas. Dans ces lycées de compèt’, l’ordre règne, les enseignants sont motivés et tout le monde travaille. Donc, tout va bien.

Quelle est la portée politique de ce réflexe ? Il est simple : l’école ne se préoccupe réellement que de la formation des élites, et ne s’occupe pas d’éduquer les enfants des autres couches sociales. Pour les petites gens, une garderie suffit, où les enseignants ont le droit de semer la terreur à leur guise.

Autrement dit, le paradigme de l’école publique est fondé sur une reproduction assumée des inégalités, et se satisfait pleinement d’un système à deux vitesses, où les pauvres vivent leur destin de pauvres, et où les riches bénéficient d’un service conçu pour les riches. Avec, bien entendu, un principe de gratuité qui revient à demander aux pauvres de financer l’éducation des riches.

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  • C’est sûr que dans les établissements où la marmaille des « élites » étudie, les profs n’ont pas vu de près un couteau, ni même été sortis de force de leur véhicule sur le parking, ni même pris un tampon dans le couloir. Ces gestes sont d’ailleurs anormaux et intolérables. J’ai entendu cet été, que dans un lycée public là où j’habite il y aurait des classes de 40 élèves. 40 élèves !!!! A quand la rentrée de 6ème dans les amphis des fac’ ?
    Je ne comprenais pas pourquoi un titulaire du CAPES de Perpignan devait aller enseigner dans l’autre moitié de la France, en général autour de la capitale, dans des secteurs folkloriques, pendant ses toutes premières années. (C’est pareil pour la Police Nationale). Je comprends maintenant pourquoi certains avaient beaucoup de mal à revenir dans leurs départements d’origine, et mis à part le fait que l’Etat montre sa toute puissance, je ne voyais pas l’intérêt d’un tel geste. Maintenant vu qu’il faut bien que les syndicats de profs servent à quelque chose, je comprends mieux. Il est vrai aussi que les profs tout neufs sont envoyés au casse-pipe, là où les expérimentés ne veulent pas aller, et souvent sont fortement dégoûtés du métier. Soit ils restent et sont blasés ou alors ils quittent le navire. Il y a presque 10 ans, les cours en I.U.F.M ne prenaient pas en compte les « apprenants » (dans les I.U.F.M, terme qui désigne les élèves) difficiles, les profs en formation étant supposés trouvés des « apprenants » relativement dociles. Je ne sais pas si cela a changé.
    Le problème de l’Education Nationale, c’est son ministère et la personne qui en est en charge, l’actuelle, comme ses prédécesseurs.

  • 2 problèmes dans votre raisonnement :

    « l’autonomie des établissements, c’est-à-dire le pouvoir du chef d’établissement de recruter son équipe » : admettons. Mais cela veut aussi dire libre choix des enseignants de postuler là où ils souhaitent. Or, Comment le directeur d’une école de quartier sensible recrutera son personnel, si personne ne postule? Ce principe d’autonomie et de liberté des choix, c’est celui qui prévaut dans la médecine. Or les déserts médicaux montrent que le problème est pire en étant gèré comme cela.

    Autre problème : on peut reprocher à l’éducation nationale de ne pas réussir à corriger les inégalités, mais pas d’être à l’origine des inégalités. L’éducation est en plus grande partie réalisée dans les familles. l’attention des parents, leur capacité à gérer les problématiques de l’écran, des activités périscolaires, le suivi et soutien aux devoirs, sont des facteurs essentiels que l’école ne peut résoudre.

    La démarche d’un parent mettant ses enfants en école privé est avant tout de protéger socialement leurs enfants (plus que pour les projets d’école ou les qualités d’enseignement) D’où moins de cas sociaux, et de parents qui ne voient en l’école qu’un sous traitant de l’éducation de leurs rejetons.

    • vous écrivez « La démarche d’un parent mettant ses enfants en école privé est avant tout de protéger socialement leurs enfants (plus que pour les projets d’école ou les qualités d’enseignement) »
      C’est faux….
      Enfant de l’école publique, en voyant ma fille faire sa scolarité au collège, j’ai constaté le naufrage du système. Profs effectivement individualistes qui aménagent leurs emplois du temps au mépris de celui des élèves, absentéisme record, voire incompétence flagrante, démotivation chronique, pas de personnel pour assurer des études, etc.Nous l’avons aussi vécu de l’intérieur en nous investissant dans la vie du collège via des associations.
      Ma fille a choisi un lycée privé pour ses études car elle fait partie de ces enfants qui ont soif d’apprendre.et qui était ulcérée de constater qu’elle se levait le matin pour des profs absents ou qui n’en avait rien à faire.
      Dans le privé, tout n’est pas résolu, mais il y a quand même nettement moins de problèmes.
      Donc j’affirme que ce que vous écrivez est faux, la bonne vieille rhétorique que le privé est avant tout des ghettos de riches qui veulent rester ensemble (ce que je craignais il est vrai) est fausse, les amies de ma fille sont là pour le prouver..
      Le privé devient une planche de salut pour des parents qui ne croient plus en l’EN.
      Et on y trouve moins de « fils de » que dans certains collèges publics de certaines grandes villes.
      Refuser de le comprendre, c’est continuer de creuser la tombe de l’EN.

      Quant à « L’éducation est en plus grande partie réalisée dans les familles ».
      Je réponds oui, mais les profs sont des symboles de l’autorité; ils passent parfois plus de temps avec les enfants que les parents. Ils se doivent donc de montrer l’exemple. Comme respecter des adultes quand on voit le comportement de certains enseignants, et l’impunité dont ils jouissent.

      Et le plus dur, c’est pour les profs motivés, car ils sont aussi victimes du système.

      • L’éduction est à la charge des parents. L’instruction est à la charge de l’école. Les profs n’ont pas à faire l’éducation des enfants. Oui, ils sont symbole d’autorité, mais ce n’est pas leur rôle d’apprendre aux enfants comment se comporter en public. Chacun son job et la vaches seront bien gardées (comme on dit par chez moi 🙂 )

        Et changez déjà le nom de votre ministère (Education Nationale, quelle horreur !) et que tout le monde fasse sa part.

      • « fred 158 », vous répondez par votre cas particulier – MOI JE – très facile. Vous le dîtes vous même « on y trouve moins de « fils de » que dans certains collèges publics de certaines grandes villes ».
        Effectivement, il y a de très bon lycées publics, souvent dans les centres des grandes villes, mais tout cela dépend de la sociologie du territoire concerné : de là, la qualité du personnel et des infrastructures en découle, plus que du « système EN » ou du fait qu’il soit public ou privé. L’école n’est que le reflêt de son contexte social.

    • Bonjour tigrou

      Le pb des établissements dans les quartiers sensibles est tout simplement lié à qq élèves qui restent dans les le cursus scolaires alors qu’ils n’ont rien à y faire (scolarité obligatoire).

      On a dans ces établissements des délinquants dangereux, parce que non sanctionnés, qui pourrissent la vie des enseignants et des élèves qui veulent en sortir.

      NVB en prolongeant la scolarité à 18 ans ne fera qu’aggraver la situation.

      Tjs la même idéologie mortifère de l’égalitarisme à tout prix qui pourrit l’éducation.

      Des établissements tenus, pacifiés et vous verrez les enseignants revenir, pareil pour les médecins dans nos ‘quartiers’.

      • Tigrou555 plutôt d’accord avec vous la sociologie territoriale joue aussi, originaire du Bassin d’Arcachon le constat est assez flagrant, là bas les élèves « décrocheurs » ou « perturbateurs » sont quasiment tous des fils à papa qui n’ont aucune pression à la réussite profitant largement de la situation de leurs parents

    • Sur le premier point, il faut penser que l’on part d’une situation établie. Si un prof veut changer d’établissement, il ne pourra le faire que s’il trouve un poste dans un autre qui recrute.

    • tigrou777: Ce principe d’autonomie et de liberté des choix, c’est celui qui prévaut dans la médecine.
      Or les déserts médicaux montrent que le problème est pire en étant gèré comme cela.

      Vous avez la « santé » pour en sortir des comme ça 🙂

      La médecine « libérale » est aussi libérale que la « République populaire démocratique de Corée » est démocratique.

      Chaque acte est bureaucratisé, fonctionnarisé, normalisé, les prix sont fixés autoritairement (les plus bas du monde pib/hab), le cursus est verrouillé et j’en passe et des meilleures.
      Ça fait des années que les médecins dénoncent la soviétisation du système de santé « libéral ».

      La lettre d’un médecins interne au ministre vous explique en détail à quel point sont métier est « libre »:
      http://www.contrepoints.org/2016/04/04/245546-la-securite-sociale-est-elle-responsable-des-deserts-medicaux

  • « Une gestion intelligente des ressources humaines à l’Éducation Nationale devrait consister à mettre entre parenthèses la syndicalisation et l’ancienneté comme critères d’évolution dans la carrière, au profit d’une logique de compétence et d’adaptation à l’emploi. »
    Certes, mais en admettant que des enseignants soient encore assez fous et suicidaires pour postuler en ZEP et autres jungles du même acabit, et qu’en plus ils y excellent, quel espoir pour eux de pouvoir un jour s’en évader?
    Dans ce genre de poste, on a vraiment l’impression d’être envoyé au casse-pipe, et on a beau avoir la vocation, la tentation de la démission est grande tant on a l’impression de ne servir à rien.
    Je reprends le propos précédent: quand on a affaire à des parents qui sont seulement des géniteurs, et qui délèguent toute l’éducation de leurs rejetons a l’institution, on est seul. Et on ne peut pas faire grand’chose, à moins d’être épaulé par une direction qui promeut une discipline de fer.
    Or les chefs d’établissements sont eux aussi promus en fonction de leurs résultats, ce qui nécessité souvent que, quoi qu’il se passe dans les classes, cela ne filtre pas sous la porte..

    • L’offre et la demande !
      Il faut revaloriser les postes en fonction du contexte et non de l’ancienneté. Le système actuel est injuste en plus d’être stupide d’envoyer les débutants sous payé en ZEP.

      • « Il faut revaloriser les postes en fonction du contexte »
        Si l’on vous suit, ne va-t-on pas aboutir à une situation où les profs seront d’autant plus payés que le « contexte » rendra inefficaces leurs efforts ?

        • He oui !
          C’est déjà le cas avec les dotationsdes établissements en ZEP. Un élève studieux et autonome coute moins chère qu’un cancre turbulent.

      • Ben voilà, c’est quand même pas bien compliqué.

        comment vais-je faire pour envoyer mes employés travailler dans un pays dangereux et où on ne s’amuse pas ? tiens, et si je leur donnais plus de pognon ? oh, ça marche !

        à lire les remarques de certains, on se demande comment la terre a pu tourner jusqu’ici tellement il y aurait de problèmes insolubles …

  • 1. j’ai enseigné en Afrique à des classes de 40 élèves – les élèves absents étaient quasi inexistants – aucun problème de discipline car les élèves savaient pourquoi ils étaient là.- la qualité de l’enseignement n’est pas fonction du nombre d’élèves – c’est une obsession d’enseignants
    2. une collectivité enseignante par école ne fonctionnera pas si le chef d’école est nommé politiquement ou par ancienneté. Sa compétence doit être indiscutable.
    3.la famille est la pierre angulaire de l’éducation – avant l’arrivée à l’école l’égalité est déjà un leurre – tenter d’y remédier en est un autre
    4 s’il faut une « discipline de fer » la qualité du directeur et des hiérarchies est aussi indispensable. …

  • Tous les enseignants qui ont vécu les trois ou quatre dernières décennies du 20e siècle dans le système français d’enseignement (j’en suis), vous diront que ce qu’ils regrettent le plus c’est la disparition progressive des groupes homogènes. Jusqu’aux années 60-70, la structure de l’Education Nationale était très diversifiée mais chaque groupe-classe était homogène culturellement. La massification de l’enseignement secondaire, puis de l’enseignement supérieur, a bouleversé l’institution. L’objectif officiel, fixé à partir de la mise en place du collège unique sous Valéry Giscard d’Estaing, fut d’accueillir tous les élèves dans une structure uniforme. L’adaptation au niveau réel des élèves devient alors du ressort du savoir-faire pédagogique des enseignants et non plus d’une affectation dans tel ou tel type d’établissement.
    Ce melting-pot éducatif privilégie, en théorie, le brassage sociologique, mais dégrade le niveau moyen d’enseignement. Une séquence d’enseignement n’est en effet possible que si l’enseignant s’adresse efficacement aux deux-tiers de l’effectif. Lorsque l’hétérogénéité des groupes s’accroît, le « nivellement par le bas » est assuré.
    L’autonomie des établissements peut accroître l’homogénéité des groupes si la liberté de recrutement est accordée. Mais la contrepartie doit être signalée : il y aura alors des établissements d’élite très sélectifs et des établissements de niveau très faible sans véritable sélection.
    La démocratisation de l’enseignement ne doit pas être confondue avec sa massification. Démocratiser les apprentissages de base (lecture, écriture, calcul), on sait faire. Démocratiser la culture, c’est beaucoup plus difficile car le nombre de réfractaires augmente nettement.

    • Il ne faut pas voir la chose comme « écoles d’élite contre école de niveau très faible ». Chaque élève devrait recevoir un enseignement adapté à ses capacités. Alors oui les meilleurs progressent plus vite, ce qui n’enlèvent rien aux autres soit dit en passant. Lesquels autres, qui sont moins rapides, progressent à leur rythme le plus loin possible pour eux. Ce que la massification produit c’est l’ennui des meilleurs, c’est à dire un immense gâchis, et l’abandon des plus faibles devant des pentes trop raides, c’est à dire un immense gâchis aussi.
      Il serait temps d’arrêter les conneries et de revenir aux groupes de niveau homogène, quitte à moduler les temps de parcours. Je ne suis pas du tout certain que cela nuirait à une « mixité sociale » fantasmée, je pense même le contraire, et de toutes façons le système actuel échoue sur ce critère. Dans une école libérée de ce dogme égalitaire, on trouverait facilement des enseignants prêts à travailler même avec les élèves les plus faibles tant il est vrai que c’est moins le niveau final qui est valorisant que le chemin parcouru.

  • C’est effectivement la réalité ! je viens d’en faire les frais dans l’enseignement. agricole. Directrice contractuelle d’un Centre de formation continue, une fonctionnaire a été nommée à cette rentrée.Normal vous me direz, sauf que la personne en question passe depuis plus de dix ans de centre en centre car elle est non seulement incompétente mais caractérielle (rapport d’inspection à l’appui). Mais voilà cette personne a de forts appuis syndicaux (SNETAP). Les responsables régionaux de l’enseignement agricole n’en voulaient pas . De plus pour arriver sur le poste elle a exigé un logement de fonction qui n’existait pas dans cet établissement Qu’à cela ne tienne : le ministère lui a attribué le logement de fonction de l’infirmière alors qu’il existe sur le site un internat important. Voilà ce que donne la syndicalisation conçu comme un moyen de pouvoir et non pas de contre pouvoir légitime. Autant que moi, simple contractuelle, même avec le travail fait, n’a pas pesé lourd. D’ailleurs le même syndicat n’a pas porté le moindre intérêt à mon cas. Il n’est malheureusement pas le seul, uniquement l’illustration de ce qui arrive à beaucoup d’autres.

  • Je suis allé au collège à la fin des années 80 et début des années 90 dans un collège privé. C’était un privé de bas niveau social. Mon père était fonctionnaire territoriale de catégorie C. Le collège était pas loin de son boulot. La répartition des classes a été par un test type QI. Je me suis retrouvé dans la dernière de classe. Ce fut une classe turbulente, dans toutes les classes avec tous les prof et sur toute l’année malgré les engueulade collective par le directeur. En 6ème, je suis arrivé 2nd avec 11 de moyenne, ma moyenne classique. En 5ème, la majorité des élève de la classe fut tout aussi turbulente. Je suis de nature timide et de caractère introverti. Je m’en suis isolé. Ce climat de classe déplorable et les luttes à la survie m’a valu un redoublement. Ca a touché aussi la santé (sinusite, bronchite, arrêt du sport scolaire et extrascolaire). Aujourd’hui, les sinusites/bronchites se sont transformés en mot d’estomac et j’ai des difficultés interpersonnelles. Après la 5ème – quand les perturbateurs ont été dirigés vers la techno -, le climat de classe c’est stabilisé et j’ai pu avoir un copain même s’ils subsistaient toujours deux gusses pour m’emmerder. J’en ai étranglé un. Ca les a calmé à la récré.

    En 2nd, je suis allé dans le lycée public de mon secteur. A contrario, je suis tombé dans une classe élitiste soit avec des enfants d’entrepreneur ou de cadres. Je suis tombé par hasard sur cette classe parce qu’au départ je me suis trompé. On m’a demandé si je voulais rester. J’ai dis oui. J’en ai perçu l’écart social et scolaire. – Et on dit que les classes de niveau n’existe pas dans le public. Ce qui est faux comme je l’ai vu dans mon stage CPE en 2015. – Ca m’a valu aussi encore un redoublement. De toute façon, je voulais me diriger en S et on m’a mis en ES. Mon mode opératoire est de type naturaliste et scientifique même si je suis critique de l’empirisme et du mathématisme. Je suis sensible au méthode type historique (Darwin, Marx, Wegener, Vygotski, Paul Langevin, Henri Wallon, Stephen J Gould, Alexandre Zinoviev, Maurice Mattauer, Lewontin, Bitsakis). Je fais de la mesure un a posteriori et non une nécessité. J’ai d’ailleurs suivi des études en science de la Terre.

    Mais, l’endettement des ménages et des familles suite à la victoire de la finance sur le social dans les années 90 m’a conduit à faire presque plus de distribution de pub (30h/semaine) que d’étude bien que je n’ai jamais loupé un cours (30h/semaines). Dans toute ma scolarité, on peut compter mes absences sur les doigts de ma main. Ca m’a valu redoublement en T, en Deug et en Maîtrise. Après ça malgré les moult CV je n’a pas trouvé de boulot et je suis resté jusqu’en 2007 à Médiapost (1996-2007), sans ne pas les mettre au prudhomme (fin en cour d’appel en 2014 avec la confirmation de ma victoire (avec requalification des heures entre 2003-2007)). J’ai pris des cours en FOAD au CNAM en géotechnique avec un présentiel par mois à Paris. Il y eu réussite. Mais, toujours pas de boulot où ça cherchait 10 ans d’expérience ou un tout jeune malléable.

    J’ai fais un boulot précaire d’Employé Vie Scolaire (26h) pendant 3 ans dans une école primaire. Et c’est à partir de là en 2013, que j’ai décidé de suivre une formation à l’ESPE. On m’a affecté vers la formation CPE avec une dizaine d’élève (soit une petite vingtaine pour M1 et M2). J’en ai obtenu le Master 2 en 2015. Le concours CPE est un des plus difficiles. je l’ai loupé 2 fois. Mais, le plus souvent ça prend des gens d’expériences, soit des profs, soit des AED du monde bourgeois, soit qui ont déjà acquis de l’expérience sans en avoir l’air parce qu’ils sont déjà dans le milieu ou alors des soutiens. Moi, je suis plutôt isolé même si j’ai écrit à droite à gauche pour obtenir un emploi contractuel en tant que CPE.

    Et pour comprendre les choses, je vous envoie à cette citation d’Alexandre Zinoviev qui met bien en avant la problématique :

    « L’école n’est pas seulement une préparation des hommes à recevoir une instruction et une spécialité. L’école est une sphère de la vie sociale qui est soumise aux mêmes lois que l’ensemble. Elle reflète en elle toute la société avec toutes ses propriétés et ses problèmes, qui ne font que se transformer en rapport avec l’âge et la position des citoyens. »

    => Les hauteurs béantes, Alexandre Zinoviev, éd. L’Age d’Homme, 1977, chap. l’école, p. 502

    L’école dans nos sociétés caractérisées par leur aspect professionnel montre bien en son seins la lutte des classes (Karl Marx) d’une part et la lutte individuelle d’ascension ou de perpétuation des positions sociales (Alexandre Zinoviev) d’autre part. La régulation de l’une sans l’autre ne sert à rien dans la lutte contre les inégalités. Certes, il y aura toujours des inégalités comme le dit Engels. Cependant, on peut les réduire au maximum. Et ça ne passe pas par la gestion publique (Empire Tsar) ou privé (Russie – année 90) ou l’auto-gestion (URSS – année 30 et 70) mais par la potentialisation régulée et actualisée par une autorité soit l’état dans le cadre d’une nation.

    S.L.

    • Sébastien Lemoine aka sebrider: Mais, l’endettement des ménages et des familles suite à la victoire de la finance sur le social dans les années 90

      Dans le pays recordman mondial pour les prélèvements et dépenses sociales, ou un travailleur sur quatre est fonctionnaire, ou quasi 60% du PIB étatisé, il faut avoir les reins pour la sortir celle-là.

      Dans le pays d’à côté ou l’état « ultralibéral » est a 35% et ou le statut de fonctionnaire n’existe plus depuis 2002, l’école est excellemment notée au PISA, les classes sont limitées à 23 élèves, il y a 3 fois plus d’universités dans les 100 meilleures le chômage est à 3.8%, la dette à 35%, et il y a 4 fois plus de brevets par habitant.

  • Quand la moitié des ménages n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu, dIre que « principe de gratuité revient à demander aux pauvres de financer l’éducation des riches » me semble asséné sans analyse sérieuse.

    • L’IR n’est pas le seul impôt; la TVA ne compte pas pour rien …

    • Frederic: « demander aux pauvres de financer l’éducation des riches » me semble asséné sans analyse sérieuse. »

      C’est parce que c’est aussi évident que le jour et la nuit, outre TVA comme le dit Synge il existe plus de 360 taxes et impôts divers sans compter les droits de timbres et autres amuse-gueule..

      Sur une baguette de pain par exemple, un pauvre va ainsi payer au bas mot 50% de taxes:

      Farine taxée
      Eau taxée
      Transport taxé
      Essence des transports taxée
      Électricité taxée
      Locaux taxés
      Boulanger taxé

      Rentrent aussi en compte les myriades de petites occasions de vous tirer de l’argent, les amendes stationnement, excès de vitesse, etc.

      • OK pour la TVA, mais franchement, dire qu’il y a 50% de taxes sur une baguette de pain !!! Certes tout est taxé, mais à proportion de la composition de la baguette. Ce n’est pas additif !!!!!!!!!

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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