Primaire à droite : n’oubliez pas la justice !

La pauvreté des programmes des différents candidats des primaires à droite devrait inquiéter : la justice comme institution est au cœur du fonctionnement démocratique et de l’État de droit.

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Primaire à droite : n’oubliez pas la justice !

Publié le 28 septembre 2016
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Par Philippe Bilger.

Primaire à droite : n'oubliez pas la justice !La Justice existe-t-elle pour les candidats à la primaire ? On a le devoir de se poser la question.

Parce que la pauvreté des programmes sur ce plan ne laisse pas d’inquiéter. Quand encore on l’évoque alors qu’il se trouve dans le groupe de tête des thèmes prioritaires pour les futurs électeurs à la primaire.

Importance démocratique de la justice

Pourtant tout devrait conduire les sept candidats, notamment les deux principaux au regard des sondages, à ne pas seulement s’entourer d’une équipe mais à prendre la mesure par eux-mêmes de l’importance démocratique de l’univers judiciaire et de toutes les problématiques se rapportant à lui.

D’abord parce que la droite et le centre sont assez lucides aujourd’hui pour accepter l’idée que l’une des causes de la défaite de 2012 a été le dévoiement de l’état de droit sous le mandat de Nicolas Sarkozy et la déplorable relégation de la République irréprochable promise. Croire qu’une telle dérive serait à nouveau possible, avec quelques magistrats et avocats complices, serait gravement se tromper.

Le « Taubira Bashing » ne suffit pas

Ensuite parce qu’il aurait été inconséquent de déplorer et de dénoncer la calamité ministérielle trop longtemps subie du fait de Christiane Taubira et de se satisfaire de cela en n’offrant pas demain la preuve positive et éclatante d’une autre qualité de justice, d’une écoute et d’une intelligence judiciaires sans arrogance et avec le souci du citoyen en première ligne. Même si le contraste ne pourra qu’être favorable au prochain garde des Sceaux, rien ne sera gagné comme par enchantement, parce que l’alternance aura eu lieu.

À ce sujet qui n’est pas dérisoire, il conviendra que l’incompétence ne soit pas le critère d’élection pour la nomination du ministre de la Justice mais que la personnalité de celui-ci, homme ou femme, assure la République d’un honneur qui sera assumé dignement et avec éclat.

Les trois femmes qui, à droite et à gauche depuis 2007, ont œuvré Place Vendôme ne devraient pas décourager de continuer à faire confiance à l’un ou l’autre sexe si le meilleur était garanti : une maîtrise technique, un talent politique et une intégrité morale. Je ne voudrais pas que l’Opposition, pour cette fonction, soit à ce point dépourvue qu’on soit contraint de lui donner en exemple le successeur de Christiane Taubira, Jean-Jacques Urvoas qui a brillamment relevé le niveau d’excellence et d’exigence.

Les avancées de Hollande et Taubira en matière de justice

Si la droite se persuade que faire plus mal que Christiane Taubira est impossible, qu’elle n’oublie pas cependant que François Hollande et sa ministre méritent d’être crédités de trois avancées substantielles dont les magistrats ont profité.

Une courtoisie républicaine qui a fait oublier « les petits pois ». Une liberté et une indépendance accrues dans le traitement des dossiers sensibles. Une relative stabilité dans les postes importants. Ces éléments ne doivent pas être si faciles à réunir puisque le sarkozysme les a foulés au pied.

Entre les interventions étouffantes de Nicolas Sarkozy hier, celles de ses conseillers, de ses amis et face à l’indifférence de François Hollande aujourd’hui — le premier se mêlait trop de la justice, le second ne s’y intéresse pas —, sans doute une troisième voie devra-t-elle être explorée par le successeur : une curiosité respectueuse, une vigilance paisible. Il est clair que sur ce registre je ne vois qu’Alain Juppé pour paraître plausible.

Quelle philosophie pénale pour la droite ?

Avant même de s’engager dans des programmes détaillés, l’opposition ne pourrait-elle pas s’accorder sur une philosophie de synthèse inspirant l’ensemble des dispositions envisagées en matière pénale ? Un humanisme efficient, digne mais protecteur, la liberté et la responsabilité n’étant pas déniées aux transgresseurs, aussi réduites soient-elles parfois.

Décidément la société n’est pas coupable. Ni la prison ni les médias, mais soi-même d’abord avec les mille amendements que la réalité apportera. Il n’y a aucune fatalité pour que notre vie démocratique continue ainsi pour l’appréhension de la justice : une droite écoutant le réel au point d’être étouffée par lui, une gauche éprise du dogme rousseauiste, au point de mettre le pays scandaleusement présent et désespérant entre parenthèses.

Les dégâts de l’islamisme meurtrier

Je comprends pourquoi, depuis l’affaire Merah, la pauvreté judiciaire conceptuelle de la droite est désolante puisque le terrorisme et le combat guerrier paraît-il — on en doute, à lire la dense contribution du Groupe Plessis sur ce thème — ont rendu secondaire ce qui est pourtant l’essentiel : la délinquance et la criminalité « ordinaires », la justice au quotidien dans toutes ses autres branches. L’islamisme meurtrier a fait aussi des dégâts dans les têtes.

Ce prétexte est d’autant plus exploité qu’en général la prison absorbe toute l’énergie des politiques comme si, irremplaçable, elle devait appeler en permanence à une exclusivité intellectuelle très préjudiciable à tout le reste, laissé peu ou prou à l’abandon. Pour le carcéral, la droite est d’ailleurs gangrenée par les poncifs abstraits et irresponsables de la gauche qui préfère imputer à l’enfermement ce qui relève le plus souvent tristement d’une certaine nature humaine fautive en amont et incorrigible en aval.

L’ignorance de la justice

Plus profondément, l’attitude des politiques à l’égard de la Justice tient, dans le meilleur des cas, à une ignorance bienveillante et à une crainte révérencielle, dans le pire, à une ignorance à laquelle s’ajoutent mépris et vulgarité : faute de faire l’effort de connaître ce monde capital pour la démocratie et devenu enjeu politique, on préfère le tourner en dérision ou l’invectiver comme Henri Guaino. Il est vrai que les magistrats, parfois, mettent du leur dans cette détestation qu’ils peuvent inspirer !

Je persiste. Sur le plan banalement judiciaire, les candidats à la primaire LR n’ont pas considéré que ce sujet valait la peine d’une réflexion et d’un travail approfondis. Comme si magiquement, le pouvoir conquis, les choses allaient se mettre dans un cours favorable grâce à une institution dévouée et en général digne.

Que ce soit pour Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy.

Pas de réflexion de la part de Juppé et Sarkozy

Pour le premier, son livre sur le régalien n’est pas bouleversant et ce n’est pas seulement avec ce qu’il propose que la justice répondra aux attentes et que la société sera rassurée pour la protection des personnes et des biens. À l’évidence il a d’autres priorités mais, intelligent et lucide, il prendra en charge celle-ci car elle s’accordera à son souci de restaurer une France plus heureuse (moins inquiète pour elle-même, pour sa vie, sa tranquillité, crimes et délits, leur menace, leur réalité aggravant l’angoisse des plus modestes, des plus faibles).

Nicolas Sarkozy projette de reprendre les peines plancher mais de manière plus automatique qu’avant avec la loi que la gauche a absurdement abolie. C’est dommage. Il veut défaire et refaire. C’est sans doute le minimum mais où se trouvent l’invention, l’imagination ?

La paresse de la droite en matière judiciaire

Je crains que la droite par paresse, par commodité, se contente, pour imiter les socialistes mais à rebours, de jeter par exemple l’inutile contrainte pénale au lieu de prendre en charge des questions fondamentales pour demain et de prévoir des missions urgentes.

Le délabrement de certaines juridictions et la paupérisation de la justice.

Comment rendre la justice plus efficace, plus rapide ?

Faut-il un véritable contrôle professionnel sur les magistrats avec une responsabilité élargie ?

Que faire du Conseil supérieur de la magistrature ?

Comment construire de nouvelles places de prison ? Et assurer au sein des établissements ordre, rigueur, autorité, décence et cohérence dans les affectations ?

Faut-il limiter le syndicalisme judiciaire ?

L’exécution des peines est défaillante. Comment la remettre en marche ?

Comment promouvoir les meilleurs ? Selon quelles modalités ? Les entreprenants au détriment des complaisants ?

Comment favoriser le fonctionnement d’une Justice dont le citoyen, qui doit s’occuper d’elle puisqu’elle le regarde au premier chef, est le juge principal ?

Pouvoir, Autorité ou d’abord service public ?

Comment rapprocher l’institution judiciaire de la vertu de justice ?

Tant de chemins sont à ouvrir, tant de difficultés à traiter, tant d’exemplarités à honorer, tant de lenteurs à sanctionner. Tant de fierté à redonner ou à inspirer. Tant de confiance à recouvrer. Tant de lacunes à combler. Tant de progrès à réaliser.

La Justice n’existe pas pour les candidats à la primaire LR. Mais il y a encore du temps jusqu’au 20 novembre.

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  • Monsieur Bilger,sans être méchant la droite a du mal à parler justice avec les casseroles qu’elle traine

    • La Justice? quelle Justice? Celle qui s’est transformée en inquisition stalinienne? celle qui qui reçoit les journalistes du Monde, accompagnés par les séides du président, pour leur offrir les dossiers classés secret d’Etat? celle qui distribue des « documents » confidentiels à des Médiapart ou autres? celle qui se permet, en toute impunité, de faire un Mur de cons? celle qui relâche les criminels? celle qui « oublie » les justiciables proches du pouvoir? celle qui condamne « moralement » un DSK mais le libère car la morale n’est pas justiciable, quand ça l’arrange? etc…etc…

  • Le problème de la justice c’est sont abscence de controle démocratique.
    Au nom de l’indépendance judiciaire, la justice est en train de devenir un état dans l’état ou les élites de l’institution se cooptent en eux depuis le système de formation jusqu’aux plus hautes instances.
    La droite est mal à l’aise avec une institution de plus en plus noyauté par les socialistes après avoir été sa chasse gardée.
    Prenon l’exemple américain avec les postes soumis au vote des administrés !

  • Il me semble que vous réduisez les candidatures de droite aux deux candidats que les médias veulent nous imposer: Juppé ou Sarkozy…
    Ceci étant, il est vrai que la justice est un sujet capital, mais peu compris des Français qui regardent uniquement l’aspect sécurité.

  • « Primaire à droite : n’oubliez pas la justice ».
    Curieux votre article Monsieur BILGER. Dans la lettre et dans l’esprit de votre texte, je pense qu’il aurait été préférable d’intituler : « Primaire à droite : n’oubliez pas les magistrats ».
    Cela aurait été moins présomptueux…

  • A part faire un éloge aveugle de Alain Juppé, j’ai du mal à voir l’intérêt de l’article.
    Pour rappel, certaines professions exigent d’avoir un casier judiciaire vierge, comme convoyeur de fonds. Mais les français ne se soucient pas de cette précaution pour confier non pas quelque liasses de billets à un homme mais le destin de la France.
    Bien triste.

  • Philippe Bilger: le premier se mêlait trop de la justice, le second ne s’y intéresse pas —, sans doute une troisième voie devra-t-elle être explorée par le successeur

    Être lié au bon vouloir du prince en charge, c’est l’assurance d’être sans cesse déçu.

    Des hommes exceptionnels, intelligents, intègres, combien en sort-il à ces niveaux de pouvoir ?
    Un par siècle, deux ? 10 années de construction sur 90 ans de gabegie corporatiste et idéologique ?

    Il faut cesser d’attendre l’homme providentiel, il est plus important d’empêcher le pouvoir de nuire, lui retirer les clés, le diluer entre des factions réellement indépendantes dont certaines en charge de maintenir les fondements de la justice et soumettre les textes de loi au contrôle populaire.

    Si la justice sert le peuple, c’est au peuple de décider de quelle justice il a besoin, au mieux il neutralise les velléités corporatistes et ce serait déjà un énorme progrès pour la France.

    • « Etre lié au bon vouloir du prince en charge, c’est l’assurance d’être sans cesse déçu ».

      Voila une réflexion qui devrait inciter le lecteur à se poser la question de la légitimité démocratique de nos institutions d’inspiration bonapartiste.

      Par exemple, serait il judicieux d’essayer de promouvoir l’avènement d’une VIème république d’inspiration libérale avec une possibilité de contrôle des gouvernants et des corporations par les citoyens comme….en Suisse.

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